Drame/Un très beau face-à-face d'acteurs, une superbe aventure humaine
Réalisé par David Oelhoffen
Avec Viggo Mortensen, Reda Kateb, Djemel Barek, Vincent Martin, Nicolas Giraud, Jean-Jerome Esposito, Yann Goven, Antoine Régent, Sonia Amori...
Long-métrage Français
Durée : 1h41m
Année de production : 2014
Distributeur : Pathé Distribution
Date de sortie sur nos écrans : 14 janvier 2015
Résumé : 1954. Alors que la rébellion gronde dans la vallée, deux hommes, que tout oppose, sont contraints de fuir à travers les crêtes de l’Atlas algérien. Au coeur d’un hiver glacial, Daru, instituteur reclus, doit escorter Mohamed, un paysan accusé du meurtre de son cousin. Poursuivis par des villageois réclamant la loi du sang et par des colons revanchards, les deux hommes se révoltent. Ensemble, ils vont lutter pour retrouver leur liberté.
Bande annonce (VF)
Ce que j'en ai pensé : LOIN DES HOMMES est un film subtil. David Oelhoffen, le réalisateur, s'est inspiré de la nouvelle "L'hôte" d'Albert Camus pour nous conter ce face-à-face entre deux hommes. Bien qu'il y ait très peu de dialogues dans le film, les messages sont clairs et les regards et les actes en disent plus que de longs discours. Cette rencontre a un contexte bien particulier et se déroule sur fond de guerre d'Algérie. Même si la guerre n'est pas le sujet du film, elle participe aux tensions et joue un rôle dans le voyage aussi bien physique qu'intérieur des deux hommes. J'ai trouvé le fond intéressant et le fait qu'il y ait un mélange de langues dans les dialogues est une richesse supplémentaire qui donne une dimension universelle à l'histoire.
Les deux protagonistes établissent une relation qui ressemble, à mon avis, à celle d'un père et d'un fils. Le père est un guide et le fils permet à se dernier d'évoluer et de se remettre en question. Chaque spectateur, selon sa sensibilité, peut vivre l'histoire du film de manière différente.
Il y a trois personnages principaux. Le Haut Atlas, avec sa nature aride et ses magnifiques paysages, en est un. Son immensité permet de prendre du recul par rapport à l'importance du rôle et des décisions des hommes.
Daru, interprété par Viggo Mortensen, est un homme dont les blessures ne sont pas évidentes à deviner mais dont on sent tout de suite qu'elles existent.
Mohamed, le prisonnier, inteprété par Reda Kateb, dont on comprend le cheminement au fur et à mesure que sa confiance en Daru se construit.
Les deux acteurs sont magnifiques. On imagine sans peine une vraie confiance et une réelle complicité entre eux.
LOIN DES HOMMES est une aventure humaine, belle et touchante. Je vous conseille d'aller le découvrir au cinéma pour l'interprétation de ses acteurs, la sensibilité de sa réalisation, la beauté des paysages et la très belle relation humaine mise en scène.
Rencontre avec
David Oelhoffen, Reda Kateb et Viggo Mortensen
Après la projection organisée par Pathé, nous avons eu la chance de pouvoir poser des questions au réalisateur du film, David Oelhoffen, ainsi qu'aux deux acteurs principaux Reda Kateb et Viggo Mortensen. Ils se sont prêtés avec gentillesse et enthousiasme à l’exercice. Je vous laisse découvrir cette rencontre dans les deux vidéos ci-dessous, mais attention, elles contiennent des spoilers sur le film ! Vous préférerez certainement ne les regarder qu'après avoir découvert LOIN DES HOMMES au cinéma.
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
ENTRETIEN AVEC DAVID OELHOFFEN
Pourquoi avoir voulu
adapter cette nouvelle d’Albert Camus ?
