Thriller/Réalisation trop classique, acteurs sympathiques
Réalisé par John Crowley
Avec Eric Bana, Rebecca Hall, Ciarán Hinds, Jim Broadbent, Denis Moschitto, Anne-Marie Duff...
Long-métrage britannique/américain
Durée : 1h36m
Année de production : 2013
Distributeur : Universal Pictures International France
Twitter : https://twitter.com/UniversalFR et #ClosedCircuit
Date de sortie sur les écrans américains : 28 août 2013
Date de sortie sur les écrans britanniques : 25 octobre 2013
Date de sortie sur nos écrans : 26 mars 2014
Résumé : Le procès de l’homme accusé d’être le cerveau d’un acte terroriste ayant coûté la vie à 120 personnes, réunit deux anciens amants du côté de la défense, mettant leur éthique et leur confiance à l’épreuve, et leur vie en péril. Une explosion terroriste tue 120 personnes dans un marché animé de Londres. À l’issue de la chasse à l’homme qui s’ensuit un seul suspect d’origine turque, Farroukh Erdogan, est appréhendé et écroué. Ce qui promet d’être « le procès du siècle » se met en marche. Petit détail de la procédure : le gouvernement souhaite utiliser des documents classés secrets pour poursuivre le prévenu en justice, ce qui nécessite l’intervention d’une Avocate Spéciale, Claudia Simmons-Howe, désignée par le Procureur Général et seule autorisée à voir lesdits documents et à invoquer leur divulgation lors d’audiences à huis clos. Les règles sont claires : après avoir pris connaissance des documents classés, Claudia n’est plus autorisée à communiquer avec le prévenu ni avec les autres avocats de la défense. Mais l’affaire se complique quand l’avocat de Farroukh Erdogan se suicide et que son confrère Martin Rose est appelé à le remplacer. Martin est tenace, motivé, brillant... et il a eu une aventure avec Claudia.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : CLOSED CIRCUIT est un thriller qui met en exergue les arcanes du système judiciaire britannique. L'idée est super parce que c'est original, instructif et que cela oblige à se remuer un petit peu les méninges. Il faut bien suivre pour comprendre les tenants et les aboutissants de l'intrigue. Les acteurs sont sympathiques et on suit leurs aventures avec intérêt. Eric Bana et Rebecca Hall qui interprètent respectivement Martin Rose et Claudia Simmons-Howe apportent du charme aux personnages.
Il est dommage que la réalisation de John Crowley ne ménage pas plus de surprises. Elle est très classique et visuellement elle ne se distingue pas, hormis une scène d'introduction aussi terrifiante qu'impressionnante. En dehors de l'intrigue judiciaire pure, le spectateur habitué à ce genre cinématographique verra venir les revers du scénario.
CLOSED CIRCUIT est un film dont l'intérêt est plutôt intellectuel. L'action y est pratiquement inexistante. C'est un thriller qui change des mises en scène à l'américaine. C'est un divertissement intéressant pour une soirée ciné.
J'ai trouvé pratique de lire les notes ci-dessous sur le système judiciaire britannique avant de voir le film. Cela aide à mieux comprendre l'intrigue :
LE SYSTÈME JUDICIAIRE BRITANNIQUE
Le Procureur Général
Le Procureur Général (interprété par Jim Broadbent) est le principal conseiller juridique de la Couronne et du gouvernement, en Angleterre et au Pays de Galles.
L’avocat plaidant et/ou Conseiller de la Reine (CR), et solliciteur
L’avocat plaidant est spécialisé dans la plaidoirie et représente des individus ou des organisations. Il est généralement engagé par un solliciteur pour représenter son client au tribunal alors que le solliciteur travaille sur l’affaire mais ne participe pas aux plaidoiries. Dans CLOSED CIRCUIT, Martin (interprété par Eric Bana) est l’avocat plaidant et CR, et Devlin (interprété par Ciårán Hinds) est le solliciteur qui travaille régulièrement avec lui. Les avocats plaidants avec au minimum dix années d’exercice peuvent faire la demande et être nommés CR par le Ministère de la Justice. Il s’agit d’un titre honorifique dont jouissent environ 8,5% des membres du barreau anglais et gallois.
L’avocat Spécial
Un Avocat Spécial (comme Claudia dans le film, interprétée par Rebecca Hall) est un avocat choisi pour représenter les intérêts d’un individu/prévenu (Farrouch Erdogan, interprété par Denis Moschitto) lors de procédures judiciaires au cours desquelles au moins une partie des preuves ou des documents relatifs à l’affaire est « classée secrète » et ne peut être présentée que lors d’audiences à huis clos. Compte tenu du fait que les affaires qui demandent des Avocats Spéciaux sont souvent directement liées à la sécurité nationale, ceux-ci sont soumis à des contrôles rigoureux par le Ministère public afin d’assurer qu’ils ne constituent aucun risque si et quand les informations secrètes leur sont communiquées. Les Avocats Spéciaux bénéficient d’une autorisation officielle des services de sécurité et sont inscrits au SASO (Special Advocate Support Office ou Bureau d’Aide des Avocats Spéciaux). Quand le huis clos est requis lors d’une affaire allant en justice, le prévenu reçoit une liste des Avocats Spéciaux accrédités et doit en désigner un pour le représenter. Mais c’est le Procureur Général qui assigne les avocats spéciaux aux différentes affaires. Le SASO donne alors à l’Avocat Spécial tous les documents non classés que le prévenu lui-même est en droit de voir. L’Avocat Spécial est autorisé à rencontrer le prévenu et à en discuter avec lui. L’Avocat Spécial reçoit alors les documents classés secrets dont le prévenu n’a pas connaissance. Une fois que l’Avocat Spécial est en possession de ces documents, il n’est plus autorisé à entrer directement en contact avec le prévenu ou ses représentants afin de prévenir toute communication, volontaire ou non, des informations secrètes. Toute communication entre l’Avocat Spécial et le prévenu ou ses représentants doivent obligatoirement passer par le SASO afin d’éviter toute fuite ou divulgation. Le rôle de l’Avocat Spécial est de représenter les intérêts du prévenu lors des audiences à huis clos. Il est à même, par exemple, de faire subir un contre-interrogatoire aux témoins sur la base de leurs déclarations. L’Avocat Spécial est également présent lors des audiences « ouvertes », auxquelles peuvent assister le prévenu et le public, mais il n’est en aucun cas autorisé à communiquer directement avec les avocats de la défense.
