mercredi 14 octobre 2015

CRIMSON PEAK


Épouvante-horreur/Drame/Romance/Un conte gothique d'une grande beauté mais dont le scénario est au final assez classique

Réalisé par Guillermo del Toro
Avec Mia Wasikowska, Jessica Chastain, Tom Hiddleston, Charlie Hunnam, Jim Beaver, Burn Gorman, Leslie Hope, Doug Jones...

Long-métrage Américain
Durée: 01h59mn
Année de production: 2015
Distributeur: Universal Pictures International France 

Date de sortie sur les écrans américains : 16 octobre 2015 
Date de sortie sur nos écrans : 14 octobre 2015


Résumé : Au début du siècle dernier, Edith Cushing, une jeune romancière en herbe, vit avec son père Carter Cushing à Buffalo, dans l’État de New York. La jeune femme est hantée, au sens propre, par la mort de sa mère. Elle possède le don de communiquer avec les âmes des défunts et reçoit un étrange message de l’au-delà : "Prends garde à Crimson Peak". Une marginale dans la bonne société de la ville de par sa fâcheuse "imagination", Edith est tiraillée entre deux prétendants: son ami d’enfance et le docteur Alan McMichael.

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai pensé : Avec CRIMSON PEAK, Guillermo del Toro nous offre un conte gothique magnifiquement effrayant et glauque.


Guillermo del Toro, sur le tournage du film
Le souci du détail extrême est impressionnant et très agréable. On a l'impression de découvrir un monde à part. Il excelle à rendre sa mise en scène angoissante ou légère, nous faisant passer d'un état à l'autre en quelques secondes. Il joue avec nos nerfs. Je ne suis pas une grande habituée des films d'angoisse, aussi toutes ses manigances ont très bien fonctionné pour me faire sursauter et frissonner. J'ai été réellement impressionnée par la folle beauté des décors et des costumes. Ils sont au cœur de la magie lugubre du film.



Les trois acteurs principaux sont excellents. Mia Wasikowska, qui interprète Edith Cushing, fait jouer sa fraîcheur à merveille. Elle est aussi crédible en intellectuelle qu'en candide.




Jessica Chastain, qui interprète Lady Lucille Sharpe, est surprenante. C'est un véritable rôle de composition. Son personnage est froid et inquiétant.





Tom Hiddleston, qui interprète Sir Thomas Sharpe, est superbe. Il est convainquant dans toutes les nuances de son personnage.







La seule ombre grise dans cet impeccable tableau noir est le scénario. Il n'est pas mauvais mais assez prévisible et donc au final un peu décevant. Car avec une enveloppe aussi belle, il aurait mérité d'être plus inventif.

CRIMSON PEAK est parfait pour cette période de l'année proche d'Halloween. Je vous encourage à aller le découvrir car il est vraiment intéressant d'un point de vue cinématographique. C'est un véritable plaisir des yeux tout en étant troublant moralement. Finalement, c'est exactement ce qu'on en attend non ?





(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

Les personnages principaux 

Edith Cushing 

Romancière en herbe, Edith Cushing est hantée par les fantômes du passé et terrassée par des visions du futur. La mort de sa mère, emportée par le choléra alors qu’Edith n’avait que 10 ans, a profondément affecté son enfance. Elle grandit, en cette fin d’ère victorienne, en prenant soin de son père vieillissant, s’intéressant aux pensées progressistes de ses contemporains. Mais Edith entretient également une fascination pour tous les phénomènes surnaturels. Alarmée par les mots de sa mère venus de l’au-delà et la mettant en garde contre un danger à venir, elle se destinait à publier un roman gothique quand sa propre vie prend soudain le pas sur le sujet de son livre. La belle héroïne de CRIMSON PEAK est une jeune femme courageuse et déterminée, elle ne rêvasse pas en attendant qu’on vienne lui faire la cour ou la secourir. Le don qu’a Edith de voir les esprits tapis dans les recoins d’Allerdale Hall va la mener à découvrir les terribles secrets qui se cachent dans ses murs.

Sir Thomas Sharpe 

Le charme naturel de ce nouvel arrivant, et manipulateur hors pair, déclenche des passions qu’il ne contrôle pas lui-même. Ce célibataire anobli est à même de captiver son auditoire par de belles paroles comme par une valse qu’il exécute à la perfection. Depuis le décès de son père, Thomas a dû user de son charme pour faire avancer ses ambitions industrielles et trouver les fonds pour financer son invention : un extracteur d’argile qui accomplit le travail de 12 hommes. Il maîtrise l’art de la dissimulation, de ses intentions de faire un mariage d’argent, par exemple, mais quand il rencontre Edith, le désir qu’elle fait naître en lui le prend par surprise. Il se rapproche de sa jeune épouse et commence à éprouver de la rancœur envers sa sœur qu’il tient responsable de leur existence lugubre et mélancolique.

