dimanche 10 septembre 2017

ÇA


Épouvante-horreur/Drame/Thriller/Respectueux de l'histoire et des personnages, soigné, des moments d'épouvante intenses, très sympa !

Réalisé par Andy Muschietti
Avec Bill Skarsgård, Jaeden Lieberher, Finn Wolfhard, Jack Dylan Grazer, Sophia Lillis, Jeremy Ray Taylor, Wyatt Oleff, Chosen Jacobs...

Long-métrage Américain
Titre original : It 
Durée : 02h15mn
Année de production : 2017
Distributeur : Warner Bros. France 

Date de sortie sur les écrans américains : 8 septembre 2017
Date de sortie sur nos écrans : 20 septembre 2017


Résumé : À Derry, dans le Maine, sept gamins ayant du mal à s'intégrer se sont regroupés au sein du "Club des Ratés". Rejetés par leurs camarades, ils sont les cibles favorites des gros durs de l'école. Ils ont aussi en commun d'avoir éprouvé leur plus grande terreur face à un terrible prédateur métamorphe qu'ils appellent "Ça"… 
Car depuis toujours, Derry est en proie à une créature qui émerge des égouts tous les 27 ans pour se nourrir des terreurs de ses victimes de choix : les enfants. Bien décidés à rester soudés, les Ratés tentent de surmonter leurs peurs pour enrayer un nouveau cycle meurtrier. Un cycle qui a commencé un jour de pluie lorsqu'un petit garçon poursuivant son bateau en papier s'est retrouvé face-à-face avec le Clown Grippe-Sou … 
  
Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai pensé : j'ai eu la chance de découvrir ÇA en avant-première hier dans le cadre du Festival du Film Américain de Deauville. Afin de nous préparer à l'atmosphère particulière de ce long-métrage, quelques ballons flottaient dans les couloirs du Centre International.




ÇA s'inspire, fort bien, du roman éponyme de Stephen King, il en respecte l'esprit et l'intrigueDès la scène d'ouverture, le réalisateur, Andy Muschietti, soigne la forme de son long-métrage. Il gère la dualité de son histoire : les sentiments adolescents et les cauchemars éveillés, en nous entraînant d'un genre à l'autre tout en conservant un style cohérent. On reste ainsi accroché au déroulement des événements du début à la fin. Il y a un peu de romance, une bonne dose d'amitié, une once de tristesse et de l'horreur - de celle qui vous colle des frissons délicieux dans le dos. La musique accompagne parfaitement ces moments terrifiants pour rendre leur impact encore plus marquant. 

Alors qu'on pense partir sur un film pour ados, on se rend rapidement compte qu'en fait, il s'adresse plutôt aux grands. Mais on fait appel ici à notre âme d'enfants et à notre expérience du passage à l'âge adulte. 

L'histoire se déploie autour de nombreux lieux. Et pourtant, l'impression de petite ville propre à Derry est bien présente. Cette ville gentillette et bien tranquille à l'Histoire quelque peu surprenante est d'ailleurs l'un des personnages du film. L'atmosphère des années 80 y est parfaitement retranscrite. 

Les ambiances passent du léger à l'angoisse facilement et intensément. Les effets spéciaux sont réussis. Ils s'intègrent idéalement à l'intrigue. Les ados forment un groupe de ratés attachant. Les jeunes acteurs, excellents, trouvent chacun voix au chapitre et chaque personnage apporte son petit plus à l'histoire. 








Entre doutes et douleurs personnelles, c'est ensemble qu'ils trouvent le courage d’affronter Ça. Ce dernier prend l'aspect du clown Grippe-Sou dont l'humour morbide hante les habitants de Derry. Bill Skarsgård est méconnaissable et hautement inquiétant dans ce rôle. 



ÇA est une ouverture sur un monde effrayant, celui de la peur qui vous ronge jusqu'au sang. Il impose son style déconcertant, mais efficace. C'est un film d'horreur très soigné qui s'adresse au plus grand nombre (des adultes), car il sait habilement alléger les tensions pour ne pas être indigeste. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'on flotte en le regardant, mais presque... Vivement la suite qui est déjà prévue pour 2019 !

© 2017 WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. AND RATPAC-DUNE ENTERTAINMENT LLC.  ALL RIGHTS RESERVED

NOTES DE PRODUCTION
(Á ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

ÇA – Extrait du livre de Stephen King Extrait 3

Il courait donc à la poursuite de son bateau, du côté gauche de Witcham Street, aussi vite qu’il le pouvait ; mais le bateau prenait de l’avance, car l’eau dévalait plus vite encore. Son grondement allait s’amplifiant, et il s’aperçut qu’à une cinquantaine de mètres en contrebas, elle quittait le caniveau pour cascader dans un conduit d’urgence que l’on n’avait pas encore refermé.

Il formait un grand demi-cercle obscur sur le bord du trottoir, et, alors que George regardait dans cette direction, une branche dépouillée à l’écorce noire et luisante comme une peau de phoque s’engouffra dans sa gueule.

Elle y resta accrochée un instant avant d’y disparaître. C’était là que se dirigeait son bateau. « Oh, merde et merdouille ! » s’écria-t-il, consterné.

Il accéléra le pas, et crut pendant quelques secondes pouvoir rattraper le bateau. Mais l’un de ses pieds glissa sur quelque chose, et il alla s’étaler, s’écorchant le genou, avec un cri de douleur. De ce nouvel angle au ras du sol, il vit l’embarcation tourner deux fois sur elle-même, momentanément prisonnière d’un tourbillon, puis disparaître.

« Merde et merdouille ! » cria-t-il de nouveau, frappant la chaussée du poing. Il se fit mal et les larmes lui vinrent aux yeux. Quelle stupide façon de perdre le bateau ! Il se releva et s’approcha de la bouche d’égout. Il mit son bon genou à terre et regarda à l’intérieur.
L’eau faisait un grondement creux en s’enfonçant dans les ténèbres, un bruit de maison hantée qui lui rappelait...