Les audiences à huis clos
L’Avocat Spécial est un élément crucial du système judiciaire et seul représentant des intérêts du prévenu lors des audiences à huis clos qui ont lieu en présence du juge, du personnel de sécurité autorisé et de magistrats qui comptent souvent des procureurs du gouvernement. Durant ces audiences, des preuves confidentielles dont la divulgation présenterait une menace pour la sécurité nationale ou que le gouvernement ne peut pas révéler au public ou à l’accusé sont mises en avant. Sans elles, le gouvernement ne pourrait pas continuer ses poursuites. Dans les affaires de terrorisme, l’accusation est communément susceptible de posséder des informations hautement sensibles, ayant trait par exemple aux opérations menées par les services secrets britanniques à l’intérieur du pays ou à l’étranger, qu’elle ne souhaite pas divulguer à certaines personnes impliquées dans le procès, et encore moins au public. Les Avocats Spéciaux et les représentants de la partie plaignante subissent de plus en plus de pressions les dissuadant de compromettre les opérations des services de renseignements (MI5 et MI6) et leurs méthodes de surveillance, ou de mettre en danger leurs indicateurs ou leurs collaborateurs, appelés dans leur ensemble CHIS (Covert Human Intelligence Sources). Plusieurs organisations basées au Royaume-Uni opèrent des sites Internet qui fournissent des renseignements réguliers sur les procédures judiciaires. Avec l’avancée des technologies permettant la collecte d’informations jusqu’alors inaccessibles, le rôle de l’Avocat Spécial a rapidement évolué pour servir de contre-mesure et protéger le système judiciaire britannique. Il y a également une justification économique : la multiplication des menaces terroristes a engendré une hausse du budget alloué à la justice. Les agents des renseignements britanniques s’opposent souvent à des audiences publiques qui limiteraient l’exposé complet des preuves incriminantes qu’ils détiennent contre l’accusé. Le juge comme l’Avocat Spécial peuvent cependant insister pour qu’ils répondent le plus complètement possible lors d’audiences publiques. L’Avocat Spécial n’est pas autorisé à interroger l’accusé sur des points en rapport avec les informations secrètes. Il doit présenter ses arguments et ses conclusions finales au juge (interprété par Cameron Fischer) à l’issue de l’ensemble des audiences à huis clos.
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers!)
L’élaboration
de CLOSED CIRCUIT, un thriller ancré dans le présent, demandait maîtrise et
expertise des outils cinématographiques, mais également du fonctionnement et des
subtilités de la justice pénale anglaise.
Tim Bevan et Eric Fellner, les coprésidents
de Working Title Films, avaient déjà produit des thrillers contemporains, comme
L’INTERPRÈTE (Sydney Pollack, 2005), mais depuis les attaques du 11 septembre
2001 aux États-Unis et les attentats du 7 juillet 2005 à Londres, Tim Bevan
remarque que « la justice pénale du Royaume-Uni a énormément
changé. » « J’en ai discuté avec mon ami Tim Owen, avocat et Conseiller de la
Reine », déclare le producteur. « Au cours de sa
carrière, il a travaillé sur d’importantes affaires criminelles et je lui ai
parlé du film que nous entreprenions dans ce milieu juridique qu’il connaît si
bien. C’est une arène rarement examinée au cinéma. J’avais en tête le film DEFENSE OF THE
REALM (David Drury, 1986) comme une sorte de précurseur, parce qu’il
s’intéresse à un complot dans les coulisses du pouvoir britannique. » « Je me suis demandé
comment se déroulerait un important procès contre le terrorisme dans le
contexte pénal actuel. Les finesses des tribunaux britanniques sont un
intéressant matériel filmique et le travail juridique ne se limite pas aux
audiences, des marchés sont conclus à huis clos sans que le reste du monde en
soit informé. »
Tim Bevan fit appel à Steve Knight, le scénariste des PROMESSES
DE L’OMBRE (David Cronenberg, 2007) et de DIRTY PRETTY THINGS – LOIN DE CHEZ
EUX (Stephen Frears, 2002). Il déclare : « Je savais que
Steve serait à même de développer des personnages attachants au sein d’une
histoire prenante tout en restant très crédible. » Après s’être
concerté avec Tim Bevan et Tim Owen, le scénariste se lança dans l’élaboration
d’un scénario original autour de la représentation en justice d’un prévenu
accusé d’un acte terroriste au Royaume-Uni, par un avocat et une Avocate
Spéciale.
Le producteur explique : « Quand le procès débute, chacun d’eux
n’est plus autorisé à savoir ce que l’autre fait. Ils constituent la défense
mais ne peuvent pas coordonner leurs efforts. L’évolution du rôle des Avocats
Spéciaux est d’une grande importance dans notre système judiciaire. »
Au scénariste
d’élaborer : « C’est une modification de la loi pour des affaires
particulièrement délicates, habituellement liées au terrorisme. Dans de tels
cas, l’avocat de la défense et l’Avocat Spécial ne sont pas autorisés à
collaborer ni même à se parler en dehors des audiences au tribunal afin
d’éviter que les informations secrètes dont l’Avocat Spécial a connaissance
soient disséminées, accidentellement ou non, par l’avocat de la défense. Le
prévenu ne sera lui-même jamais mis en présence de toutes ces informations. »
«
J’ai pensé que si l’avocat de la défense et l’Avocat Spécial étaient un homme
et une femme qui avaient eu une aventure secrète, il y avait là de quoi faire
un bon thriller. Ça donnait lieu à des chevauchements entre différentes sphères
: professionnelle, parlementaire, politique et personnelle. »
Et Tim Bevan
ajoute : « Dans notre histoire, la tension s’intensifie quand les
facteurs humains se heurtent aux éléments du complot. » « CLOSED CIRCUIT est
une histoire de maquignonnage et de ratées. J’estime que le système judiciaire
britannique est assez convenable, mais il mérite d’être réexaminé de temps à autre.