Lady Lucille Sharpe 

La mystérieuse Lady Sharpe fera tout ce qui est nécessaire pour protéger la réputation de sa famille… mais tous les secrets ne peuvent pas être enfouis à tout jamais. Réservée et énigmatique, Lucille a grandi cloîtrée à Allerdale Hall. Elle a partagé le peu d’amour dont elle était capable avec son frère Thomas, passant ses jours à jouer du piano et à collectionner les phalènes et les papillons qu’elle parvenait à capturer dans le manoir. Elle éprouve de la jalousie pour les autres femmes sur lesquelles son frère porte son regard et elle veut préserver leur lien familial coûte que coûte. Son obsession la pousse à laisser libre cours à ses plus terribles instincts et ses manipulations tiennent Thomas en otage du sinistre passé qu’ils partagent.

Le docteur Alan McMichael 

Un brillant homme de science, le docteur Alan McMichael est aussi cérébral que passionné… par le surnaturel, entre autres. Gentleman dans l’âme, cet ophtalmologiste de la meilleure éducation se consume d’amour pour Edith depuis leur plus tendre enfance. Alors qu’il revient dans sa ville natale, après des études à l’étranger, pour y ouvrir son cabinet, il prend conscience que cet amour est plus fort que jamais. Bien qu’Edith ne réponde pas à ses avances, Alan a l’approbation du père de celle-ci et n’a de cesse de vouloir attirer son attention. Le décès de Carter Cushing ne convainc pas ce fidèle prétendant à renoncer à sa bienaimée et il a pour dessein de mettre à jour la véritable nature de Thomas. Quand il prend conscience du danger que court Edith, Alan est prêt à traverser des océans pour courir à sa rescousse. 

Carter Cushing 

Pionnier de l’industrie américaine, Carter Cushing est une figure estimée de la bonne société de Buffalo. Il a débuté sa carrière comme métallurgiste et tout ce qu’il possède, il l’a gagné de ses mains. Père aimant, il encourage les aspirations littéraires de sa fille du mieux qu’il le peut. Quand il voit débarquer Thomas Sharpe d’Angleterre, à la recherche de fonds pour financer son projet, Carter Cushing reste sur ses gardes quant à la réelle personnalité de ce nouveau venu, et quand ce dernier montre un intérêt pour sa fille, il n’hésite pas à aller fouiller son passé. Ce qu’il y trouve confirme ces pires craintes.

Les fantômes rouge sang 

Les fantômes rouge sang de Crimson Peak offrent un spectacle impressionnant et original. Sortis de l’argile pourpre dans lequel ils ont été enterrés, ils sont les gardiens d’un terrible secret. S’apparentant peu à des créatures spectrales, ils sont étrangement charnels et capables d’interaction physique avec le monde qui les entoure. Ce sont des âmes tourmentées, des émotions incarnées, avec des yeux creux et une bouche béante. Ces figures furtives sont les vecteurs de nos pires angoisses. Elles ont un message pour Edith… si seulement elle parvenait à conquérir sa peur et à les voir pour ce qu’elles sont réellement.