Un cri étranglé sortit de sa gorge et il sursauta. Deux yeux jaunes le regardaient de là-dedans, des yeux comme ceux qu’il avait imaginés le guettant dans la cave, sans jamais les voir. C’est un animal, pensa-t-il de manière incohérente, c’est tout ce que c’est, un animal, tout bêtement un chat qui a été emporté là-dedans...

Il était cependant prêt à s’enfuir en courant — il allait s’enfuir en courant dans deux secondes, quand ses mécanismes mentaux auraient digéré le choc produit par ces deux yeux jaunes et luisants. Il sentait la surface rugueuse du macadam sous ses doigts, ainsi que l’eau froide qui les contournait. Il se vit se relever et battre en retraite, et c’est à cet instant qu’une voix — une voix agréable, au ton raisonnable — lui parla depuis la bouche d’égout.

« Salut, Georgie ! » fit-elle. George se pencha et regarda de nouveau. Il n’en croyait pas ses yeux ; c’était comme dans un conte de fées, ou comme dans ces films où les animaux parlent et dansent. Il aurait eu dix ans de plus, il serait resté incrédule : mais il avait six ans, et non seize. Un clown se tenait dans l’égout. L’éclairage n’y était pas fameux, mais néanmoins suffisant pour que George Denbrough n’ait aucun doute sur ce qu’il voyait. Un clown, comme au cirque, ou à la télé. Un mélange de Bozo et Clarabelle, celui (ou celle, George n’était pas très sûr) qui parlait à coups de trompe dans les émissions du dimanche matin.

Le visage du clown était tout blanc ; il avait deux touffes marrantes de cheveux rouges de chaque côté de son crâne chauve et un énorme sourire clownesque peint par-dessus sa propre bouche. Il tenait d’une main un assortiment complet de ballons de toutes les couleurs, comme une corne d’abondance pleine de fruits mûrs. Et dans son autre main, se trouvait le bateau en papier journal de George. « Tu veux ton bateau, Georgie ? » fit le clown avec un sourire. George lui sourit à son tour ; il ne put s’en empêcher. C’était le genre de sourire auquel on ne pouvait faire autrement que de répondre. « Oui, bien sûr, je le veux.

— “Bien sûr, je le veux !” fit le clown en riant. Voilà qui est bien dit, très bien dit ! Que penserais-tu d’un ballon ?
— Eh bien... oui ! » Il tendit une main hésitante, puis se reprit. « Je ne dois pas prendre les choses que me donnent des étrangers. C’est ce que Papa m’a dit.
— Ton papa a parfaitement raison, admit le clown du fond de son égout, toujours souriant. (Comment ai-je pu croire, se demandait George, qu’il avait les yeux jaunes? Ils étaient d’un bleu brillant et pétillant, comme ceux de sa mère ou de Bill.) Parfaitement raison. C’est pourquoi je vais me présenter. Georgie, je m’appelle Mr. Bob Gray, aussi connu sous le nom de Grippe-Sou le Clown cabriolant. Grippe-Sou, je te présente George Denbrough. George, je te présente Grippe-Sou. Eh bien, voilà, nous ne sommes plus des étrangers l’un pour l’autre. Pas vrai ? » George pouffa. « C’est vrai. » Il tendit de nouveau la main, et de nouveau la retira. « Comment t’es descendu là-dedans? — La tempête nous a balayés, moi et tout le cirque, répondit Grippe-Sou. Ne sens-tu pas l’odeur de cirque, Georgie ? »

Georgie se pencha. Ça sentait les cacahuètes, les cacahuètes grillées ! Et le vinaigre, ce vinaigre blanc que l’on verse sur les frites d’une bouteille avec un petit trou ! Ça sentait aussi la barbe à papa et les beignets frits, tandis que montait, encore léger mais prenant à la gorge, l’odeur des déjections de bêtes fauves. Sans oublier celle de la sciure. Et cependant... Et cependant, en dessous, flottaient les senteurs de l’inondation, des feuilles en décomposition et de tout ce qui grouillait dans l’ombre de l’égout. Odeur d’humidité et de pourriture. L’odeur de la cave. Mais les odeurs du cirque étaient plus fortes.

« Tu parles, si je les sens ! s’exclama-t-il.— Tu veux ton bateau, Georgie ? demanda Grippe-Sou. Tu n’as pas l’air d’y tenir tant que ça », ajouta-t-il en le soulevant avec un sourire. Il était vêtu d’un ample vêtement de soie fermé d’énormes boutons orange; une cravate d’un bleu électrique éclatant pendait à son cou, et il avait de gros gants blancs comme ceux que portent toujours Mickey et Donald. « Si, j’y tiens, dit George, toujours penché sur l’égout. — Veux-tu aussi un ballon ? J’en ai des rouges, des verts, des bleus, des jaunes... — Est-ce qu’ils flottent ? — S’ils flottent ? » Le sourire du clown s’élargit. « Et comment! J’ai aussi de la barbe à papa... » George tendit la main. Le clown la lui prit.

Et George vit changer le visage de Grippe-Sou. Ce qu’il découvrit était si épouvantable qu’à côté, ses pires fantasmes sur la chose dans la cave n’étaient que des féeries. D’un seul coup de patte griffue, sa raison avait été détruite. « Ils flottent... », chantonna la chose dans l’égout d’une voix qui se brisa en un rire retenu.

Elle maintenait George d’une prise épaisse de pieuvre ; puis elle l’entraîna dans l’effroyable obscurité où grondaient et rugissaient les eaux, emportant leur chargement de débris vers la mer. George détourna tant qu’il put la tête des ultimes ténèbres et se mit à hurler dans la pluie, à hurler inconsciemment au ciel blanc d’automne qui faisait ce jour-là comme un couvercle au-dessus de Derry. Des cris suraigus, perçants, qui tout au long de Witcham Street précipitèrent les gens à leur fenêtre ou sous leur porche. « Ils flottent, gronda la voix, ils flottent, Georgie, et quand tu seras en bas avec moi, tu flotteras aussi... » L’épaule de George vint buter contre le rebord en ciment du trottoir, et Dave Gardener, resté chez lui à cause de l’inondation au lieu d’aller travailler comme d’habitude au Shoeboat, ne vit qu’un petit garçon en ciré jaune qui hurlait et se tordait dans le caniveau, tandis que de l’eau boueuse et écumante transformait ses cris en gargouillis.

