vendredi 6 septembre 2013

Back to the future

Fantastique/Drame/Science fiction/Très impressionnant mais un peu bancal sur la fin

Réalisé par Bong Joon Ho
Avec Chris Evans, Octavia Spencer, Tilda Swinton, Song Kang-Ho, Jamie Bell, John Hurt, Ewen Bremner, Alison Pill, Ed Harris, Luke Pasqualino, Kenny Doughty, Stephen Park, Clark Middleton, Vlad Ivanov, Emma Levie, Tomas Lemarquis...

Long-métrage Américain/Sud-coréen/Français
Durée : 02h05mn
Année de production : 2013
Distributeur : Wild Side Films / Le Pacte
Titre original : Snowpiercer 
Twitter : #Transperceneige

Date de sortie sur les écrans U.S. : en 2013
Date de sortie sur les écrans sud-coréens : 1er août 2013
Date de sortie sur nos écrans : 30 octobre 2013


Résumé : 2031. La terre n’est plus qu’une étendue gelée. Les derniers survivants sont à bord d’un train condamné à tourner autour de la terre.

Bande annonce VOSTFR



Featurette



Teasers





Ce que j'en ai pensé : A l'origine, Le Transperceneige (Snowpiercer en anglais) est une bande dessinée de science-fiction post-apocalyptique française en noir et blanc créée par Jacques Lob, au scénario, et Jean-Marc Rochette, au dessin. Je n'ai jamais lu cette bande dessinée, j'ai découvert l'histoire avec ce long métrage.

SNOWPIERCER vous happe dès les premières minutes. L'ambiance du train, l'organisation sociétale, les conditions de vie des wagons du fond par rapport à celles des wagons de l'avant..., tout est décrit, expliqué (de manière implicite ou explicite) et mis en scène afin que le spectateur comprenne cet environnement rapidement. Dès lors l'action peut se mettre en place et avancer... 
Le film est sombre, la violence froide comme le monde extérieur. L'utilisation des couleurs est impressionnante, la photographie est très réussie. 
Le réalisateur Bong Joon Ho donne aux combats ainsi qu'aux doutes et aux états d'âmes de ces protagonistes beaucoup de force et de profondeur. On ressent un grand soin apporté aux détails et il est évident qu'il avait une vision précise de ce qu'il voulait montrer.

Dans la société orchestrée par le propriétaire du train, la vie des passagers des derniers wagons est injuste, insupportable et intolérable. Affamés, maltraités et entassés, seul l'espoir d'une révolution leur donne du courage. Le leader de la révolution c'est le jeune Curtis, interprété par Chris Evans, qui a tout à fait la carrure pour le rôle et s'impose tout au long du film. 


Ses alliés sont entre autres Edgar, son bras droit, interprété par Jamie Bell et Gilliam un vieux sage interprété par John Hurt. 



Il y a également d'autres personnages plus ou moins énigmatiques dont vous ferez la connaissance.

Face à eux se trouve une armée qui répond aux ordres de Mason, le bras droit du propriétaire du train. Mason est interprétée par Tilda Swinton méconnaissable et excellente, comme toujours.


Les passagers des wagons de queue se lancent donc par la force du désespoir à la conquête des wagons de tête.


Le récit est universel. Les sujets abordés et les symboles sont extrêmement nombreux au fur et à mesure que l'histoire se déroule. Du coup, le film ouvre à la discussion et au débat.
Il propose une vision originale et inédite d'un reste d'humanité. Pour les survivants, l'extérieur est un ennemi mortel aux paysages post-apocalyptiques et le train est un refuge/prison tenu par un dictateur avec toutes les implications inhérentes à ce genre ce régime.
Imaginez ce que peut donner une révolution dans un espace étroit lancé à toute allure dans un environnement hostile...





Malheureusement, la partie finale du film est bancale. Elle traîne en longueur et d'un coup s'accélère donnant l'impression de vouloir finir vite. De plus des incohérences se font sentir dans les dernières scènes. C'est un peu déconcertant mais par rapport à la grande qualité de l'ensemble de ce long métrage, c'est un détail.