Pour écrire ce scénario, j’ai parlé à de nombreux gens de loi qui ont à coeur
son équité et sa droiture. J’espère que cela transparaît dans notre film », précise
Steve Knight. « L’aide et les conseils de Tim Owen ont été
essentiels à l’élaboration du scénario », déclare
encore le scénariste dont les recherches le conduisent à assister à des procès
durant lesquels il fut à même d’observer « des gens dans des
situations de stress intense, comme un homme qui risquait vingt ans
d’emprisonnement. »
Le développement du scénario dura
près de deux ans, et en 2011, le producteur Chris Clark, qui avait débuté sa
carrière chez Working Title, rejoignit le projet. Il avait été témoin de sa conception
et Tim l’informa que le scénario était prêt. « Son traitement de
l’élément paranoïaque était très moderne, en phase avec la peur qui règne dans
notre société, jusqu’au niveau gouvernemental. J’ai adoré l’originalité avec
laquelle l’histoire d’amour complique les choses et ce que Steve avait fait de
ce thriller judiciaire moderne », déclare Clark.
Le scénariste
avoue qu’il a trouvé « l’univers de la profession juridique
particulièrement fascinant du point de vue de l’écriture, parce que c’est un
vase clos, au niveau géographique avec les « Auberges de la Cour » (Inns of Court
: institutions de formation et garantes de la profession juridique), mais
également de par les traditions archaïques et le code vestimentaire. » « Quand
j’écris, en particulier des histoires qui se passent à Londres, j’essaie de
trouver des sentiers qui n’ont pas trop été foulés auparavant. Généralement,
ils sont juste sous votre nez, mais il faut d’abord les identifier puis
développer l’histoire. »
À Chris Clark d’ajouter : « Comme on l’a vu
avec DIRTY PRETTY THINGS ou LES PROMESSES DE L’OMBRE, Steve excelle à nous
faire découvrir des facettes de Londres que l’on croit connaître mais dont on
ignore beaucoup. Il sait enrichir l’univers dans lequel se déroule l’intrigue,
la rendant d’autant plus palpitante. » La production
proposa à John Crowley de réaliser le film. « Nous étions très
attachés à l’idée de travailler avec John », déclare Tim
Bevan. « Nous avions déjà développé quelques projets ensemble
auparavant, et dans les films qu’il a réalisés, il a démontré une capacité à
faire monter la tension à des moments inattendus. Ça correspondait exactement à
ce que nous recherchions pour CLOSED CIRCUIT, nous voulions que les spectateurs
soient mis en alerte à mesure que l’intrigue se développe, que leurs battements
de cœur s’accélèrent.
John est également connu pour son travail au théâtre et
pour son aptitude à tirer de formidables performances de ses comédiens. » Et Chris Clark
confirme : « John était le candidat idéal grâce à sa capacité à
exploiter, et à faire que les acteurs exploitent, les facettes psychologiques
des personnages. Il décroche toujours des interprétations d’une grande
sincérité. » Quant au réalisateur lui-même, il déclare : « Quand j’ai entendu
parler du projet de Working Title, mes oreilles se sont dressées. Je suis fan
de Steve Knight et j’adore les thrillers. Travailler sur une brillante histoire
de complot à Londres était pour moi un nouveau territoire à explorer. J’avais
une volonté d’authenticité, autant pour le cadre que pour l’histoire. » « La
justice m’a toujours intrigué par ses rituels et son langage codifié.
Évidemment, de nombreuses personnes au sein de la profession travaillent dur
pour la démystifier, mais son fonctionnement et sa structure demeurent une
source de fascination. » L’implication du réalisateur est
également liée au fait que « beaucoup de gens estiment que les audiences à huis
clos représentent un important danger et bafouent les procédures en place. Si
les preuves que quelqu’un a contre vous ne peuvent pas être révélées et
examinées, le fondement du système judiciaire n’est-il pas en péril ? »
Si le titre
CLOSED CIRCUIT fait référence aux audiences à huis clos (« closed sessions »)
du film qui excluent le prévenu d’une partie de son propre procès, il fait
également allusion au demi-million de caméras de vidéosurveillance («
closed-circuit cameras ») visibles à Londres, sans oublier celles qui ne le
sont pas. Tim Bevan explique : « La surveillance est plus importante au Royaume-Uni
que nulle part ailleurs. À tout moment, des gens savent ce que vous faites... »
La production recherchait des acteurs à même de rendre
compte de l’intensité, de la retenue et de l’ingéniosité des personnages. Eric
Bana répondait parfaitement à ces critères pour le rôle de Martin. Il se
souvient : « J’ai lu le scénario dans l’avion, et son originalité,
sa force et son intelligence m’ont captivé. Ma rencontre avec John a cimenté ma
passion pour le projet. » « Mon personnage, Martin Rose, a travaillé dur pour
un métier qui sape sérieusement les relations personnelles à cause du
dévouement et du travail qu’il demande. Son mariage n’y a pas survécu, mais il
demeure combatif, motivé et confiant, c’est une pointure dans son domaine. » «
Le scénario m’a donné la confiance nécessaire pour jouer Martin, grâce au
formidable travail de Steve sur le langage et les dialogues. »
Et Chris Clark
commente : « Le milieu juridique et gouvernemental a un côté
froid et procédural, mais dans notre film, de la chaleur s’échappe des émotions
des personnages. Le public apprécie l’authenticité, et nous avons utilisé le
langage de la profession. » « J’aime écrire les dialogues de personnages qui
sont censés savoir s’exprimer parce que cela justifie narrativement leur aptitude
à dire ce qu’ils pensent. Les avocats que j’ai rencontrés ne manquaient pas d’assurance,
et je ne pense pas que ce soit possible s’ils veulent réussir dans la
profession », déclare le scénariste.