« Tout flotte, en bas », murmura la voix pourrie et ricanante ; puis il y eut soudain un bruit affreux d’arrachement, une explosion d’angoisse, et George Denbrough perdit connaissance. Dave Gardener fut le premier sur place ; il arriva à peine quarante-cinq secondes après le premier cri, mais George était déjà mort.
L’homme le saisit par le ciré, le tira dans la rue... et commença lui-même à crier quand le corps de l’enfant se retourna entre ses mains. Le côté gauche du ciré était maintenant d’un rouge éclatant. Du sang coulait dans l’égout depuis le trou déchiqueté où se trouvait autrefois le bras gauche; des os emmêlés, horriblement brillants, dépassaient du vêtement déchiré. Les yeux de l’enfant étaient grands ouverts sur le ciel blanc, et tandis que Dave se dirigeait d’un pas incertain vers ceux qui arrivaient, courant en désordre dans la rue, ils commencèrent à se remplir de pluie.

Extrait de Ça (Tome 1) publié aux éditions Le Livre de Poche.
© Stephen King, 1986.
© Éditions Albin Michel S.A., 1988, pour la traduction française.

NOTES DE PRODUCTION

De quoi avez-vous peur ?

Qu’il s’agisse du monstre tapi sous votre lit, de ce qui se cache dans l’obscurité, ou d’une
créature dissimulée dans l’ombre, impossible d’échapper à votre plus grande peur dans le thriller d’épouvante ÇA. Andy Muschietti, qui adapte pour la première fois à l’écran le best-seller culte de Stephen King, déclare : La peur est universelle et nous parle à tous. Quoi donc de plus terrifiant qu’une créature qui ne se contente pas de vous attaquer, mais qui le fait en se servant de vos plus grandes peurs ?

Le titre court et énigmatique fait référence au personnage central de l’histoire, un métamorphe ancestral qui adopte la forme des plus grandes peurs de ses victimes et sort de son hibernation tous les 27 ans afin de se nourrir des habitants les plus vulnérables de Derry dans le Maine, autrement dit les enfants. Cette fois, pourtant, une bande de sept jeunes un peu exclus, regroupés au sein du Club des Ratés, unissent leurs forces afin de se défendre contre la créature mystérieuse qu’ils désignent sous le pronom le plus vague qui soit : Ça. Mais la créature porte en fait un autre nom, entré aujourd’hui dans les annales de l’horreur : Grippe-Sou le Clown Dansant. D'abord publié en 1986, Ça s’est immédiatement élevé au rang de classique, se hissant en tête des ventes cette année-là. Le best-seller culte, qui fascine les lecteurs depuis plus de trente ans, est toujours considéré comme l’une des œuvres les plus emblématiques et les plus appréciées du maître incontesté de l’horreur : il a inspiré de nombreux films et autres adaptations télévisuelles dans les années qui ont suivi. C’est bien l’avis du cinéaste qui a pris les rênes du projet : Je suis un grand fan de Stephen King, qui était mon auteur préféré quand j’étais plus jeune. Du coup, ÇA, c’était vraiment le projet de mes rêves, explique Andy Muschietti. Moi qui aime réaliser des films d’épouvante, j’ai toujours été fasciné par la peur. Et je crois que le moment le plus terrifiant qui soit, c’est le jour où, enfant, on découvre son premier film d’horreur. C’est un sentiment qu’on ne ressent qu’une fois dans sa vie, et j’en ai fait une quête un peu chimérique : celle de retrouver cette sensation.

C’est ce qui m’aide à faire du cinéma, parce que j’estime que la seule façon de faire peur aux gens, c’est de faire appel à ce qui nous fait peur soi-même.

L’histoire possède une autre dimension qui est la marque de fabrique de Stephen King.

Aucun autre auteur ne sait allier avec un tel talent l’horreur absolue et l’expérience du passage à l’âge adulte. Et c’est probablement dans Ça, récit tendre sur la sortie de l’enfance, que le résultat est le plus probant. Le producteur Seth Grahame-Smith souligne : On était conscients dès le début du projet que ÇA serait bien plus qu’une histoire d’épouvante, et que le film devrait refléter les différentes facettes du roman. L’intrigue se passe à un moment précis de la vie de ces jeunes personnages qui sont en train de quitter l’enfance ; on a donc voulu que le film saisisse tout le charme de ces instants centrés sur les personnages, tout en restant profondément glaçant. Le producteur David Katzenberg partage son avis : Au cours du film, chacun de ces éléments prend tour à tour le dessus, ce qui produit un équilibre intéressant entre émotion et peur. Il était important de restituer ces deux aspects avec justesse, non seulement pour une question de rythme mais aussi de narration.

La sœur d’Andy Muschietti et sa collaboratrice de création, la productrice Barbara Muschietti, estime que les scénaristes ont trouvé le parfait équilibre. Chase Palmer, Cary Fukunaga et Gary Dauberman sont parvenus à saisir ce qu’il y a de plus touchant dans les relations entre les membres du Club des Ratés, et même à toucher aux premiers émois amoureux de l’adolescence. Mais ne vous y trompez pas : vous allez trembler !, plaisante-t-elle.

C’est le clown maléfique Grippe-Sou, dévoreur d’enfants et expert en peurs, qui constitue la source d’épouvante du film. Bill Skarsgård, qui incarne l’ignoble personnage, raconte : Je connaissais bien le roman et le personnage de Grippe-Sou quand j’étais plus jeune. À mon avis, il a besoin que les enfants croient ce qu’ils voient et cèdent à la panique avant de pouvoir les dévorer parce que la peur imprègne la chair. Pour moi, encore aujourd’hui, c’est le concept le plus terrifiant qui soit. Membre du Club des Ratés, l’acteur Jaeden Lieberher remarque : Il s’agit de dépasser ses angoisses, parce que si les enfants n’ont pas peur de Grippe-Sou, ils ont une chance de le vaincre. Mais toutes les choses affreuses qui leur arrivent sont terrifiantes.