Affligée par un don : la naissance du film 

Après le succès de plusieurs blockbusters d’action en anglais, dont HELLBOY (2004), HELLBOY II : LES LÉGIONS D’OR MAUDITES (2008) et PACIFIC RIM (2013), le maître de l’épouvante, Guillermo del Toro nous présente une histoire d’amour gothique, sombre et inventive, CRIMSON PEAK. Le cinéaste explique le point de départ de son dernier film en une phrase : « Les êtres humains, c’est l’horreur véritable. » Plus proche de son travail sur L’ÉCHINE DU DIABLE (2001) et de son film aux trois Oscars, LE LABYRINTHE DE PAN (2006), ce nouvel opus explore un thème connu selon lequel l’amour est un tendre piège. Les événements se déroulant dans CRIMSON PEAK s’offrent à interprétation, comme pouvant être le fruit de l’imagination sans limite de sa jeune héroïne, et le cinéaste joue habilement avec notre perception de la réalité. Edith est une jeune romancière très inventive. Se pourrait-il que les terribles événements dont elle est témoin ne soient que le pur produit de son esprit ? CRIMSON PEAK s’inscrit dans la veine des précédentes explorations en espagnol du cinéaste mexicain, qui lui ont valu la reconnaissance internationale. 
À ce titre, le producteur Callum Greene, avec lequel Guillermo del Toro avait déjà fait équipe sur PACIFIC RIM, qualifie cette nouvelle production de « premier film espagnol en anglais » du maître, qui déclare lui-même : « CRIMSON PEAK est l’équivalent du LABYRINTHE DE PAN avec des fantômes. Il combine plusieurs genres, conjuguant élégance et beauté classiques et histoire de fantômes traditionnelle. » 
Lors de l’élaboration du scénario, Guillermo del Toro et son collègue Matthew Robbins s’inspirèrent de romans aussi appréciés que Les Hauts de Hurlevent (Jane Austen), De grandes espérances (Charles Dickens), Rebecca (Daphné Du Maurier) ou Dragonwyck (Anya Seton), qui contiennent tous une importante part d’horreur. « Dans un roman gothique, il y a une super histoire d’amour, des éléments surnaturels et des scènes vraiment flippantes… Ce sont les ingrédients d’un super film », reconnaît le cinéaste. Pour lui, un film explorant ce genre peut intégrer des fantômes et des châteaux en ruines, « avoir les ressorts d’un film d’horreur » et contenir, savamment intriquée, une histoire d’amour classique dans laquelle « une héroïne virginale découvre un secret, un trésor, un passé caché… et en ressort transformée. » 
Et en dépit des sombres détours, l’histoire d’amour se fraye un chemin, la romance naissante entre Edith et Thomas revêt une qualité lyrique. Et si l’amour est une forme de folie, tous les acteurs principaux de ce drame cèdent à son emprise. CRIMSON PEAK est, selon del Toro, « le plus sombre des contes de fées » dont la recette inclut le passage d’un personnage à l’âge adulte. « C’est le cas des Aventures d’Alice au pays des merveilles (Lewis Carroll), de La Reine des neiges (Hans Christian Andersen), de certaines oeuvres d’Oscar Wilde », déclare-t-il encore. Il est question pour l’héroïne de devenir autonome, d’accomplir un rite de passage qui va la mener « à travers les ténèbres… à travers des paysages, des océans et jusqu’aux enfers. » 
Un des romans gothiques préférés du réalisateur est un ouvrage moins connu que ceux cités précédemment, L’Oncle Silas, de l’auteur irlandais du 19e siècle Joseph Sheridan Le Fanu, qui réunit toute la cruauté, l’horreur et la sentimentalité propres à ce genre. 
« Ce film tient dans mon coeur une place proche de celle de L’Oncle Silas », déclare del Toro. Mais le conte qu’il nous propose lui est propre et on y retrouve des thèmes et des éléments qui lui sont familiers, comme les phalènes et les papillons - par lesquels il est fasciné depuis l’enfance, et qui fonctionnent comme des représentations de Lucille et Edith - ou la notion de choix, la réflexion sur la nature de l’amour, les jouets mécaniques, le lien de l’héroïne avec son père, et les tanières souterraines qui recèlent de secrets et d’émotions enfouis. Ce qui le pousse à avoir recours à l’épouvante dans son travail s’explique par une volonté d’« utiliser lesfantômes comme une forme de contrepoison et faire ainsi ressortir l’humanité de l’histoire. » 
Partant du roman gothique traditionnel, il l’a enrichi de façon imaginative en y érigeant un manoir hanté unique en son genre qui est devenu le mortier même de l’énigme, la peur habitant ses murs. Ce mélange de terreur psychologique et physique a conquis Legendary Pictures, avec qui le cinéaste est en contact depuis la mise en oeuvre de PACIFIC RIM, et le studio estimait que ce nouveau projet se mariait parfaitement avec ses propres aspirations. Thomas Tull et Jon Jashni ont ainsi rejoint Guillermo del Toro et Callum Greene à la production. 
« Quel que soit le genre auquel il s’adonne, Guillermo le fait avec beaucoup d’intelligence et de sophistication. Quand il nous a parlé de ce qu’il cherchait à faire avec CRIMSON PEAK, on a tout de suite visualisé le voyage dans lequel il nous embarquait. Ceci dit, le résultat surpasse nos rêves les plus fous », commente Thomas Tull qui se réjouissait de faire à nouveau équipe avec le réalisateur. Quant à son homologue Jon Jashni, il ne cache pas son admiration face à la capacité de del Toro à parler aux spectateurs du monde entier : « Qu’il s’agisse de créer un monument du cinéma en espagnol, comme LE LABYRINTHE DE PAN, ou de parler aux spectateurs chinois, comme avec PACIFIC RIM, Guillermo maîtrise le langage filmique. Les spectateurs sentent la passion avec laquelle il crée ses personnages, ses histoires, et ils réagissent à ses films à un niveau personnel. » 
Et pour la productrice déléguée Jillian Share, le choix de l’époque, entre fin de l’ère victorienne et naissance du 20e siècle, offrait de nombreuses possibilités narratives : « Guillermo plante cette histoire dansde sublimes décors d’époque, tout en y explorant des thèmes très contemporains ayant trait à la place que les femmes ont à se faire dans notre monde. Même si ses motivations diffèrent, Lucille est aussi talentueuse et déterminée qu’Edith. Elles sont toutes deux des femmes de tête et des progressistes. »