« Eric (Bana) joue
un personnage en pleine possession de ses moyens. Au début, il est arrogant,
puis il subit deux revers : le pouvoir des institutions en place commence à lui
faire obstacle et la femme pour laquelle il a des sentiments est en danger de
mort », ajoute Tim Bevan. « Je savais qu’Eric
saurait être à la hauteur de nos attentes. Il devait rendre crédible les doutes
qui envahissent le personnage et le virage à 180° qu’il opère. »
Pour l’acteur,
« CLOSED CIRCUIT est un film pour adultes au cours duquel le danger
augmente petit à petit. Il me fait penser aux grands thrillers des années 70. »
« J’adore ces films réalisés par Sydney Pollack et Sidney Lumet », renchérit
John Crowley. « Mais aucune référence ne leur est ouvertement faite.
J’estime qu’il faut faire un film qui existe par lui-même, et non un film à la
manière de. » « Le film est très pertinent quant au niveau de surveillance et
au contrôle des informations dans notre société et à la mise en danger de notre
vie privée en général », ajoute Eric Bana.
Pour
interpréter Claudia, l’ancienne maîtresse de Martin et l’Avocate Spéciale qui
décide de ne pas se démettre de l’affaire quand celui-ci y est assigné, la production
fit appel à l’actrice anglaise nominée aux Golden Globes, Rebecca Hall. Ayant
déjà travaillé sous la bannière de Working Title dans FROST/NIXON, L’HEURE DE
VÉRITÉ (Ron Howard, 2008), la société souhaitait depuis longtemps lui offrir un
rôle majeur.
« Elle a un côté Madame Tout-le-monde qui permet aux
femmes comme aux hommes de s’identifier à elle, et elle est à la fois forte et
vulnérable », s’enthousiasme Tim Bevan. « Ses personnages
provoquent l’empathie. C’est une actrice très agile avec ses émotions », confirme
Chris Clark. « Elle est d’une intelligence remarquable », commente
encore le réalisateur. « La mettre face à Eric Bana promettait quelque chose
de nouveau, d’inattendu. » « Son personnage est très organisé et dans le
contrôle, mais aussi idéaliste. La recherche de la vérité est une notion primordiale
pour elle. Et à mesure que l’intrigue s’étoffe, elle doit faire face à des
obstacles de plus en plus sombres », explique encore le producteur.
Le
sujet intéressait beaucoup l’actrice : « Le scénario m’intriguait
et je me suis mise à me renseigner sur les procédures pénales entraînant le
huis clos. C’est une question très discutée. Le scénario m’a également fait
réfléchir à la façon dont nos vies sont contrôlées et consignées, et à notre
impuissance face à ce phénomène. » « La relation de ces deux avocats me
fascinait, le fait qu’ils travaillent dans le même but, mais séparément. »
À Eric Bana
d’ajouter, « Martin et Claudia cachent leur relation passée, au
péril de leur carrière, et le public partage ce secret avec eux. » « Ça pimente
les choses », s’amuse Rebecca Hall. « Ils ne se parlaient
plus, et quand ils ne sont plus autorisés à le faire, ils recommencent.
L’histoire est captivante grâce aux personnages et à la pertinence du propos. »
Le réalisateur s’est entretenu avec Rebecca Hall et
Eric Bana ensemble et séparément au sujet de la relation passée de leurs
personnages. Il déclare : « Martin et Claudia refusent tous deux d’admettre
l’importance de leur relation. Quand ils se revoient, ils ne s’accordent pas
sur sa nature. J’aimais l’idée de commencer sur un désaccord, et à mesure que
l’histoire avance, de les faire se rendre compte de la place qu’ils occupent
l’un pour l’autre. Je trouvais que ça collait aux thèmes plus généraux de
dissimulation et de transparence du film. » « Eric et Rebecca fonctionnent très
bien ensemble, l’alchimie est palpable à l’écran », commente le
scénariste. « J’ai envisagé Martin comme quelqu’un de brillant et
vulnérable à la fois : il boit trop et n’a pas beaucoup d’amour-propre. Ces
traits transparaissent dans l’interprétation d’Eric. » « Claudia est combative
et pleine de principes, comme l’a été Martin. Quand il prend conscience de
l’importance que Claudia a pour lui, ils se retrouvent à mi-chemin. »
Trois mois
avant le début du tournage, la production demanda à Eric Bana et à Rebecca Hall
de se familiariser avec le système judiciaire britannique. « Je m’y suis
plongée autant que j’ai pu », déclare la jeune actrice. « J’espère que ça a
influencé tout ce que j’ai fait dans ce film. » Quant à son
partenaire de jeu, il avait l’avantage d’avoir une belle-famille dans le milieu
juridique : « Les gens qui font carrière dans le droit ne me sont pas
étrangers, je connais leur niveau d’intelligence et leur intensité. »
Mais, compte
tenu des détails cruciaux et des finesses du processus judiciaire britannique
que contient le film, les deux acteurs furent ravis de pouvoir suivre à la trace
Tim Owen qui a assuré les fonctions de conseiller spécial et de producteur délégué.