Jaeden Lieberher joue le rôle de Bill Denbrough, le leader de facto du groupe. Les autres
jeunes acteurs qui incarnent les membres du club sont Finn Wolfhard (Richie Tozier), Sophia Lillis (Beverly Marsh), Jack Dylan Grazer (Eddie Kasprak), Wyatt Oleff (Stanley Uris), Jeremy Ray Taylor (Ben Hanscom), et Chosen Jacobs (Mike Hanlon).

Lors de l’élaboration du projet, auteurs et producteurs – à l'instar de Roy Lee et Dan Lin, étaient bien conscients du défi gigantesque que représentait l’adaptation d’un roman extrêmement riche long de plus de mille pages. Ils ont donc pris la décision de se concentrer sur la première partie, durant laquelle les membres du Club des Ratés sont encore enfants, et donc la cible privilégiée de Grippe-Sou. Cependant, Gary Dauberman souligne que le plus difficile quand on adapte ne serait-ce que la moitié d’un roman aussi apprécié que 'Ça', c’est d’essayer de faire une sélection parmi les nombreux passages marquants qui nous hantent depuis notre découverte du livre. Seth Grahame Smith confie : On était tous conscients de la grande responsabilité qui nous incombait de rester fidèles à l’esprit du roman parce qu’il s’agit d’un livre très important aux yeux des fans de Stephen King, à l'image de toute l’équipe qui a travaillé d’arrache-pied à son adaptation à l’écran. Ça a été un vrai travail d'équipe, rapporte Gary Dauberman, et Andy s’est montré particulièrement ouvert aux suggestions. Ce dont on a le plus discuté, c’est du fait que les peurs des membres du Club déterminent leur identité. Il a beaucoup réfléchi à la façon dont cela explique leurs actions, en s’inspirant d’éléments tirés du roman. Andy avait une idée très précise de la direction dans laquelle il voulait qu'aille le film, estime David Katzenberg. Il connait bien sûr l'univers de l’horreur à la perfection, poursuit le producteur, qui fait allusion au travail d’Andy Muschietti sur le film à succès MAMA. Mais il a aussi parfaitement réussi à maîtriser les différentes tonalités et à les allier harmonieusement. Ça a été une excellente idée que de le choisir comme réalisateur.

Auteurs et producteurs ont convenu de modifier un élément important dans leur adaptation. Bien que la première partie du roman de Stephen King se déroule dans les années 1950, l’histoire a été transposée dans les années 1980. Barbara Muschietti explique : Les années 50, c’est l’enfance de Stephen King, si bien qu'il parlait de sa génération, et le livre reflète ses propres peurs d’enfant. Stephen dit toujours qu’il faut écrire sur ce que l’on connaît. On a donc voulu faire un film sur ce qu’on connaissait le mieux, c’est-à-dire notre enfance dans les années 80, en s’inspirant de ce qui nous faisait peur à l’époque.

Andy Muschietti suggère que Les enfants des années 1950 avaient des peurs différentes d’aujourd’hui, à l'image des monstres emblématiques du cinéma de l’époque, et ce sont eux qui inspiraient les transformations de Grippe-Sou dans l’histoire d'origine. La réinvention des peurs dans le film est très profonde et comporte plusieurs niveaux de lecture, et je pense que même les fans du livre seront surpris par nos choix. Stephen King remarque : Les auteurs ont pris une direction légèrement différente du livre, mais l’important c’est qu’ils aient conservé l’idée centrale, c’est-à-dire que Grippe-Sou s’attaque aux enfants en découvrant leur plus grande peur et en en prenant l’apparence. Andy a bien compris cela, et je trouve qu’il peut être fier de son travail.

LES RATÉS
Tous ensemble, on peut le battre

Les sept collégiens qui se surnomment eux-mêmes le Club des Ratés sont les protagonistes de ÇA. Séparément, ces adolescents ne sont pas franchement armés pour affronter les tyrans de la cour d’école, et encore moins un puissant métamorphe. Mais ensemble, ils font preuve d’un courage particulier qui leur vient de leur amitié et de leur détermination à se  protéger les uns les autres et à défendre leur ville, en affrontant une terrible menace que  personne n’a réussi à éradiquer depuis des siècles. Le réalisateur confirme : Les Ratés trouvent leur force dans le groupe, et il est intéressant de voir que leur dynamique évolue tout au long du film ; ils adoptent tour à tour un rôle de leader ou une position de force. Ils ont chacun leur heure de gloire. C’est une belle histoire, où l’on constate que c’est dans l’adversité que l’humanité, la confiance et l’amour émergent.

Stephen King révèle la raison bien précise pour laquelle il a choisi des enfants comme héros de son roman. Il y a une période de transition dans la vie d’un enfant, où il est trop grand pour croire encore au Père Noël ou au Lièvre de Pâques, mais où il se demande quand même s’il n’y a pas quelque chose qui se cache sous son lit au moment d’éteindre la lumière. J’ai voulu mettre ces enfants dans une situation où ils sont les seuls capables de voir et donc de combattre la créature parce qu’ils croient encore aux monstres. Et pourtant, malgré tout, ils sont plus âgés que de très jeunes enfants qui n’auraient aucune chance : ils sont capables de se défendre.

Afin de dénicher les acteurs susceptibles de camper les membres du Club des Ratés, les producteurs se sont lancés dans une vaste recherche, et ont auditionné des centaines de candidats. Andy Muschietti raconte : Le casting a été d’une envergure gigantesque, et on a reçu beaucoup de candidats. Mais c’est vraiment génial de trouver un acteur qui correspond parfaitement au personnage. C’est très enthousiasmant pour le réalisateur, parce que c’est le choix des acteurs qui est essentiel pour incarner les personnages.

Le casting de ces personnages très fouillés ne pouvait pas se faire qu’individuellement : il fallait aussi s’assurer que leur dynamique collective soit crédible. Rich Delia, notre directeur de casting, a fait un travail fantastique, estime Barbara Muschietti. Il a déniché tellement de gamins exceptionnels que le plus dur a été d’en éliminer. C’était très amusant de les mettre en groupes pour trouver la combinaison parfaite, et puis quand on a vu comme le courant passait bien entre les enfants qu’on avait retenus, on s’est dit qu’on avait fait le bon choix.