Vous l'aurez compris, SNOWPIERCER m'a beaucoup plu. Il est à découvrir absolument. C'est une expérience cinématographique intense et intéressante. C'est un film original qui marque les esprits, auquel on repense et qui fait réfléchir. N'hésitez pas après l'avoir vu à lire les notes de production ci-dessous. Elles sont un très bon complément pour comprendre tous les angles abordés dans ce long métrage maîtrisé et très complet.


Notes de production
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers!)

Chronologie d'un projet titanesque
Snowpiercer, le Transperceneige : un projet international d'une ampleur considérable, une odyssée de près de huit années!

* Hiver 2005 : dans une librairie spécialisée près de l’université Hongik, le réalisateur Bong Joon Ho découvre une bande dessinée française : Le Transperceneige. Debout dans la boutique, il la lit d’une traite, fasciné par le caractère cinématographique que lui évoquent les multiples parties métalliques d’un train gigantesque, grouillant d’activité humaine, qui se déplace tel un serpent. Il sent qu’il doit la porter à l’écran ! 
* En 2004-2005, Bong Joon Ho travaille à la pré-production de THE HOST quand Moho Films - la maison de production créée par le réalisateur Park Chan-wook et Lee Tae Hun (l’actuel PDG d’Opus Pictures) - lui propose de réaliser un film. 
Bong Joon Ho suggère aussitôt SNOWPIERCER, Le Transperceneige. Park Chan-wook et Lee Tae Hun commencent alors les démarches pour obtenir les droits de la bande dessinée et démarrer le projet. 
* À l’été 2006, THE HOST sort dans les salles et attire 13 millions de spectateurs en Corée ! Le film est sélectionné à Cannes par la Quinzaine des Réalisateurs et les festivals de Bruxelles, Sitges, Karlovy Vary, Édimbourg, New York, et Vancouver. Il reçoit plusieurs récompenses. 
* En 2006, les droits d’adaptation de l’histoire originale Le Transperceneige sont signés. 
* En 2007, les droits d’adaptation de l’histoire originale Le Transperceneige sont prolongés. 
* En 2008, Bong Joon Ho réalise SHAKING TOKYO, l’un des films du triptyque TOKYO !, coréalisé par Michel Gondry et Leos Carax. Le film est présenté au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard.
* En mai 2009, MOTHER sort sur les écrans coréens. Le film est sélectionné pour la section Un Certain Regard  au Festival de Cannes et est élu film étranger de l’année par la société des critiques de films de Boston et par la société américaine des critiques féminines. 
* En janvier 2010, débute vraiment le travail sur le scénario de SNOWPIERCER, Le Transperceneige. 
* Le 15 Septembre 2010, sort une première mouture du scénario de SNOWPIERCER, Le Transperceneige. 
* En Décembre 2010, la seconde version du scénario SNOWPIERCER, Le Transperceneige est achevée. 
* De janvier à octobre 2011 : pré-production à Séoul et début du casting des acteurs qui monteront à bord du Snowpiercer. 
* En août 2011, les studios Barrandov en République Tchèque sont choisis comme lieu de tournage. 
* En octobre 2011, le réalisateur Bong Joon Ho et l’équipe de production s’installent en République Tchèque. 
* De novembre 2011 à avril 2012 : pré-production en République Tchèque. La participation des principaux membres de l’équipe est assurée, notamment Ondrej Nekvasil, chef décorateur de L’ILLUSIONNISTE, Eric Durst, responsable des effets spéciaux de SPIDER-MAN 2, Julian Spencer, coordinateur des cascades des PROMESSES DE L’OMBRE et Marco Beltrami, compositeur de la bande originale de WORLD WAR Z. 
* Du 16 avril au 14 juillet 2012 : tournage de SNOWPIERCER, Le Transperceneige.