Avec le réalisateur, ils assistèrent à des procès et se familiarisèrent avec
les procédures et les subtilités auxquelles l’histoire qu’ils allaient raconter
avait trait. John Crowley remarque : « En parlant avec des avocats, vous
comprenez à quel point une affaire peut ressembler à une partie de cartes. Ils
ne savent jamais les informations que détient le Ministère public avant qu’il ne
les révèle lors des audiences à huis clos. Et il est toujours possible de se
demander : “La source est-elle sûre ? Comment ont-ils obtenu ces
informations ? ” »
L’actrice s’émerveille : « Tous les avocats plaidants
que j’ai rencontrés étaient capables de parler en faisant des phrases complètes,
sans une seule hésitation ni un seul « euh » et sans avoir à chercher leurs
mots. C’est remarquable. Ça fait partie de leur formation, de leur vie. » « Il
y a des liens entre le métier d’avocat et d’acteur, mais leur mentalité est
tout à fait différente. Leur dextérité est étonnante. Lors d’un procès, j’ai
observé une avocate retourner la situation en un clin d’oeil. »
Le réalisateur
ajoute : « Je voulais faire un portrait fidèle du travail
juridique au Royaume-Uni. J’ai l’impression que les gens ont en tête les
clichés véhiculés par les dramatiques de la télévision. Plus j’assistais à des audiences, plus je
m’éloignais de ces clichés. »
« Au cours de ces « sorties sur le terrain », il
était rare que John n’ait pas la réponse à une de nos questions », raconte Rebecca
Hall. « Mais quand ça arrivait, il disait simplement : « Je
ne sais pas. Renseignons-nous. » J’aime cette façon d’être, elle me met en
confiance. » « Comme il ne m’a pas été donné d’observer un Avocat Spécial, je
me suis concentrée sur les avocats plaidants, et j’ai dû imaginer certains
détails concernant Claudia. Le fait de pouvoir faire ce travail préalable avec
Eric l’a rendu très plaisant. »
L’acteur eut également la
possibilité de travailler en amont avec la chef costumière Natalie Ward sur «
le personnage le mieux habillé » qui lui ait été donné d’interpréter. « J’ai fait
quelques emplettes pour Eric à Harrod’s », déclare celle-ci.
« Mais tous ses costumes ont été faits sur mesure. Eric a adoré ça. Le
fait d’aller chez le tailleur l’a aidé à comprendre la mentalité des
Conseillers de la Reine et leur statut. Ainsi paré, il se tenait et se mouvait
différemment. »
L’acteur et la costumière allèrent chez Ede &
Ravenscroft, des tailleurs à Chancery Lane dont l’activité remonte à presque 400
ans. À Rebecca Hall de préciser, « les avocats vont chez Ede & Ravenscroft pour
leurs robes et leurs perruques, mais aussi pour leurs costumes de marque. » Les employés
de la boutique conseillèrent la costumière et l’acteur sur le choix des vêtements,
et Natalie Ward s’y procura également les tenues de Claudia. Le scénariste
remarque : « L’élément théâtral est indéniable : les avocats se
mettent en scène et portent des costumes. » Et l’acteur
ajoute : « Ma garde-robe a joué un rôle majeur dans l’élaboration
du personnage : ces gens prennent leur apparence très au sérieux. J’étais
étonné des différences significatives de style dans un cadre si restreint. »
Pour le rôle,
Eric Bana dut par ailleurs apprendre à ramer. Quand on voit Martin pour la première
fois, il fait de l’aviron en solo sur la Tamise. L’acteur débuta son
entraînement avec un coach à Melbourne, pour le poursuivre au Royaume- Uni. Et
le scénariste avoue : « J’ai fait de Martin un adepte de l’aviron pour
pouvoir le filmer sur la Tamise, qui est une des meilleures façons de découvrir
Londres. On a une vue imprenable sur les bâtiments du MI5 et le Parlement qui
se regardent en chiens de faïence ! »
Pour son rôle,
Rebecca Hall était attachée « aux détails du monde dans lequel évoluent les
personnages : les bloc-notes, les surligneurs que Claudia transporte dans sa
serviette. À Londres, on ne voit jamais un avocat sans une mallette à roulettes
dans laquelle il transporte tous les dossiers ayant trait à ses affaires. Voilà
une profession qui ne peut pas complètement entrer dans l’ère du digital. » «
Une des choses que je préfère dans le métier d’acteur est cette possibilité de
s’immerger dans un monde que vous n’auriez jamais eu la chance de côtoyer autrement.
»
Avec les deux rôles principaux pourvus, la production s’attela
à compléter la distribution, réunissant une riche batterie d’interprètes. Le
réalisateur avait contacté l’acteur irlandais Ciårán Hinds des années
auparavant pour son premier long-métrage INTERMISSION (2003), mais « il n’était pas
disponible à l’époque » se souvient-il. « Il fait partie de
ces acteurs de genre qui donnent une dimension supplémentaire à tout ce qu’ils
font, et je suis ravi d’avoir enfin pu travailler avec lui. » L’acteur
interprète Devlin, le solliciteur « à l’ancienne » qui travaille régulièrement
avec Martin.