Triangles amoureux : le casting 

Guillermo del Toro commence toujours le casting de ses films en faisant une liste des acteurs avec lesquels il souhaiterait travailler, et c’est une chance pour CRIMSON PEAK que les noms de Charlie Hunnam,  Jim Beaver et Jessica Chastain figuraient en haut de cette liste. En fait, le réalisateur avait déjà évoqué une nouvelle collaboration avec Charlie Hunnam alors qu’ils n’avaient pas encore terminé le tournage de PACIFIC RIM. Peu après, l’acteur reçut un message de del Toro lui demandant de jeter un oeil au scénario de CRIMSON PEAK et, plus particulièrement, au rôle du docteur McMichael, un des jeunes célibataires les plus en vue de Buffalo, en ce début de siècle. Il s’en trouva flatté. 
Le jeune docteur amoureux d’Edith était différent de la majorité des rôles qu’il avait tenus jusqu’alors. « C’était une agréable surprise de se voir offrir le rôle d’un type réservé et réfléchi, intelligent et sensible », se souvient-il. Le réalisateur lui présenta son personnage comme le représentant de la modernité, diamétralement opposé au personnage de Sir Thomas Sharpe qui incarne le passé et la tradition. Mais del Toro lui demanda également de ne pas composer, de rester lui-même, et de préserver l’énergie, la vivacité d’esprit et la gestuelle qui le caractérisent. L’acteur appréciait également ce retour aux sources pour le réalisateur. 
Il déclare : « CRIMSON PEAK s’inscrit dans la lignée du LABYRINTHE DE PAN, de CRONOS et de L’ÉCHINE DU DIABLE, tous ces films exceptionnels qu’il a réalisés en espagnol. » Quant à Jim Beaver, il était lui aussi ravi de se voir proposer un rôle qui s’éloignait de ceux dans lesquels on a l’habitude de le voir à la télévision, ceux de « péquenauds bourrus mais sympathiques » desquels il se sentait un peu esclave. En incarnant le père d’Edith, Carter Cushing, Guillermo del Toro lui offrait l’opportunité de décrotter ses bottes et de jouer un businessman dans un film d’époque, un homme puissant et respecté, évoluant dans un autre milieu. L’acteur reconnaît qu’il n’est pas un grand fan des films d’horreur contemporains, et il se réjouissait de travailler sur un film qui pousse les spectateurs à remettre en question les fondements même de leurs croyances. 
« Guillermo utilise personnages et narration pour faire naître en nous une terreur complexe et déstabilisante. Il voit le coeur des ténèbres dans l’âme humaine. Ce film ne se contente pas de provoquer des sensations fortes, et l’exercice est d’autant plus gratifiant pour les acteurs », commente-t-il. Pour les personnages féminins, le cinéaste souhaitait deux actrices à même d’incarner des images inversées l’une de l’autre, se déclinant en lumière et obscurité, papillon et phalène. L’héroïne et son contraire sont toutes deux des femmes fortes, se battant pour leur survie et, au final, pour leur amour. 
Jessica Chastain et Mia Wasikowska tiennent ces rôles à la perfection. Le réalisateur avait rencontré la première sur le tournage de MAMA (Andrés Muschietti, 2013), le film d’épouvante qu’il a produit et dans lequel elle tenait le rôle-titre. L’actrice s’est imposée comme une star en jouant un vaste panel de personnages, indépendamment des difficultés que les rôles pouvaient représenter, et ce dévouement à son travail n’est pas passé inaperçu. Le producteur Callum Greene se souvient du premier jour de répétition avant le tournage de CRIMSON PEAK : « Elle a su ajouter quelque chose à la scène qui nous a tous pris au dépourvu et elle a immédiatement prouvé sa volonté de s’approprier le rôle à 100%.» 
Et Jessica Chastain avoue être tombée amoureuse de son personnage en dépit de ses « imperfections ». Elle l’envisage comme une femme « que seul l’amour motive, comme quelqu’un de très primaire. » Elle joue du piano, adore lire, aime son frère et préfère rester seule à la maison parce qu’elle « a été blessée par le passé. » Dans le rôle de Lady Sharpe, elle est enveloppée de mystère, mais le réalisateur a fourni à l’actrice une biographie détaillée de son personnage. Elle déclare : « Quand je faisais certains choix sur le plateau, Guillermo me comprenait parce qu’il savait d’où ils venaient, il avait lui-même informé de ces choix en renseignant son histoire. » Interprète et créateur partageaient leur appréhension du personnage, de ses actes, de ce qui les influençait, et de l’amour comme sa motivation ultime. 
L’actrice nous confie : « La haine et la colère dérivent de l’amour, chaque émotion a et est son contraire. Guillermo crée un équilibre qui permet de ne jamais avoir à jouer une émotion creuse, de ne jamais se sentir dans un film de fantômes, mais dans une histoire peuplée de gens en chair et en os. » Le film est porté avec aplomb par la naïveté curieuse de son héroïne Edith Cushing, interprétée par l’actrice de père australien et de mère polonaise, Mia Wasikowska, qui s’est fait largement connaître dans le rôle principal d’ALICE AU PAYS DES MERVEILLES (Tim Burton, 2010). Fille d’un self-made-man, l’industriel américain Carter Cushing, Edith est une jeune femme de son temps, indépendante et volontaire, qui a perdu sa mère à 10 ans. Contrairement aux autres demoiselles de son entourage, motivées par des intérêts frivoles, tels que les dernières tendances de la mode et l’attention qu’elles sont à même de provoquer parmi les célibataires les mieux côtés de Buffalo, l’ambition littéraire d’Edith la pousse à explorer le surnaturel. La jeune actrice était curieuse de travailler sur un film de facture fantastique, reconnaissant qu’elle a longtemps dédaigné ce genre. 