Je suis tombé sur ce texte par
hasard. Je le lisais pour le plaisir, sans être à la recherche d’un sujet, et l’histoire
m’a beaucoup ému. Je l’ai ressenti comme une réflexion sur la difficulté de l’engagement
politique. Bien qu’écrit il y a soixante ans, il m’a semblé très contemporain
et applicable au monde d’aujourd’hui qui, dans de nombreuses régions, est au bord
de la rupture. J’ai retrouvé dans la problématique que vit Daru, le héros de la
nouvelle, des questions que je me pose : la difficulté de s’engager, la
difficulté d’y voir clair dans un monde instable, la difficulté de l’action, la
tentation du repli sur soi. J’y voyais par ailleurs les prémisses d’un western
: la présence de la nature, le prisonnier escorté, les systèmes de lois qui s’affrontent,
qu’elles soient tribales ou occidentales. Le personnage central du western est
souvent le shérif, dépositaire de la loi, ces films sont souvent des réflexions
sur la loi : faut-il lui obéir, quand faut-il lui désobéir, quand est-elle relative
? Ces éléments de western m’attiraient beaucoup parce que tout me semblait
aller dans le même sens, les questions au centre du récit et le genre que
pourrait emprunter le film… Un western européen inscrit dans l’histoire
européenne, interrogeant nos lois, nos vérités... nos mythes à nous français,
européens.
Quels sont ces mythes ?
Le mythe sur lequel s’appuie
le western classique américain est la conquête de l’Ouest, le Blanc civilisateur
amenant la civilisation dans les territoires sauvages. J’aime particulièrement
les westerns qui prennent ce mythe à contre-pied, ceux où le héros est
confronté aux contradictions de cette bonne parole. Les westerns pro-indiens à
partir des années 50, de LA FLÈCHE BRISÉE jusqu’à LITTLE BIG MAN, les westerns
où la violence se retourne contre la «civilisation» comme chez Peckinpah, les
westerns crépusculaires de Eastwood ou Pollack. Le mythe derrière LOIN DES
HOMMES n’est évidemment pas celui de la conquête de l’Ouest, mais celui de la
conquête du monde par les idées héritées des Lumières, le mythe de l’universalisme
français, qui a rapidement pris la forme du colonialisme, la France généreuse
amenant la culture, la liberté... et qui retourne les valeurs humanistes contre
les populations locales, qui importe un système injuste.
Comment avez-vous contourné le risque, inhérent lorsqu’on
adapte Albert Camus, d’illustrer une réflexion philosophique ?
Il est vrai que cette
nouvelle, comme nombre de textes d’Albert Camus, a suscité des analyses, des commentaires
philosophiques sur le sens de la vie, la responsabilité, le refus de faire un
choix... Je ne me suis pas placé dans la position de l’exégète de la
philosophie de Camus. Je trouve son oeuvre admirable mais je ne me serais pas
risqué à adapter l’un de ses romans, et je ne cherche pas plus à faire un film
sur la philosophie d’Albert Camus que sur la guerre d’Algérie. J’ai lu Camus et
tout ce que je pouvais lire sur la guerre d’Algérie, pour ne pas faire de
contresens, mais mon souci était d’abord de développer le récit, l’amplifier et
surtout de l’incarner. Les premières questions que je me suis posées tournaient
autour du conflit moral évoqué dans cette nouvelle, de sa représentation :
comment transformer avec les armes du cinéma ce conflit moral interne en un
conflit externe, en violence en l’occurrence, et comment aborder cette violence
? Ce sont des problèmes de cinéma, non pas des problèmes philosophiques. Mais
procéder ainsi, s’octroyer une certaine liberté par rapport au texte, essayer
de trouver son chemin sur ce terrain nouveau, a été aussi une façon d’être
fidèle à Camus, à son esprit. Un exemple : le personnage de Daru dans le film -
son histoire, son parcours, son origine - est différent du Daru de la nouvelle.
Chez Camus c’est un Pied-Noir français, intégré, qui se retrouve dans une
situation inextricable. Il se sent en fraternité avec ce paysan algérien mais
les deux hommes ne se parlent pas. Il voudrait l’aider et il s’en veut après
coup de ne pas l’avoir réellement rencontré, il l’a raté. Daru a une identité
claire et non douloureuse. Pour le film, j’ai imaginé que Daru pourrait être
encore plus tiraillé si son identité était plus complexe. Un Français d’origine
étrangère, pas complètement intégré dans la communauté Pied-Noir... le conflit
serait plus profond chez lui... Je suis donc parti sur l’idée d’un Daru
étranger. Un étranger dans son propre monde : ce changement par rapport au
texte m’était utile, et en même temps ça faisait de Daru un personnage éminent
camusien, l’étranger. Les questionnements de cinéma ont souvent consisté à s’éloigner
de la lettre et à se rapprocher de l’esprit de ce que Camus a écrit par
ailleurs.