Son intérêt pour le projet fait écho à celui de Tim Bevan : « Les Américains
font très bien ce genre de choses, mais c’est rare de tomber sur un film
britannique qui s’intéresse à la justice et à une histoire de complot
potentiel. J’aimais le regard que le scénario portait sur ces gens qui tentent de
déjouer les attaques terroristes : sont-ils sur la bonne voie ? Soutiennent-ils
les bons intérêts ? J’appréciais aussi beaucoup les dialogues, et en
particulier les échanges circonspects en dehors des audiences. Le choix des
mots est précis, les répliques discrètes et ambigües. Je connaissais le travail
de John au cinéma et au théâtre, et je savais qu’il prêterait une attention
particulière aux dialogues et aux émotions. »
Ciårán Hinds
était également enthousiaste à l’idée de retrouver Eric Bana. « Cela avait été un
réel plaisir de travailler avec lui sur MUNICH (Steven Spielberg, 2005). Nous
faisions partie d’une unité très soudée dans ce film, et la relation de nos personnages
est plus intime encore dans CLOSED CIRCUIT. Ils se respectent beaucoup et
collaborent depuis plus de 10 ans. Nous devions rendre compte de la confiance
qu’ils se portent et du naturel de leurs rapports. Ce qu’on voit à l’écran se
reflète dans la vie. J’espère qu’Eric pense la même chose ! »
Quant à
l’intéressé, il déclare : « Ciårán est surdoué, son talent nous a permis d’aller
au fond de la relation Devlin/ Martin. C’est une mine de créativité et
d’énergie. »
L’acteur récompensé aux Oscars, Jim Broadbent, faisait
l’unanimité au sein de la production pour le rôle du Procureur Général. Ce
personnage, qui n’est jamais identifié par son nom dans le film, est le
principal conseiller juridique de la Couronne et du gouvernement ou, comme
l’explique l’acteur, « le représentant du gouvernement qui fait l’interface
avec la justice. » Jim Broadbent a joué dans la production très acclamée
de The Pillowman (Martin McDonagh), mise en scène
par John Crowley au National Theatre, et il avoue : « la participation de
John au projet était un élément primordial pour moi. Il est pragmatique,
inventif et honnête. J’ai une totale confiance en lui », ajoutant « ce qui m’attirait
dans le scénario de Steve, c’était son ancrage dans la réalité. C’est d’une
grande perspicacité. Des menaces qui nous sont familières y sont dramatisées,
mais ça ne manque ni d’humour ni d’ironie. »
« Le fait que mon personnage
utilise plus volontiers le langage commun que le jargon du métier, et qu’il ne
dise jamais vraiment ce qu’il pense, m’amusait aussi beaucoup. » Le réalisateur
remarque : « Le théâtre est plus friand du double sens que le
cinéma, mais Steve fait figure d’exception. Il maîtrise parfaitement cet art de
dire quelque chose sans vraiment le dire, où le sens de ce que vous dites est
inscrit en filigrane. Et je sais que Jim se délecte à jouer cela. »
Un autre
acteur chevronné, Kenneth Cranham, était ravi de rejoindre la distribution de
CLOSED CIRCUIT. Après 45 ans de carrière, il allait enfin « jouer un juge. » « Je n’avais joué qu’un
Conseiller de la Reine auparavant : enfin, je prends un peu de galon ! » s’amuse à dire
le vétéran du cinéma. « Ce qu’il y a de formidable à jouer un juge, c’est le
fait de pouvoir siéger seul à la plus haute place du tribunal. Vous mettez
votre perruque, vous regardez par-dessus vos lunettes... et vous êtes le juge.
La salle d’audience le ressent et vous avec. »
Cameron
Fisher, le personnage interprété par Kenneth Cranham, apporte ses lumières à
Martin et Claudia, et au public : « À travers lui, on comprend les
prémisses de cette histoire d’actualité : certains procès se déroulent presque entièrement
en secret parce que les preuves incriminantes sont telles qu’elles pourraient
mettre d’autres personnes en danger. » Enfant, John
Crowley avait vu à trois reprises UN INSPECTEUR VOUS DEMANDE (John Boynton
Priestley) avec Kenneth Cranham dans le rôle principal, et l’acteur déclare
avec humour : « Il m’a engagé parce que je l’avais impressionné. Sur
le plateau, John est très méthodique, il couvre les scènes sous plusieurs
angles et je crois qu’il s’amuse bien au montage. »
Pour le rôle
de Melissa, une fonctionnaire dont la fonction s’avère plus importante qu’elle
ne le prétend, le réalisateur se tourna vers Anne-Marie Duff avec laquelle il
avait travaillé sur son film précédent IS ANYBODY THERE ? (2008).
L’actrice nous confie : « John et moi étions en contact depuis son dernier film
et j’avais envie de retravailler avec lui, mais je ne me serais pas
nécessairement choisie pour ce rôle. Ce fut une surprise, ce qui correspond
bien au personnage. » « Le personnage de Melissa représentait une nouvelle expérience
pour moi, et j’ai fait autant de recherches que j’ai pu. Je n’avais jamais
porté de tailleur pour un rôle auparavant. Je suis généralement soit en costume
d’époque, soit en survêtement. Ça m’a beaucoup amusé de jouer quelqu’un d’aussi
arrogant qu’influent, et de m’approprier sa façon de parler. Elle arbore une
carapace épaisse, mais j’ai tenté de laisser poindre son humanité. » L’actrice
reconnaît qu’avant de travailler sur le film, elle n’avait pas la moindre idée
des liens si inextricables qui existaient entre le système judiciaire et les
agences nationales de sécurité : « Nous vivons dans un monde dominé par la peur.
Le
film s’interroge sur la notion de « bien de tous » et la légitimité de ceux qui
la revendiquent. Riz Ahmed (dans le rôle de Nazrul Sharma) livre un formidable
monologue à ce sujet. » Riz Ahmed, choisi pour interpréter l’agent
du MI5 est une star montante au Royaume-Uni. Il déclare : « Steve Knight a
écrit un de mes films préférés, DIRTY PRETTY THINGS, et j’ai trouvé le scénario
de CLOSED CIRCUIT palpitant. Son propos est audacieux et pertinent, le film
questionne à quel point nous sommes prêts à accepter l’interférence de l’État dans
notre liberté individuelle. C’est un sujet qui me tient à cœur. » « Sharma
considère que son pays est en guerre. Il protège les intérêts nationaux et
pense que tous devraient se rallier à sa cause. Il se présente à Claudia comme
un allié, mais elle ne voit pas les choses de la même façon et la méfiance
domine leurs rapports. » Paradoxalement, l’acteur prise
Rebecca Hall pour « sa présence chaleureuse qui crée une atmosphère détendue