Aujourd’hui elle chérit son expérience de travail avec Guillermo del Toro et se souvient de lui citant Frankenstein (Mary Shelley) au début du tournage : « La peur nous permet d’apprendre qui nous sommes. » Comme il l’a fait pour Jessica Chastain, le réalisateur a rédigé une biographie de 8 pages sur son personnage pour Mia Wasikowska. Elle déclare : « C’était incroyablement précis. Il y avait des informations sur son éducation, ses rapports avec ses parents, les odeurs qu’elle aimait…» 
Avec modestie, Mia Wasikowska ne voit pas Edith comme une héroïne, non qu’il y ait une claire dichotomie « gentil/méchant » dans le film. « Les personnages sont tous assez ambigus, de sorte qu’on peut les envisager d’une façon comme de l’autre. Ils sont tous gouvernés par la nécessité de survivre », nous confiet- elle. 
Pour l’actrice, la survie d’Edith requérait une chute dans les décors du manoir, la plus terrifiante et excitante cascade qu’elle ait eu à réaliser. « Il faut aller à l’encontre de tous ses instincts », s’amuse-t-elle à expliquer. Mais après quelques répétitions, elle n’avait qu’une seule envie : recommencer. Comme avec Jessica Chastain, Callum Greene fut impressionné par la capacité de Mia Wasikowska à interpréter Edith avec un parfait dosage de naïveté et de force. 
Il commente : « Mia est libre, dénuée de gêne. Elle a fait un travail formidable. » L’amour d’Edith va se porter sur Sir Thomas Sharpe, un jeune anglais raffiné qui arrive aux États-Unis à la recherche d’investisseurs pour sa nouvelle invention, une machine destinée à l’extraction d’argile. Thomas s’éprend rapidement d’Edith et la jeune femme est séduite par ce sombre inconnu qui s’intéresse à sa prose et remplit sa tête d’idées romantiques. 
Le rôle de Thomas est tenu par Tom Hiddleston. L’acteur, bien connu pour son interprétation délicieusement maléfique de Loki dans la franchise Marvel, a reçu un coup de fil de Guillermo del Toro durant l’été 2013 lui demandant de lire le scénario de CRIMSON PEAK. Il fut séduit par la qualité de l’écriture et admet qu’il a tout de suite adoré l’ambiguïté morale de son personnage. Il était également enchanté par la possibilité qui s’offrait à lui de travailler avec son amie de longue date Jessica Chastain, et de retrouver Mia Wasikowska à laquelle il avait donné la réplique dans ONLY LOVERS LEFT ALIVE (Jim Jarmusch, 2013). É
galement fan de longue date de del Toro, Tom Hiddleston déclare : « Guillermo est probablement, pour ne pas dire résolument, le plus important cinéaste gothique en exercice. Il a l’immense talent de créer des histoires surnaturelles qui sont foncièrement sensibles et accessibles. » En accord avec le réalisateur, l’acteur britannique voyait son personnage comme le vecteur émotionnel et rédempteur du film, offrant au public la possibilité de s’identifier à son parcours affectif et au film de passer de l’horreur au drame et au film sentimental. Comme pour ses deux actrices, del Toro fournit à Tom Hiddleston une biographie de son personnage, partageant avec lui quelques secrets qu’il lui demanda de ne pas communiquer aux autres interprètes. Avec admiration et affection, l’acteur parle de del Toro comme d’un « grand ours mexicain », mettant l’accent sur l’extraordinaire passion qui l’anime et sur sa capacité à « la communiquer à toute l’équipe, qui le suivrait n’importe où parce qu’il y croit si fort. » 
Mais il n’y a pas que des êtres vivants dans ce film gothique, et les fantômes d’Allerdale Hall y sont tout aussi présents que les personnages en chair et en os. Incarnés par des acteurs revêtus de costumes finement élaborés pour figurer l’argile rouge de la carrière, « ils bougent et se déplacent de façon incroyable et sont tout simplement magnifiques », selon Jessica Chastain. L’interaction avec d’autres acteurs a également facilité le jeu des comédiens principaux. 
« Je n’ai jamais vu de fantômes comme ceux-ci. J’adore l’empreinte de leur forme humaine », commente Mia Wasikowska. « Plus un fantôme est humain, plus il fait peur, parce qu’on peut s’identifier à lui ou à ce qu’il était. » Le réalisateur est connu pour son perfectionnisme et Callum Greene se souvient avoir lu une précédente version du scénario, quelques années auparavant. 
Le noyau de l’histoire reste le même mais le producteur explique : « Ce qui a changé, c’est l’attention de Guillermo pour ses personnages féminins. » Au 52e jour de tournage, del Toro ajoutait encore des détails, des corrections infimes qui évoluaient quotidiennement en fonction des acteurs, de leurs interactions et de l’évolution des personnages. Ce peaufinage perpétuel correspond au mode de fonctionnement du réalisateur. Il guide, écoute, absorbe, « et cette attention et cette confiance en ses interprètes, ils les lui rendent », ajoute Callum Greene. « Peu de gens le savent, même Guillermo est en fait un magicien. »