Seth Grahame-Smith rapporte que les jeunes acteurs ont abordé leur rôle avec un engagement et un talent rare pour leur âge. Ils sont arrivés très concentrés, préparés et prêts à se mettre au travail. Ils savaient se placer, connaissaient parfaitement leur texte, et donnaient le meilleur d’eux-mêmes. C’était génial à voir.

Jaeden Lieberher campe le timide et bègue Bill Denbrough, hanté pour le souvenir de son
petit frère, George, incarné par le jeune Jackson Robert Scott. Le meurtre abominable du petit garçon que tout le monde surnomme Georgie devient le moteur de l’intrigue et de l’itinéraire de Bill. Jaeden Lieberher raconte que c’est cette tragédie qui pousse son personnage à agir. Au début du film, on voit à quel point les deux frères sont proches", dit-il. "Lorsque Georgie disparait, Bill se sent coupable parce que c’est lui qui l’a laissé aller jouer dehors sous la pluie avec son bateau en papier le jour de sa disparition. À partir de là, sa vie dans la maison familiale devient difficile. Ses parents ne sont pas à l’écoute et se montrent distants envers lui depuis la mort de Georgie, si bien qu’il ne peut compter que sur ses amis. Il n’y a qu’à eux qu’il peut vraiment se confier.

Richie Tozier, le meilleur ami de Bill, est un moulin à paroles farceur qui se cache derrière
ses lunettes aux verres en cul de bouteille. Finn Wolfhard, qui l’incarne à l’écran, qualifie Richie de sacré numéro passionné de télévision et de jeux vidéo, comme moi. Il voudrait être le rigolo de la bande, mais il est le seul à rire à ses blagues. Souvent, il agace les autres qui l’envoient balader. Après la disparition de Georgie, les choses prennent un tour plus sérieux et Richie commence à comprendre que quelque chose ne tourne pas rond à Derry… Quelque chose dont on ne peut pas rire.

Sophia Lillis incarne la seule fille du groupe, Beverly Marsh, qui feint de ne pas se rendre compte de l’effet qu’elle produit sur ses jeunes copains pré-pubères. Malgré — ou peut-être à cause de — sa vie de famille très difficile, Beverly est l’un des membres les plus forts et les plus courageux du groupe, affirme Sophia Lillis. Elle est très indépendante et fait comme si elle ne se préoccupait pas du jugement des autres, même si en fait elle a besoin d’amis et qu'elle veut faire partie d’un groupe. Elle cherche à nouer des liens avec les autres, mais elle est sur la réserve et ne veut pas se retrouver avec des gens comme son père. Du coup, elle prend ses distances… jusqu’à ce qu’elle rejoigne le Club des Ratés, bien sûr.

Jack Dylan Grazer joue le rôle d’Eddie Kaspbrak, chétif hypocondriaque qui ne quitte pas
sa banane remplie de médicaments, d’inhalateurs contre l’asthme et de toutes sortes de produits désinfectants. Eddie est un gamin névrosé, reconnaît Jack Dylan Grazer. Il fait une fixation sur les microbes à cause de sa mère et ça a mis un frein à sa vie sociale. Mais il n’est pas aussi fragile qu’on le lui a répété toute sa vie. Son affrontement avec Grippe-Sou lui révèle sa véritable force.

C’est Wyatt Oleff qui campe Stanley Uris, le plus sceptique des sept enfants. L’acteur explique : Stan a des tocs. Il ne supporte pas le désordre. Ce qui se passe dans sa tête dans ces moments-là est trop compliqué à gérer. Non seulement il a peur de Grippe-Sou, mais il est presque vexé : il ne peut pas envisager qu'une créature pareille existe parce qu'elle n’a tout simplement aucun sens. À la veille de son treizième anniversaire, Stanley est censé préparer sa Bar-mitsvah.

Mais un rite de passage d’une toute autre nature imposé aux Ratés par Grippe-Sou requiert toute son attention, à la grande consternation de son père, rabbin.

Jeremy Ray Taylor joue le rôle de Ben Hanscom, qui fait la connaissance des Ratés après avoir été sauvagement attaqué, non pas par Grippe-Sou mais par une bande de jeunes du coin.

Ben n’est peut-être pas le plus costaud de la bande, mais Jeremy Ray Taylor souligne ses autres qualités : C’est le cerveau du groupe, qui passe tout son temps à la bibliothèque… C’est un peu l’intello, quoi, dit-il en souriant. C’est Ben qui découvre cette histoire troublante de meurtres et de disparitions à Derry, ce qui impressionne les autres. Il n’a jamais eu d’amis et est absolument ravi de faire partie du Club des Ratés. Le dernier à rejoindre le club est Mike Hanlon, incarné par Chosen Jacobs. Mike est un garçon terre à terre et sincère, juge l’acteur. Il a grandi au sein d’une famille modeste à l’extérieur de la ville à une époque où les préjugés raciaux sont encore enracinés. Du coup, en tant que Noir, il s’est toujours senti un peu à part. Le Club des Ratés a une grande importance à ses yeux parce que ses membres sont les seuls amis qu’il ait jamais eus.

Les armes les plus puissantes des Ratés dans leur combat contre Grippe-Sou sont la solidarité et l’amour. Barbara Muschietti témoigne : Leur seul moyen de survie est de rester solidaires et de combattre leurs démons intérieurs comme extérieurs.

Les acteurs ont sincèrement adhéré à ce principe, si bien que les affinités entre les Ratés se sont transformées en véritables liens d’amitié entre les acteurs. Avant même le début du tournage, auteur et producteurs ont mis en place une sorte de camp d’entraînement. Seth Grahame-Smith s’est rendu compte que les jeunes acteurs n’étaient même pas nés au moment où se déroule l’histoire, et a donc élaboré une forme de guide des années 80 à leur attention. Je leur ai fait une petite brochure avec les films, la musique, les jeux-vidéo, la mode vestimentaire et les autres caractéristiques de l’époque. J’y ai même fait figurer quelques infos sur la façon dont on parlait, et des illustrations, comme par exemple une image d’un téléphone de l’époque. Ça a été ma modeste contribution au 'camp d’entraînement'.