et son adaptabilité de jeu. » Et à propos du réalisateur, il
déclare : « John aime entrer dans la psychologie des
personnages, ce qui me plaît aussi. J’ai imaginé les origines de Sharma : pour
moi, il est issu d’un mélange de cultures, et à un certain moment, il s’est
fixé sur une vision unilatérale du monde. »
L’acteur
allemand d’origine italienne, Denis Moschitto, apprit par son agent que la
directrice de casting Fiona Weir était à la recherche d’un acteur susceptible
d’interpréter le rôle crucial de l’accusé d’origine turque Farroukh Erdogan. « Je l’ai appelée
et elle m’a demandé de lui envoyer une vidéo. J’imagine que ce que j’ai fait
lui a plu », déclare l’intéressé. « Personnellement,
j’aimais beaucoup le rôle : l’implication de Farroukh dans l’attentat est
certaine, mais son rôle reste vague. Est-il un petit escroc qui s’est laissé
entraîner par des gens bien plus dangereux que lui ? Est-il un leader
terroriste ? Ou encore autre chose ? Quoi qu’il en soit, il a quelque chose à
cacher. »
Julia Stiles est la seule Américaine du film. Elle
reconnaît que son rôle est restreint, mais confie : « J’avais envie de
faire partie de l’aventure. J’étais impressionnée par ce mélange de thriller
politique, de film à suspense et d’études de caractères. J’ai aimé travailler
avec Eric, même si nous n’avons pas eu l’occasion de beaucoup nous regarder,
notre scène principale étant essentiellement basée sur l’écoute. » Au réalisateur
de souligner : « Les acteurs et leur fonctionnement sont toujours
l’élément le plus important pour moi sur le plateau. Même s’il s’agit d’une
scène d’action, il est nécessaire que certains aspects des personnages se
dégagent. La danse entre les acteurs et la caméra est ce qui rend le processus filmique
si excitant. Quand la caméra se met à tourner, la scène leur appartient. »
John Crowley
mena deux semaines de répétitions intensives. Il explique : « Les répétitions
sont une étape très importante pour moi, ce qui n’est pas nécessairement lié à
ma formation théâtrale. Mais je n’ai jamais mis en scène une pièce ou un film
dans lesquels je ne désirais pas en savoir davantage sur les personnages. » Une lecture du
scénario final réunit l’intégralité de la distribution quatre jours avant le
premier tour de manivelle. Ciårán Hinds déclare : « Chacun se prépare
de son côté, se documente, élabore son personnage. Mais pouvoir discuter l’essence
des scènes avec les autres est d’une grande aide. Beaucoup d’entre nous
pénétraient dans un monde qu’ils connaissaient peu avec cette histoire, et de
cette façon, nous étions mieux préparés à interagir à l’écran. »
À Rebecca Hall
d’ajouter : « Beaucoup d’acteurs utilisent l’expression «
sparring-partner » quand ils parlent de celui ou celle qui leur donne la
réplique. Dans les scènes de procès, il s’agit bel et bien d’une bagarre. Si
votre « adversaire » répond à votre style, vos nuances, ça génère beaucoup
d’énergie et le texte prend vie. » Denis Moschitto se souvient : « Durant la lecture
finale, j’ai regardé autour de moi, et je me suis dit, je n’ai jamais été dans une
pièce avec autant de grands acteurs. En Angleterre, même les plus petits rôles
sont tenus par des comédiens de la Royal Shakespeare Company. » « La période de
préparation fut un rêve », déclare Eric Bana. « John comprend les
acteurs et sait leur rendre le travail agréable. De plus, il est incroyablement
bien préparé, et sur le plateau, il est détendu parce que tout le travail
d’apprivoisement réciproque a déjà été fait et on peut ainsi très vite entrer
dans le jeu. »
Et cette maîtrise du réalisateur s’étend à la
postproduction en choisissant de collaborer pour la troisième fois avec la chef
monteuse Lucia Zucchetti, après INTERMISSION et BOY A avec lequel elle a
remporté un BAFTA. D’autres membres de l’équipe avaient fait leurs classes au préalable.
Le directeur de la photographie Adriano Goldman avait travaillé sur le drame
judiciaire CONVICTION (Tony Goldwyn, 2010) et sur le dernier film de Robert
Redford, SOUS SURVEILLANCE (2010), qui aborde le thème du terrorisme intérieur.
La chef costumière Natalie Ward et le chef décorateur Jim Clay avaient quant à
eux collaboré sur le thriller international L’AFFAIRE RACHEL SINGER (John Madden,
2010). Ce dernier explique : « Rien ne devait venir distraire le spectateur de
l’histoire et des personnages. C’est un film sérieux avec un scénario complexe
et le public devait se sentir impliqué et pouvoir se concentrer sur l’intrigue.
Nous souhaitions communiquer le climat psychologique à travers les lieux et les
décors. John et moi avons d’abord travaillé à partir de « planches d’ambiance »
que j’avais créées, puis j’ai fait des ébauches de décors. De nos jours, de
plus en plus de modèles 3D sont créés sur ordinateur, mais John nous a demandé
quelques maquettes physiques pour l’aider à appréhender la disposition des
volumes. » Natalie Ward quant à elle explora les tribunaux : « Les gens savent
qu’il faut faire des recherches pour les films en costumes, mais c’est tout
aussi vrai des histoires contemporaines. On ne peut rien supposer d’un univers
qu’on connaît peu. On confectionne moins et on achète plus, mais l’élaboration
du style vestimentaire de chaque personnage demande le même travail. » « Je ne
savais même pas que tout le monde peut assister à un procès. C’est devenu une
drogue, j’y suis sans doute allée plus que nécessaire. J’observais les juges,
les avocats, les Conseillers de la Reine. J’en ai aussi rencontré plusieurs
pour parler du choix de leur garde-robe. Certains ont tendance à vouloir se faire
remarquer, mais sans en avoir l’air. » Ce n’était pas
le cas pour les deux personnages principaux du film : « John et moi nous
accordions à penser qu’ils devaient être séduisants. Eric porte des costumes
trois-pièces faits sur mesure et Rebecca est dans son élément. Mais les
personnages sont discrètement élégants. Il s’agissait de très légèrement magnifier
la réalité, pas de les rendre glamour. » D’autres
recherches menèrent Natalie Ward et son assistant à Green Lanes (Haringey), un
district de North London à forte concentration d’immigrés turcs. La palette
chromatique fut choisie bien en amont, avec des couleurs sourdes, des gris, des
noirs et des bleus foncés.