Une horreur physique : l’architecture de la peur 

Allerdale Hall est une vaste demeure gothique, juchée au sommet d’une montagne, où sont enfouis des secrets vieux de plusieurs générations. Perdu dans la campagne et entouré de vastes étendues arides et couvertes de neige, Allerdale Hall surmonte un gisement d’argile rouge fort lucratif qui lui vaut le nom de Crimson Peak. Chacune de ses pièces cache un mystère, de la carrière souterraine au grenier interdit d’accès, de la bibliothèque des secrets à l’ascenseur en forme de cage qui semble doué de volonté. Le manoir s’apparente à un bocal à papillons, conçu pour attirer et piéger les belles et innocentes créatures. Il abrite également les plus sombres secrets de la famille Sharpe et nombre de vérités inavouables. Reste à savoir, qui en sortira vivant ? 
Cette maison hantée est l’élément-clé du film, le berceau de l’histoire, et son plus terrifiant personnage, laissant remonter l’argile rouge du plus profond de ses entrailles. Bien avant d’être construit, le manoir existait dans l’imagination du cinéaste et, comme les autres personnages, il avait sa propre histoire. Mais aucune construction existante ne correspondait suffisamment à sa vision. Quand d’autres productions hollywoodiennes auraient opté pour les images de synthèse, del Toro et ses compères choisirent de construire de toutes parts un décor majestueux et désuet, réceptacle de toutes les peurs. L’érection de l’édifice nécessita les efforts de concepteurs, de constructeurs et de décorateurs qui travaillèrent de concert pendant presque six mois avant le début du tournage. 
Naturellement, l’agencement devait prendre en compte le travail du chef opérateur Dan Laustsen qui a suivi de près tout le processus. Toute production est sujette à un certain nombre de contraintes, de temps, de budget, d’autorisations. Pour le directeur artistique Brandt Gordon, ces contraintes nécessitaient des négociations quotidiennes pour pouvoir voir se concrétiser tous les éléments visuels du film. Son implication et sa collaboration avec le chef décorateur Thomas Sanders, l’ensemblier Shane Vieau et la chef costumière Kate Hawley débutèrent à la première lecture du scénario. Ensemble, ils ont fait des recherches, réuni des dessins, des plans, une palette chromatique, des tissus, des textures et des formes qu’ils présentaient à Guillermo del Toro. Le réalisateur triait sur le champ ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas. 
À partir de sa consigne « des formes carrées pour les États-Unis et rondes pour l’Angleterre », chacune de ses décisions déterminait le travail de son équipe dans l’élaboration des deux mondes distincts qu’il avait imaginés. Douze semaines avant la phase de pré-production, le chef décorateur arriva à Toronto avec une remorque de 6 mètres de long, prêt à ouvrir boutique et fabriquer ses maquettes. La façon de travailler de Thomas Sanders est unique, personne dans le métier ne construit de maquettes de cette ampleur. Cette technique de « croquis en 3D », comme la nomme Brandt Gordon, a été déterminante pour finaliser toutes les composantes du décor final : les proportions, les cloisons amovibles, l’agencement, les couleurs, les finitions, etc. 
À ce stade, deux scénographes (Cameron et Robert Brooke) furent engagés pour répondre aux besoins du chef décorateur. Cameron Brooke était très enthousiaste à l’idée de travailler avec Thomas Sanders dont la préparation méticuleuse des maquettes, considérant chaque prise de vues, la taille des murs et des couloirs et nombre d’autres détails, fait de lui une légende dans la profession. Il explique : « Pour créer l’illusion d’une demeure extrêmement vaste, le travail de Tom consiste à leurrer l’oeil humain, à faire croire au spectateur qu’il est face à un espace démesuré. » Cette méthode de travail permit à l’équipe de limiter les problèmes au moment de la construction et du tournage, d’être plus efficace. 
Les réunions quotidiennes incluaient l’illustrateur Guy Davis qui allait réaliser les plans en 2D pour l’équipe de construction. Le réalisateur passait toutes les idées au crible afin de parfaire son univers néo-gothique, teinté de styles Tudor et néo-Renaissance. Alors que la maquette progressait, del Toro se voyait également à même de planifier ses angles de prises de vues et son découpage. Le chef décorateur demanda aux scénographes d’inclure des aimants à leur maquette afin de pouvoir facilement l’assembler et la désassembler. 