Bong Joon Ho et le Transperceneige

Bong Joon Ho, le réalisateur

« Quand j’ai découvert Le Transperceneige, la première chose qui a attiré mon attention a été le caractère cinégé¬nique très particulier de ce train. Ces centaines de pièces de métal qui bougent tel un serpent et transportent les derniers rescapés de l’espèce humaine, m’ont ému. De plus, les gens se battaient eux ! Dans cette sorte d’Arche de Noé, séparée en compartiments, ils n’étaient pas égaux. 
Je souhaite sonder la nature humaine dans des circonstances extrêmes - qu’il s’agisse d’un tueur en série, de l’apparition d’un monstre dans la rivière Hangang, ou d’une mère qui sombre dans la folie. Le Transperceneige m’était destiné. 
La bande dessinée était magnifique et était partie d’une idée originale mais je devais à tout prix trouver une histoire entièrement nouvelle avec de nouveaux personnages afin de créer un Snowpiercer, un transperceneige nouveau, dynamique et chargé d’émotions cinématographiques. 
Le film, fruit d’une longue collaboration avec de nombreuses personnes est maintenant terminé.
Dans un long train étroit, impossible de faire des détours ! Où que vous souhaitiez aller, il faut avancer. Les corps se heurtent et la sueur se mêle au sang. Je voulais montrer la formidable énergie et la sensation cinématographique que cela provoque. 
Dans ce train lancé à toute allure, tout le monde est emporté par une course en avant, héros et spectateurs.

J’aimerais partager avec le public cette double expérience de la vitesse. »

L'équipe de Snowpiercer

SNOWPIERCER, Le Transperceneige est une coproduction internationale avec des stars et des techniciens venus des États-Unis, de Grande-Bretagne, de République Tchèque, de Hongrie et aussi bien sûr de Corée, qui ont travaillé aux Studios Barrandov en Répu¬blique Tchèque.

Les acteurs

SNOWPIERCER, Le Transperceneige est le premier film en langue anglaise de Bong Joon Ho, qui a réuni, pour son oeuvre, un casting international.
Tilda Swinton qui, invitée au festival international de Busan en 2009, avait déclaré qu’elle aimait beaucoup le cinéma de Bong Joon Ho, et tout particulièrement THE HOST, fut la première actrice de langue anglaise à s’embarquer sur le projet. 
Chris Evans, qui joue Curtis, le jeune leader de la révolu¬tion, est déjà pour les Coréens un visage familier depuis CAPTAIN AMERICA : FIRST AVENGER et AVENGERS. 
Song Kangho et Ko Asung, qui jouaient le père et la fille dans THE HOST, sont de nouveau père et fille. 
John Hurt, qui, lui, avait été tellement impressionné par MOTHER, est Gilliam, le sage et leader de l’arrière du train. 
Ed Harris interprète Wilford, l’autorité absolue du train. 
Le rôle de Tanya, une mère très déterminée de la queue du train est jouée par Octavia Spencer, qui a reçu l’Os¬car du meilleur second rôle pour LA COULEUR DES SENTIMENTS, tandis qu’Edgar, le bras droit de Curtis et le rebelle de l’arrière du train, est joué par Jamie Bell, dont tout le monde suit la carrière depuis BILLY ELLIOT. 
Ewen Bremner, qui a joué dans TRAINSPOTTING et LA CHUTE DU FAUCON NOIR, est Andrew, un père désar¬mé qui tente de protéger son fils, alors qu’Alison Pill, vue dans HARVEY MILK, MINUIT À PARIS, et la série THE NEWSROOM est l’enseignante de l’école du train. 
Et pour compléter cette distribution internationale : Vlad Ivanov, l’acteur roumain qui avait fait impression dans le rôle sombre de l’avorteur de 4 MOIS, 3 SE¬MAINES, 2 JOURS, la Palme d’or de Cristian Mungiu.