Ce temps passé ensemble devait permettre aux acteurs de tisser des liens. Mais même la
production s'est montrée surprise par la solide amitié des enfants en dehors du plateau. Ils sontdevenus inséparables, ont organisé des soirées pyjama et des projections de films, élaboré un sacré nombre de farces, sans oublier les karaokés auxquels le reste de l’équipe a souvent pris part.

Ils sont devenus les meilleurs amis du monde, rapporte Seth Grahame-Smith, et je pense que ça témoigne du fait qu’Andy a repéré chez eux quelque chose d’exceptionnel durant le casting. C’était un peu comme voir se dérouler juste sous nos yeux l’été le plus marquant de leur enfance, aussi bien sur le tournage qu'en dehors. Andy Muschietti confirme : Ils ont créé des liens sincères ; c’était très profond, et peu importe ce qui se passera à l’avenir, ça a été un moment à part pour eux et je pense qu’ils ne l’oublieront jamais. Je leur suis très reconnaissant, ils ont été absolument épatants.

Si Grippe-Sou est sans doute le plus grand danger que courent les enfants de Derry, il n’est pas le seul. La bande à Bowers, un groupe de voyous cruels mené par Henry Bowers, est toujours à l’affût d'une victime à persécuter, et s’en prend tout particulièrement aux plus faibles et aux plus vulnérables des enfants. L’acteur australien Nicholas Hamilton, qui joue le rôle de Henry, qualifie son personnage de petit con psychopathe. C’est plus qu’une brute, il est sincèrement méchant. Il est accompagné de ses acolytes tout aussi impitoyables : Patrick Hockstetter, incarné par Owen Teague, Victor Criss joué par Logan Thompson, et Belch Huggins, campé par Jake Sim.

Malgré les terribles dangers auxquels sont confrontés leurs enfants, les adultes de Derry semblent ne pas vouloir, ou ne pas pouvoir, les aider. Ils ferment les yeux sur les exactions des voyous et ne se rendent absolument pas compte qu’un monstre hante leur ville depuis sa fondation. Leur totale indifférence, même lorsqu’ils sont témoins d’un acte de violence, est un rappel glaçant de l’emprise mentale de Grippe-Sou sur la ville entière. Seth Grahame Smith souligne que cela se voit à la façon dont les adultes, qui devraient réagir bien plus vite, semblent presque disparaître, et laisser ces événements atroces se produire sans rien faire. Une affiche d’enfant disparu en remplace une autre sans que personne n’y fasse quoi que ce soit. Les enfants finissent par arriver à la conclusion qu’aucun adulte, pas même leurs parents, ne va les aider. Il va falloir qu’ils s’occupent du problème eux-mêmes. Et c’est l’une des choses les plus terrifiantes qui soit pour un enfant.

GRIPPE-SOU

C'est un vrai festin pour Grippe-Sou. De la terreur à l'état pur…

La production était consciente que le choix de l'interprète de Grippe-Sou allait avoir une incidence non négligeable sur chaque aspect du film. Au bout de longues recherches, Bill Skarsgård a décroché le rôle. "Ce qui nous a plu chez Bill", explique Barbara Muschietti, "c'est qu'il avait une vision instinctive de Grippe-Sou correspondant à celle d'Andy".

Le réalisateur confirme : "Dès son audition, j'ai été fasciné par le jeu de Bill et, à partir de là, j'ai découvert de nouvelles qualités chez lui tous les jours. Il a non seulement insufflé du mystère au personnage, mais il a eu le cran d'explorer la dimension outrageusement théâtrale de Grippe Sou. Il avait une forme de folie dans le regard, et sa gestuelle était totalement troublante. Les exigences physiques du rôle étaient, pour certaines, éprouvantes, mais je dois reconnaître que Bill débordait constamment d'énergie". 

De son côté, Skarsgård indique qu'il comptait sur les conseils de Muschietti et qu'ilappréciait la confiance dont lui témoignait le réalisateur. "Andy me faisait confiance et je lui faisais confiance. Je savais que j'étais entre de bonnes mains, si bien que je pouvais me lâcher et qu'il était sensible à ma démarche. Nous avons fait du très bon travail d'équipe tous les deux".

Grahame-Smith note : "On ne pourra jamais souligner suffisamment à quel point Bill a
enrichi le personnage du point de vue de son physique, de son attitude et de ses expressions".

D'ailleurs, l'une des expressions que l'acteur a su adopter pour le rôle a désarçonné le réalisateur. Muschietti raconte : "J'avais envisagé le strabisme divergent de Grippe-Sou très tôt : je voulais qu'il ait cette allure de fou lorsque l'un de ses yeux est dévié vers l'extérieur.

C'est le contraire du strabisme convergent. J'en ai parlé à Bill en lui expliquant que cela pouvait être l'une des caractéristiques du personnage et en me disant qu'on réglerait cette question en postproduction. Mais il m'a répondu qu'il pouvait y arriver lui-même et il y est parvenu en effet !

Ça m'a foutu les jetons ! On le voit dans le film et c'est terrifiant. En revanche, Bill n'a pas pu changer la couleur de ses yeux bleus en jaune. On l'a donc réalisé en postproduction. Mais c'est à lui seul qu'on doit le coup du strabisme divergent".

Étant donné l'appétence de Grippe-Sou pour les enfants, Muschietti a imaginé un visage poupin pour le personnage, à l'instar de ses grands yeux, de son nez en trompette, de ses cheveux tout fins et de ses pommettes saillantes. "Je me disais qu'en l'affublant de ces traits enfantins, on le rendrait plus dérangeant encore en raison du contraste entre son air doux et innocent et sa propension à commettre des actes atroces", relate le réalisateur.

Les maquilleurs effets spéciaux Alec Gillis et Tom Woodruff ont conçu et mis au point un crâne hypertrophié ressemblant, selon Gillis, à "un gigantesque melon fissuré. En général, on conçoit nos effets de A à Z, mais Andy m'a envoyé un graphique très évocateur, en stipulant bien qu'il fallait que l'allure du personnage soit proche d'un enfant. Ça m'a vraiment inspiré". 