Vous avez apporté beaucoup d’autres changements : une
visite de trois cavaliers décidés à faire payer au prisonnier la mort de leur bétail,
une attaque de l’école assiégée par des Arabes décidés à se faire justice, un
affrontement entre une troupe FLN et l’armée française…
Dans ses « Chroniques
algériennes », écrites suite à un voyage en Kabylie à la fin des années 1930, Albert
Camus fait le constat que le système colonial va dans le mur, que si on ne
change pas la façon de voir les Algériens, on va au conflit. Ces écrits sont
très visionnaires et très documentés. On y voit comment les gens meurent de
faim, comment ils sont obligés de faire bouillir des racines pour manger. Ce
sont ces « Chroniques » qui m’ont permis de compléter le récit. Pour l’adaptation
de « L’Hôte », ce que je voulais à tout prix éviter, c’était que le personnage
du prisonnier soit une figure seulement inquiétante, une sorte d’archétype. L’Arabe,
que Camus écrit avec un grand A. Cela ne m’intéressait pas de développer l’histoire
dans cette direction là. Je voulais qu’il y ait deux personnages sur un pied d’égalité.
La nouvelle c’est l’histoire de Daru, le film c’est l’histoire de la relation
entre Mohamed et Daru.
Le film est une sorte de zoom progressif sur ce prisonnier
arabe, que l’on voit arriver prostré, tête penchée vers le sol, et dont on
découvre peu à peu le visage, jusqu’à ce gros plan final, plein cadre…
Tout à fait ! Au départ c’est
une fourmi dans un plan large, puis il se rapproche, c’est un homme courbé, un
masque, à la fin il prend toute l’image, il l’habite. Entre temps, Daru a
appris à le connaître, à le regarder.
Reda Kateb est magnifique dans le rôle de Mohamed !
C’est son talent qui rend
possible ce très long plan sur son visage. Il apporte un charisme inouï au personnage.
Il sait suggérer la fierté et l’humilité sans les afficher de façon
démonstrative. C’est un plaisir de travailler avec lui. Il fait partie de ces acteurs
très talentueux mais qui ont mis du temps à être reconnus, et auxquels ça a
donné de la force.
Pourquoi avoir choisi Viggo Mortensen ? Ce choix peut
surprendre !
Je lui ai proposé et c’est
plutôt lui qui m’a choisi ! Comme je le disais, je voulais que Daru soit un étranger
et qu’il ne se sente ni complètement Pied-Noir ni complètement algérien. C’est
un fils d’immigré, un être qui a été brisé par la guerre de 39-45, quelqu’un
qui n’est chez lui nulle part hormis dans son école. J’ai pensé que ce serait
logique de prendre un acteur étranger pour incarner ce personnage. Pendant l’écriture
du scénario, je voyais des images de western et j’imaginais Viggo Mortensen.
Cela m’aidait. Quand mes producteurs m’ont demandé qui je voyais pour incarner
Daru, j’ai répondu avoir pensé à Viggo comme une sorte de modèle. L’un d’eux m’a
répondu : « Tu sais qu’il parle français ? » et il m’a montré une vidéo sur
Internet où Viggo Mortensen rend hommage à un hockeyeur canadien... On lui a
envoyé le scénario, une semaine plus tard il demandait à voir mon premier film
et on s’est vu peu de temps après pour parler du projet. Il m’a posé beaucoup
de questions. Il avait préparé minutieusement ce rendez-vous, en prenant des notes,
en lisant plusieurs biographies de Camus. Il aime beaucoup la littérature, il
écrit lui-même, merveilleusement bien, il est également éditeur, et s’intéresse
à l’engagement politique. Il a accepté le projet à la seule condition d’avoir
le temps de se préparer à parler arabe, de gommer son accent canadien en
français, et de se documenter. En bref, de se préparer comme il le fait lui...