« Nous sommes assez avares de couleurs », commente le
réalisateur. « Cette retenue accentue la froideur de l’ambiance à
mesure que l’intrigue se développe et que les personnages se sentent de plus en
plus surveillés. » « Je souhaitais que la ville soit facilement identifiable,
mais avec le regard différent d’une personne qui n’est pas britannique. Adriano
ne regardait pas Londres comme un étranger, mais sans a priori ni préjugés. »
En explorant
cette idée de points de vue multiples, combinée au thème de la surveillance,
John Crowley décida de filmer l’ouverture du film « avec 12 images
simultanées, comme les moniteurs d’une salle de contrôle. » « L’idée s’est
étendue à d’autres moments du film, si bien qu’Adriano ne se déplaçait plus
sans une ou deux caméras numériques, et nous couvrions souvent les scènes du
point de vue d’une caméra de surveillance, au minimum. Je pensais que nous
n’utiliserions jamais ces images, mais elles nous ont servis au montage où la
question de savoir qui se trouvait derrière la caméra revenait souvent. Cette
approche s’est donc développée en parallèle du tournage traditionnel du film. »
Le chef opérateur déclare : « J’ai une approche
pragmatique, réaliste, et j’essaie habituellement d’éclairer les décors plutôt que
les personnages. » Les scènes clés dans l’appartement de Claudia devaient
initialement être tournées en studio mais, comme l’explique le chef décorateur,
« pour communiquer cette impression d’être observé, nous cherchions un
point de vue distinct sur l’extérieur. Nous avons finalement utilisé une
résidence existante et les images sont formidables ! »
Inversement,
l’équipe des repérages chercha longuement un lieu susceptible de servir de
hangar à bateaux pour Martin. Quand leurs efforts s’avérèrent infructueux, les
décorateurs en construisirent un de toutes pièces sur un appontement à Battersea.
Et le réalisateur nous confie : « Jim (Clay) déniche toujours des lieux insolites, des
petits recoins cachés de Londres. Il en a toute une liste. Il avait repéré
l’endroit qui nous a servi pour le hangar à bateaux des années auparavant en se
doutant qu’il l’utiliserait un jour. »
L’équipe des
décors avait pour mission de mettre en contraste l’univers de Claudia et celui
de Martin. Son appartement à elle est soigné, méticuleusement rangé, alors que
le hangar à bateaux de Martin est un peu vieillot et en fouillis.
Et le
directeur de la photo nous confie : « John nous a briefés dès le début :
tout pour Claudia devait être plus doux et plus clair, et pour Martin, un peu
plus sombre. Le travail de la caméra évolue parallèlement au rythme de
l’histoire qui s’emballe. Dans la seconde partie du film, nous avons plus souvent
tourné caméra à l’épaule. »
Et la chef costumière ajoute : « Quand les choses
tournent mal pour les deux personnages principaux, ils entrent dans un monde
obscur et inattendu, et j’ai voulu donner un côté surréaliste à ce qu’ils
portent. »
La production installa ses bureaux dans le Gillette
Building, un immeuble art déco situé dans la partie ouest de Londres, et Chris
Clark déclare : « En lisant le scénario, les décors naturels
semblaient inévitables. Notre régisseur général, Dan Whitty, et son équipe ont
fait un travail formidable. Ils se sont attelés à la tâche alors que la
distribution n’était pas encore bouclée, et nous avons été à même de rapidement
débuter le tournage. »
Grâce à cette préparation attentive
et à une grande coopération sur place, le travail en studio ne dura que
quelques jours, sur neuf semaines de tournage au total, dont trois semaines de
nuit. Parmi les nombreux lieux de tournage, on reconnaîtra le stade de Wembley,
Borough Market, le café restaurant Modern Pantry, l’église Saint Marc, la gare
de Marylebone, Chinatown dans le quartier de SoHo, le parc de Primrose Hill et
le Gillette Building lui-même. Les scènes en prison furent tournées à Wormwood
Scrubs Prison, de laquelle le réalisateur déclare : « Il est impossible
de recréer ce genre d’ambiance en studio. » Quant à Denis
Moschitto, il avoue : « Le fait de tourner dans une véritable prison a eu un
impact énorme sur moi. J’étais entouré de prisonniers qui me regardaient de leur
cellule. Ça m’a aidé à ressentir ce que Farroukh était censé ressentir. » Pour Ciårán
Hinds, « les bâtiments de la Cour royale de justice reflètent
le poids de l’histoire et l’influence des décisions qui sont prises. Les salles
d’audience et les larges galeries sont comme un sanctuaire. »
La production
fut autorisée à tourner dans les espaces publiques du Old Bailey, la Haute Cour
Criminelle de la Couronne britannique, et dans certains espaces des légendaires
« Auberges de la Cour » (Inns of Court). Pour les scènes d’audience, les locaux
de la Cour de la Couronne de Southwark, légèrement retouchés par l’équipe de
Jim Clay, furent utilisés. Jim Broadbent s’émerveille : « Le simple fait de
se déplacer dans ces galeries marbrées, de prendre l’ascenseur, contribue grandement
à vous mettre dans la peau du personnage. »
Et Eric Bana
précise : « On ne pouvait pas s’approprier l’intégralité des
lieux, ni couper la circulation, si bien que la vie continuait autour de nous,
et ça nous permettait de ne pas l’oublier. » « Notre film montre différentes facettes
de Londres qui ont rarement été réunies au cinéma, du stand de kebabs aux coulisses
du pouvoir, en passant par le quartier commercial de Dalston. Ça contribue
grandement à l’atmosphère du film et à la véracité des personnages », ajoute Riz
Ahmed.
« Je suis Londonienne à 100% », déclare
Rebecca Hall. « J’y suis née et j’adore cette ville. C’était
excitant d’y tourner, que ce soit dans les lieux emblématiques ou les coins où
j’ai l’habitude de traîner. Le film révèle à quel point la ville peut être à la
fois vivante et animée, et oppressante à cause de la paranoïa qui y règne et la
surveillance permanente de ses rues et ses habitants. »
Au scénariste
de conclure : « Pour moi, Londres est la plus intéressante ville du
monde. Elle vaut toujours la peine d’être montrée. J’espère qu’avec CLOSED
CIRCUIT, nous l’avons fait différemment. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.