Le visage de Grippe-Sou comporte enfin des dents acérées dégoulinant de bave.

Pour son costume, la chef-costumière Janie Bryant a apporté des touches médiévales, Renaissance et élisabéthaines à sa tenue de clown afin de rappeler que Grippe-Sou s'acharne sur Derry depuis des siècles. Elle a également ajouté des plis, précisant que "ces plis complexes ajoutent encore à la dimension organique et reptilienne du costume de Grippe-Sou".

Outre ses traits physiques, Skarsgård s'est attaché à mettre au point la voix et le rire hystérique caractéristiques du personnage. Pour la voix, il a adopté ce qu'il appelle une "sorte de crépitement aigu".

Une fois la création du personnage mythique achevée, la production a pris soin de soustraire leur Grippe-Sou du regard des sept acteurs composant le Club des Ratés – du moins dans un premier temps – afin de ne pas perdre la fraîcheur de leur réaction initiale. Katzenberg indique : "On a empêché les jeunes de voir Grippe-Sou avant qu'ils ne se retrouvent sur le plateau avec lui. Je trouve que cette décision n'a fait qu'enrichir leur découverte de Grippe-Sou et intensifier la terreur qu'il leur inspire".

Muschietti a largement réfléchi à la manière d'introduire Grippe-Sou à l'écran : "C'est un moment emblématique dans le livre que beaucoup de lecteurs attendront de retrouver dans le film avec impatience", reconnaît le réalisateur. "La scène est fascinante : la première apparition de Grippe-Sou est déroutante et charismatique, mais dans le même temps, on constate que quelque chose ne tourne pas rond chez lui. Pour autant, il est entouré d'une sorte d'aura
surnaturelle tout à fait troublante".

Barbara Muschietti était particulièrement sensible à ce sentiment de trouble. "Bien entendu, la première fois qu'on découvre Grippe-Sou est un moment très important et, en ce qui me concerne, il s'agit d'une scène qui n'a cessé de me hanter. Depuis que j'ai lu le livre, j'ai beaucoup de mal à regarder un collecteur d'eaux de pluie sans m'imaginer que Grippe-Sou rôde dans les environs", dit-elle en souriant. "On voulait faire en sorte de graver une image dans la mémoire du spectateur à tout jamais".

LA CONCEPTION DE DERRY 

Tous les phénomènes catastrophiques qui se produisent dans cette ville sont le fait d'une seule et même créature. Une créature maléfique.

Dans l'esprit de Stephen King, Derry s'inspire de Bangor, située dans l'État du Maine où
vit l'auteur. Pour s'imprégner des lieux, Muschietti s'est rendu à Bangor, mais il était impossible d'y tourner pour des raisons logistiques. La production a donc choisi de franchir la frontière et de reconstituer Derry dans la ville de Port Hope, dans l'Ontario, au Canada.

Le fait que plusieurs scènes terrifiantes se déroulent en plein jour posait au chef opérateur Chung-Hoon Chung un problème constant d'éclairage, puisqu'il fallait susciter un sentiment de terreur diffus dans une cette charmante petite ville ensoleillée.

Une forêt voisine de Port Hope a campé le champ en friche à l'extérieur de Derry, surnommée "la lande". "Cela correspondait presque exactement à la description de la Lande dans le livre", s'enthousiasme le réalisateur.

Plusieurs sites majeurs de l'intrigue ont été dénichés ou construits dans d'autres coins de
l'Ontario, comme l'inquiétante maison située à une adresse bien connue des lecteurs du roman : 29 Neibolt Street. Cette demeure à l'abandon depuis longtemps et en piteux état alliait en réalité deux structures : l'une, extérieure, a été construite ex nihilo, et l'autre, intérieure, a été tournée dans une propriété repérée dans une rue à point nommée – "Bleak Street" [la "rue
lugubre", NdT].

Le chef-décorateur Claude Paré confie : "Avec l'autorisation du propriétaire, nous avons pu transformer la maison selon nos besoins, en la ramenant à son état initial et en en mettant en valeur les charmants détails victoriens qu'on a ensuite rehaussés. Ensuite, on a aménagé les lieux, en ajoutant du plâtre se détachant des murs, des feuilles mortes s'insinuant à travers les fenêtres brisées et de la poussière partout. On a recouvert les autres fenêtres de journaux de l'époque victorienne qu'on a mis au point et imprimés recto-verso, en sachant que la lumière viendrait éclairer le côté extérieur du journal".

Pour construire la façade extérieure, Paré se souvient : "Nous avons vieilli le bois neuf de la charpente, nous l'avons brûlé et lavé à haute pression pour lui donner un aspect gris argenté et délabré, et nous l'avons peint en gris argenté en intégrant des marques sombres laissées par des volets disparus depuis longtemps".

Le chef-décorateur était conscient qu'il était essentiel d'harmoniser l'intérieur et l'extérieur de la maison et a ainsi inséré quelques détails subtils pour souligner ce sentiment de cohérence visuelle. "Nous avons ajouté du lierre qui va de la porte d'entrée aux fenêtres et, du coup, à l'intérieur de la maison, j'ai utilisé la même plante grimpante des fenêtres au plafond, y compris dans le salon".

La production a également occupé trois imposants plateaux aux studios de Pinewood à Toronto. Sur l'un d'entre eux, l'équipe de Paré a construit une énorme cuve qui sert de repaire souterrain à Grippe-Sou : il s'agit d'un mélange grotesque de jouets et de tissus, imprégné d'une atmosphère macabre et morbide. La pièce maîtresse à la fois terrifiante et fascinante est une pile gigantesque de jouets, dont plusieurs ont des centaines d'années. Tous ces jouets appartenaient aux victimes de Grippe-Sou. Paré s'explique : "La base de la pile est noire et en putréfaction car elle est composée de jouets qui sont là depuis des siècles. Plus on se rapproche du sommet, plus les jouets sont récents".

En outre, les plateaux ont accueilli le labyrinthe de tunnels et d'égouts sinueux où s'aventurent courageusement les Ratés. Paré et son équipe ont fait en sorte de mettre au point des matériaux donnant l'impression qu'ils ont été construits il y a très longtemps.