C’est à dire à fond. Il s’est replongé dans Camus, a lu tout ce qu’il a pu sur
la guerre d’Algérie et la littérature algérienne de cette époque. Et s’est
impliqué plus encore dans le projet en en devenant coproducteur. En plus de son
talent immense et de sa capacité à se préparer, il apporte ce trouble à l’identité
du personnage, ce côté mi européen mi autre chose. Viggo est connecté au monde
latin parce qu’il a grandi en Argentine et qu’il vit en Espagne, tout en étant
américain et danois ! Il y a eu un grand moment avec lui lors de la mort du paysan
au milieu du film. Le personnage vit très mal cette scène : il est pacifiste et
se trouve amené à tuer quelqu’un…pour protéger un criminel. C’est une situation
absurde, et j’ai laissé Viggo exprimer sa colère comme il l’entendait. Il s’est
mis à proférer des jurons… en espagnol. « Me cago en Dios ! » juron
blasphématoire s’il en est. C’est sa langue natale et c’est sorti comme ça !
Dans sa détresse, le personnage jurait dans sa langue maternelle ! Daru dans le
film est d’origine espagnole, peut-être parce que je suis né en Espagne de mère
espagnole... une façon de tirer le personnage à moi. Surtout la mère de Camus
était espagnole. Les Espagnols étaient très présents dans l’Ouest de l’Algérie.
Voire majoritaires à Oran. Ceux-là n’ont pas eu à souffrir d’ostracisme de la part
des Français contrairement aux paysans andalous arrivés en masse dans l’Atlas
au début du XXème
siècle. L’histoire des
caracoles me semblait intéressante.
Parmi les changements opérés par rapport à la nouvelle,
ceux qui concernent la fin sont spectaculaires !
Le sujet du film est la
relation qui se noue entre cet européen à l’identité douloureuse et cet
algérien en passe d’être exécuté. Les deux hommes s’expliquent, finissent par
se comprendre, ils s’entraident… Il aurait été déprimant qu’après tout ce
chemin Mohamed prenne la route de Tinguit. C’eût été l’histoire d’un échec
abyssal. Il était impossible que la relation nouée ne change rien à leurs
destins respectifs. Cela me semblait même aller à l’encontre de Camus. Car on a
souvent fait le reproche à Camus, dans « L’Étranger », dans cette nouvelle
également, d’avoir ainsi dépeint l’Arabe, énigmatique, inquiétant. Je pense qu’alors
il dépeignait l’altérité en général et pas le monde arabe en particulier. Car
dans les « Chroniques algériennes », dans sa propre vie, Camus prouve le
contraire : il connait les algériens, il est proche du nationaliste Ferhat
Abbas, qui sera lié plus tard au FLN, il a des relations amicales avec les
arabes, et épouse largement leur cause. Daru tel qu’il est dans le film, s’est
nourri de ce que Camus était dans la vie.
La chute finale du film est elle aussi différente de celle
de la nouvelle, où Daru découvre sur le tableau noir de son école une
inscription à la craie : « Tu as livré notre frère, tu paieras ».
Je ne pouvais pas finir comme ça. Le périple de Daru,
ses rencontres avec Mohamed et Slimane, lui font comprendre qu’il participe au
monde colonial. Il croyait remplir une juste mission en apprenant à lire et à
écrire à de petits algériens, il se rend compte que ce rôle est critiquable et
critiqué ! Il me semblait plus opportun, et dramatiquement plus fort, de lui
faire prendre une décision en son âme et conscience plutôt que sous la menace.
Il y a cette confession de Mohamed sur sa virginité, qui
donne l’idée à Daru de l’emmener dans un bordel de campagne, avant d’arriver en
ville. Votre choix de mise en scène est alors merveilleux : ce n’est pas
Mohamed que vous montrez, mais Daru…
Ce qui va se passer pour
Mohamed, on le sait. En revanche… oui, j’ai voulu montrer que Daru se transfigure
lui-même en aidant Mohamed. Cet acte le fait sortir de la coquille dans
laquelle il se recroquevillait. À cet instant, il change de route, lui aussi, à
sa façon. Et choisit la vie, le sursaut, le désir…
Les deux hommes échangent un regard magnifique en sortant…
J’adore ce regard ! Cette
scène aurait pu être graveleuse, donner lieu à un humour facile, elle est pudique.
Les deux hommes sont sur le même plan à ce moment-là, ils partagent la même
fragilité, la même douleur, la même complicité. La finesse des deux comédiens n’y
est pas pour rien !