D’abord hésitant quant à ce processus, le réalisateur comprit rapidement que Thomas Sanders était en train de fabriquer un croquis vivant qui serait facilement modifiable selon ses besoins et ses demandes. Il fournit à son équipe des références tirées de ses films précédents, mais aussi de livres et de nombreuses autres sources. Pour la carrière d’argile, Brandt Gordon se souvient : « Il nous a apporté un livre japonais contenant des images de flaques d’eau ocre entourées de murs bleus-verts. » 
Le réalisateur avait également des idées très précises des personnages qui devaient apparaître sur les toiles accrochées aux murs, de la forme des colonnes, de la décrépitude du décor et du fait qu’il devait donner l’impression qu’il s’agissait là d’une demeure auparavant somptueuse. Une équipe de sculpteurs créa des modèles en argile de pièces d’architecture d’époque qu’il aurait été en grande partie impossible de se procurer. Des moules furent réalisés à partir des modèles et les pièces étaient alors reproduites en quantités voulues. L’équipe au complet comptait plus de 120 personnes, avec environ 60 d’entre elles travaillant à toute heure à la confection des moules, des sculpteurs aux plâtriers en passant par les techniciens fabriquant la silicone et les jaquettes. 
Allerdale Hall ne s’apparentait guère à un décor traditionnel. Il s’agissait d’une demeure complète avec plafonds et couloirs reliant toutes les pièces, l’équivalent de dix décors en un, qui allait permettre à la caméra de passer d’une partie à l’autre de la maison sans avoir recours au numérique pour raccorder les scènes en post-production. La seule pièce indépendante de la maison était la chambre à coucher : « C’était le point de rupture », se souvient le directeur artistique. Et bien sûr, tous les éléments de ce décor colossal devaient être prêts au même moment : « Les extérieurs, le foyer, l’imposante cage d’escalier, la cuisine, la cave à charbon, l’arrière-cuisine, l’ascenseur, la grande galerie et les étages supérieurs. N’oubliez pas, il y a un couloir de 20 mètres de long à l’étage et un grenier au 3e étage », précise encore Brandt Gordon. On comprendra la réaction des acteurs quand ils pénétrèrent sur le plateau. 
« J’étais totalement estomaquée », se souvient Jessica Chastain. « Je n’avais jamais rien vu de tel. » L’ampleur du décor relevait en effet du rarement égalé dans la façon moderne de faire des films. « C’est tout simplement le plus gigantesque décor dans lequel j’ai été amené à poser le pied », déclare Tom Hiddleston. Il crédite del Toro pour avoir créé « l’épave déliquescente d’une construction qui abrite le surnaturel. Elle a ses secrets et ses démons, tout comme nous. » Pour plus de résistance et de flexibilité de travail, d’importantes parties du décor furent construites en acier, et non en bois comme c’est traditionnellement le cas. Toutes les cheminées fonctionnaient, et tout devait donc pouvoir résister au feu. Le sol avait l’aspect du bois mais était en réalité en béton très dur pour résister aux allées et venues de l’équipe. 
Le réalisateur souhaitait également y incorporer des motifs de papillons de nuit. Selon ses mots, « cette maison doit être vivante », Thomas Sanders suggérant que la surface des murs représentait la peau de la maison, et que les fissures en révélaient la chair. « Oui, ses fluides organiques suintent de partout », en conclut del Toro. 
Le chef décorateur était également impliqué dans la réalisation des effets spéciaux, faisant remonter l’argile rouge à travers le sol et les murs, ce qui nécessitait la composition de la substance appropriée avec la viscosité, la couleur et l’aspect requis.  Il fallut par ailleurs trouver d’autres lieux de tournage adéquats, avec des intérieurs d’époque qui offraient la possibilité d’être adaptés au style du film. Ce fut le cas de l’université Victoria à Toronto. L’équipe des décors y travailla sans relâche, peignant et préparant les lieux avant que les cours ne reprennent. Mais la nature n’était pas toujours clémente, et mi-février, quand l’érection de la façade principale d’Allerdale Hall devait débuter, le sol canadien était totalement gelé. Quand le tournage débuta en avril, tout commença à fondre. 
« Nous avons fait l’expérience de l’intégralité d’un cycle gel-dégel, pour finir dans la boue jusqu’aux genoux juste avant le début du tournage », se souvient le chef décorateur. Il fallut alors presque trois semaines pour tout transporter à nouveau jusqu’au studio, et une semaine supplémentaire pour habiller le décor de neige blanche et rouge pour laquelle l’équipe utilisa de la cire de paraffine. 