Le collecteur d'eaux pluviales où Grippe-Sou apparaît pour la première fois a été tourné
à deux endroits. D'abord dans un décor naturel où l'on voit Georgie dans son imperméable jaune suivre son bateau de papier qui sillonne une rue de Derry inondée par la pluie. Ensuite, la conversation entre le petit garçon et le clown, comme son dénouement fracassant, ont été tournés ultérieurement en studio : une plateforme surélevée d'où Grippe-Sou observe Georgie a été utilisée.

D'autres décors ont été construits sur le plateau, à l'instar d'une salle de bain miteuse
d'un appartement vétuste, où Beverly est aspergée par un geyser de sang jaillissant du lavabo, ou encore un sous-sol inondé où Grippe-Sou surgit soudain d'une eau trouble. C'est là qu'il prononce ses paroles entêtantes – "Toi aussi, tu flotteras…" – qui sont à la fois une révélation accablante et une sourde menace.

S'il y a bien une image évocatrice de Grippe-Sou qui a traversé les générations, c'est celle
du ballon rouge. "On ne pouvait pas envisager de tourner ÇA sans la présence des ballons",
indique Andy Muschietti. "La première fois qu'on voit Grippe-Sou avec ses ballons, on remarque, si on y prête bien attention, qu'ils ont une forme étrange car ils ne sont pas réels. C'est lui qui leur donne forme. C'est un métamorphe, capable de changer de forme à volonté, et les ballons ne sont qu'un prolongement de son corps. C'est donc à la fois surréaliste et déconcertant de voir un objet si banal adopter une forme aussi étrange".

VOUS AVEZ ENTENDU ÇA ?

Si jamais ça revient, on reviendra aussi…

La musique et les effets sonores ont été déterminants pour définir la palette émotionnelle, l'atmosphère, et bien sûr, la tension. En étroite collaboration avec Andy Muschietti, les mixeurs réenregistrement Chris Jenkins et Michael Keller, le monteur son Victor Ray Ennis et le sound designer Paul Hackner ont mis au point un climat sonore envoûtant, qui plonge les spectateurs dans l’horreur qui frappe Derry.

Paradoxalement, le silence a été un leitmotiv pour l’équipe sonore. Keller explique : “Il y
a beaucoup de scènes dans IT où tout est silencieux et où tout d’un coup, un phénomène effrayant et totalement inattendu se produit. Notre mission consistait à tempérer le son pour que ces scènes terrifiantes ne s’entrechoquent pas”.

De même, des dispositifs subtils mais non moins puissants ont créé des effets d’atmosphère tout au long du film. Par exemple, des bruits d’ambiance glauques pénètrent la maison de Neibolt Street, et tous les tunnels et canalisations d’égouts de Derry ont leur propre “saveur“ auditive, comme le rappelle Keller. “Pour un petit tunnel, on choisissait plutôt un son mono, mais dès que l’on arrive dans l’énorme cuve de Grippe-Sou, il y a beaucoup d’effets de réverbération et de son multicanal”, détaille-t-il.

L’équipe sonore a également pu moduler le rire que Skarsgård a mis au point pour son
personnage, ponctuant le film des nombreux ricanements du clown afin de créer des basses fréquences et, dans certains cas, des vocalisations subliminales qui deviennent méconnaissables.

La musique, composée par Benjamin Wallfisch, a constitué la touche finale de ÇA.

Wallfisch a tenté d'évoquer l’époque du film, et a donc composé une partition ancrée dans la tradition symphonique des films d’aventure emblématiques des années 1980. Cependant, il savait que la partition devait exprimer un climat tout à fait singulier. “Créer une bande-son originale pour raconter l’histoire d’une créature terriblement maléfique et changeant sans cesse d'apparence —une entité qui ne peut être vaincue que lorsque plusieurs individus s'épaulent mutuellement pour ne faire plus qu’un— nécessitait des thèmes métamorphiques, passant d’un extrême à un autre, d’une audace musicale à un moment de calme absolu et surtout, un langage musical constamment traversé par la profonde vérité émotionnelle qui habite le film”, explique t-il.

S’il y a des thèmes bien particuliers pour Grippe-Sou, les Ratés, Georgie ou encore la ville
de Derry, Wallfisch voulait qu’il y ait une réelle synergie entre tous ces éléments, “pour exprimer l'emprise de Grippe-Sou sur cet univers”, explique-t-il.

Dans un registre très singulier, le thème de Grippe-Sou est en fait une comptine pour enfants datée du XVIIe siècle, “Oranges et Citrons”, dont certains historiens affirment qu’elle évoque un sacrifice infantile. “La dernière parole de la chanson, que l’on utilise à un moment du film dit : ‘Voici une bougie pour éclairer ton lit / Et voilà le bourreau pour te couper la tête !’” remarque Wallfisch. “Il s’agit d’une chanson qui a l’air amusante et inoffensive en apparence, mais avec une facette très sombre et maléfique, un peu comme le personnage. On l’utilise dès que Grippe-Sou attaque ou envisage d’attaquer ses victimes”.

Muschietti remarque que la musique de Wallfisch est également la bande-son parfaite
pour “la magie et le mystère qui accompagnent l'extraordinaire été des Ratés”.

Stephen King souligne : “Les films d’horreur ont un impact vraiment puissant. Les gens
aiment avoir peur au cinéma parce que c’est un environnement sécurisé où on peut goûter à des émotions dont vous ne peut faire l’expérience dans la vraie vie ÇA. Va bien au-delà : ce film nous offre la possibilité, en tant qu’adultes, de revivre les émotions intenses que nous ressentions enfants. C’est l’une des raisons pour lesquelles je crois que le film fonctionne aussi bien”.  
Muschietti conclut : “Je veux que ÇA soit terrifiant, mais très touchant aussi. C’est un film d’horreur, mais c’est aussi un film qui parle d’amitié, d’amour, et de la force que donne la confiance en l'autre. Notre équipe a souhaité transporter le spectateur dans un périple émotionnel… qui n’en reste pas moins effrayant !”


#ÇaLeFilm

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