Où avez-vous tourné ?
L’histoire est censée se
passer dans l’ouest de l’Atlas saharien, dans la proximité du désert.... J’y suis
allé plusieurs fois en repérage, mais c’est très inaccessible et on a décidé
finalement de tourner côté marocain où les infrastructures sont beaucoup plus
faciles d’accès et les paysages identiques.
Comment avez-vous choisi la musique ?
Sur le plan sonore, je ne
voulais surtout pas quelque chose de folklorique ou de décoratif ! À quoi bon rappeler
au spectateur qu’on est en Algérie dans les années 1950 par une musique
redondante ? J’aime beaucoup les musiques composées par Nick Cave et Warren
Ellis. Notamment L’ASSASSINAT DE JESSE JAMES PAR LE LÂCHE ROBERT FORD de Andrew
Dominik, mais aussi et surtout la musique de THE PROPOSITION de John Hillcoat,
un western «déplacé» là aussi, sur des terres inhabituelles, qui pour moi était
une grande réussite de transposition des codes. Leurs musiques sont magnifiques
à écouter même indépendamment du film et elles reposent sur des principes que
je partage. À savoir, le refus d’une musique permanente, du début à la fin,
ainsi que le refus d’une fonction de soutien à l’émotion ou à l’action. Ce que
nous voulions c’est que la musique enrichisse l’atmosphère, qu’elle illustre l’évolution
des relations entre les deux personnages principaux. Au montage, avec Juliette
Welfling, nous avions le désir de maintenir le film sous tension, non pas en cherchant
à imprimer un rythme trépidant (qui ne correspondait ni au sujet ni aux images
tournées), mais au contraire en s’appuyant sur un rythme assez lent, cassé par
des moments d’emballement, des moments de rupture (comme par exemple, l’attaque
de l’école), qui maintiendraient le film dans une sorte d’inquiétude
permanente. Dès le départ, nous avions tous en tête que la musique prendrait sa
place dans ces moments lents, centrés sur les deux personnages. Au début elle
est âpre, puis peu à peu, elle se fait plus mélodique au fur et à mesure que
les deux personnages s’ouvrent à l’autre.
Pourquoi ce titre, LOIN DES HOMMES ?
Je ne souhaitais pas utiliser
le titre de la nouvelle, « L’Hôte ». Je ne voulais pas que le titre du film
laisse croire à une adaptation fidèle de cette nouvelle. Ce qui me plaît dans
cette expression, LOIN DES HOMMES, c’est qu’elle s’applique aux deux personnages.
D’abord à Daru, qui s’est bâti un petit royaume dans lequel il vit en maître,
loin de tout et de tous ; Mohamed l’obligeant à faire ce voyage commun au cours
duquel ils fuient le danger que représentent les hommes, les autres hommes.
Puis à la fin, elle s’applique à Mohamed qui va devoir vivre loin, dans le
désert.
La nature occupe une place prépondérante dans le film…
Je dirais que c’est le
troisième personnage principal. Guillaume Deffontaines, le chef opérateur, a
fait un travail magnifique. Le film est esthétiquement beau mais cette beauté n’est
pas seulement formelle, j’espère qu’elle fait sens. Le paysage, l’aridité des sites,
les cailloux, les ciels immenses, tout participe de l’absurdité de la
situation. C’est une nature omniprésente, imposante, qui rend humble, écrase, impressionne,
et influe sur les personnages, comme elle a influé sur nous durant le tournage.
On la sent partout, on l’entend. Le son participe à l’hostilité de la nature :
bruits de roches, du vent, de la pluie… Qu’y a-t-il de commun entre votre
premier film, NOS RETROUVAILLES, le récit d’une confrontation entre un père et
son fils, et celui-ci ? J’ai tout fait pour éviter qu’il
y ait un rapport paternel entre Daru et Mohamed... LOIN DES HOMMES parle
résolument de fraternité. Le point commun entre les deux films c’est le face à
face entre deux hommes, complexe, douloureux. Dans NOS RETROUVAILLES, le
personnage du fils se libère de quelque chose qui l’empêchait de devenir
adulte, et va vers la lumière. Là, dans LOIN DES HOMMES deux hommes proches de
la mort trouvent ensemble le chemin de la lumière.
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