Sensibilités gothiques : la direction artistique 

Tous ceux qui ont travaillé sur le film savent désormais que Guillermo del Toro a une connaissance encyclopédique de l’époque victorienne. Pour élaborer ces décors classiques, l’ensemblier Shane Vieau discuta chaque élément qui allait les constituer avec le réalisateur. Celui-ci souhaitait des papiers peints anciens confectionnés par Bradbury & Bradbury, Shane Vieau partait à leur recherche. Il fut à même de trouver des meubles d’époque sans avoir à se rendre en Angleterre, comme il l’avait initialement prévu. À Los Angeles, il dénicha une tapisserie du 17e siècle que l’on peut voir à Allerdale Hall et qui rend parfaitement compte de l’opulence passée des lieux. Mais le plus important restait l’utilisation des couleurs. 
Le réalisateur explique : « La direction artistique du film s’articule autour de deux chapitres distincts. La première partie se passe aux États-Unis où tout est or, sépia et teintes tabac : les couleurs du progrès et de la vie. Quand on se rend à Crimson Peak, tout devient sombre et froid, et terrifiant. » 
Del Toro aime les bleus-verts inspirés de certains feuillages, ses choix de couleurs contribuent à définir l’ambiance, à transcrire l’univers mystique né de son imagination. La garde-robe de Lucille « se confond avec l’architecture », explique l’ensemblier. La grande chambre à coucher regorge de velours épais, de draperie en soie somptueuse. Les bibliothèques de la grande galerie sont décorées de rubans, ajoutant des touches dorées, le sofa est drapé de soie d’un vert profond, les meubles ont été recouverts avec des tapisseries. On peut voir le mot « fear » (peur) apparaître à différents endroits de la demeure. Les papiers peints ont été spécialement créés, intégrant des motifs de papillons et de phalènes que le réalisateur souhaitait voir reproduits sur le sol, le long des couloirs, symbolisant la propension de Lucille à prendre les insectes et les individus au piège. La peur est ainsi intriquée dans le canevas des lieux. Le mot est inscrit dans un fauteuil, un manteau, insufflant l’effroi, l’angoisse et la terreur, comme il se doit dans une maison hantée digne de ce nom. 

Prenez garde au rouge sang : les costumes 

La chef costumière Kate Hawley décrit CRIMSON PEAK comme un film onirique et théâtral. Durant la genèse du projet, Guillermo del Toro lui a confié : « Nous allons construire les costumes et coudre les décors » et elle et son équipe ont créé une garde-robe qui reflète la vision sculpturale du cinéaste. « Il travaille à une multitude de niveaux qui se superposent, incluant des éléments fabuleux, historiques, poétiques…», déclare la costumière. Elle se souvient des discussions sur les ambiances et les couleurs : aux États-Unis, les costumes sont estivaux, dorés et couleur tabac, symbolisant le progrès et la croissance, alors que l’Angleterre est hivernale, faite de feuillage flétri, de bleus et de verts profonds. Pour encore lui compliquer la tâche, elle avait pour consigne de ne pas utiliser de blanc, de noir ou de rouge pour les costumes associés à Buffalo, la forçant à travailler avec une palette de couleurs crème et avec des gris et des oranges. 
« Il n’y a ni ombre ni mise en lumière véritable dans ces scènes, remarque-t-elle, alors qu’à Allerdale, les lourds tissus pèsent sur les personnages évoluant dans ce dédale gothique. » Elle et son équipe étaient si attachées à chacune de leurs créations qu’ils leur donnèrent des noms. « Chacune de ces tenues correspond à une humeur différente », explique-t-elle. Ainsi le « rat de bibliothèque de Buffalo » est pour Edith la version fantasmée de la romancière « à la Mary Shelley », d’allure assez masculine. 
La « robe du cœur brisé » est inspirée d’une toile de Gustav Klimt, délicate et fragile avec un coeur cerné par une fleur. «Il nous a fallu élaborer un langage en termes ornementaux pour porter l’histoire », déclare encore la chef costumière. Ainsi, on retrouve des fleurs dans nombre de tenues d’Edith, traduisant « sa fertilité, sa richesse et sa générosité d’esprit ». Sa robe de mariée est décorée de chapelets de violettes, symboles victoriens du deuil et de la mémoire. Les robes de Lucille sont dépouillées, avec des motifs de feuillage flétri traduisant l’aridité, le malheur et la stérilité. Les broderies rappellent les détails architecturaux de la maison, faisant dire au réalisateur qu’« elle porte en quelque sorte la maison ». Les modèles créés par Kate Hawley accentuent sa maigreur, les robes sont élancées et près du corps « de manière à laisser transparaître ses os à travers le vêtement »
La silhouette frêle de Lucille rappelle la longueur et l’étroitesse de formes que l’on trouve dans la maison. Les costumiers ont travaillé étroitement avec del Toro et les acteurs pour cerner chaque personnage. Quand Edith commence à décliner à Allerdale, elle s’affaiblit, devient « transparente, comme une chrysalide », ce qu’on retrouve dans la texture et le style de sa chemise de nuit. Les volants de soie sont conçus pour souligner les mouvements de Mia Wasikowska, quant à Lucille et Thomas, ils fonctionnent comme des caméléons, la sœur se fondant dans les couleurs sombres et les ombres de la maison, disparaissant dans ses murs. Pour accentuer les motifs préférés du réalisateur, l’équipe de Kate Hawley passa de longues heures à coudre les fines étoffes à la main, utilisant d’anciennes techniques pour les plissés, afin que les costumes flottent et virevoltent comme des ailes de papillons. 
Et quand le rouge fit enfin son entrée avec les tenues des fantômes, la chef costumière se souvient : « C’était une image très forte, extrêmement théâtrale. » Les revenants dans CRIMSON PEAK ne sont pas des spectres, mais plutôt des versions funestes de ce qu’ils ont été, et les conversations entre del Toro et Kate Hawley se concluaient souvent par cette idée que « l’horreur se doit d’être très belle. »  

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