L'équipe technique

Des professionnels de domaines différents venus du monde entier vont transformer Le Transperceneige en live et le scénario de Bong Joon Ho en réalité aux Stu¬dios Barrandov. 
Robert Bernacchi, le producteur exécutif, a déclaré que les professionnels de l’équipe possédaient « des expériences aussi variées que leurs nationalités », et que tous avaient travaillé pour faire le meilleur film possible sans jamais dire que quoi que ce soit fût ir-réalisable. Leur bonne volonté a été évidente tout au long des 4 mois de pré-production et des 3 mois de tournage.
Le premier à rejoindre l’équipe lorsque la première version du scénario fut achevée a été le directeur de la photographie, Hong Kyung-pyo, qui avait travaillé avec Bong Joon Ho sur MOTHER. C’était le seul Co¬réen de l’équipe technique du réalisateur et il a été son principal allié, celui qui comprenait précisément ce que Bong Joon Ho voulait sans qu’il soit nécessaire de prononcer un mot, dans un environnement où l’an¬glais était utilisé pour communiquer. 
Ondrej Nekvasil, le directeur artistique de L’ILLUSION¬NISTE, a ensuite rejoint l’équipe avec pour tâche de construire le train et ses intérieurs. Grâce à sa renom¬mée en République Tchèque, le tournage s’est dérou¬lé sans heurts avec les constructeurs, machinistes et accessoiristes - tous Tchèques. 
Tout aussi importants, les effets spéciaux créés par Eric Durst (SPIDER-MAN 2, PRÉDICTIONS) qui a tra¬vaillé en postproduction pour créer des images de synthèse réalistes. 
Julian Spencer, qui avait mis en place des scènes d’ac¬tion d’anthologie dans un sauna pour David Cronen¬berg dans LES PROMESSES DE L’OMBRE, a réglé des scènes d’action se déroulant dans un espace étroit à la fois réalistes et violentes, plutôt que des scènes d’action ultra-chorégraphiées comme pour les films de Hong Kong ou les blockbusters américains. 
Marco Beltrami, compositeur de la musique, avait été très intéressé par les précédents films de Bong Joon Ho, et par l’intermédiaire de son agent, s’est déclaré prêt à rejoindre le film. Compositeur de musiques de films à succès comme WOLVERINE : LE COMBAT DE L’IMMORTEL, WORLD WAR Z et WARMBODIES RE¬NAISSANCE, il est devenu l’un des compositeurs les plus sollicités d’Hollywood. 
Catherine George, créatrice des costumes de WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN, Jeremy Woodhead, créateur des maquillages et des coiffures pour LE SEI¬GNEUR DES ANNEAUX, et Johanna Ray et Jenny Jue, les directrices de casting d’INGLOURIOUS BASTERDS et de KILL BILL complètent l’équipe.

Créer le Snowpiercer
Le train a été construit aux studios Barrandov.
Un gigantesque cardan permet au Transperceneige de vibrer et de tourner avec des mouvements réalistes.

À quoi doit ressembler le Snowpiercer et comment se déplace-t-il ? La priorité absolue pour le réalisateur et son équipe était le train. Leur premier défi fut de décider comment le concevoir, le montrer et sur quel axe le filmer, puisqu’il allait occuper près de 99% du film. Trois concepteurs, dont Jang Hee-chul - le créateur du monstre de THE HOST - ont travaillé ensemble sur cette question avant même que ne commence le travail sur le scénario. 
Le train devait comporter au moins 4 compartiments afin de montrer les déplacements des passagers de l’arrière du train ; c’est pourquoi les Studios Barrandov en République Tchèque ont été choisis : avec plus de 100 mètres, ils étaient les plus longs d’Europe ! 
Un énorme cardan fut alors conçu puis construit afin de rendre réalistes les mouvements d’un train en dé-placement. 
Un cardan est un dispositif qui est utilisé pour simuler le mouvement de grands bateaux ou sous-marins dans des films comme PIRATES DES CARAÏBES ou USS ALABAMA ; c’est aussi un outil indispensable pour recréer de manière réaliste les mouvements d’un train. Cependant, on n’avait jamais vu un car¬dan capable de porter un train de 120 tonnes avec des wagons de 30-40 tonnes chacun se déplaçant sur une centaine de mètres… L’équipe des effets spéciaux de Barrandov Flash a créé un énorme cardan avec 6 pistons pneumatiques sur chaque wagon pouvant contrôler la fréquence et l’intensité du mouvement, monté sur un moteur spécial et utilisant les plans du réalisateur pour la simulation du train. Le résultat fut un train qui se déplace comme sur de vrais rails, se courbe comme un serpent dans les virages et vacille de façon réaliste, tout en offrant une vue intérieure vers l’avant. 
Le cardan va aider le spectateur à avoir l’impression d’être dans un véritable train.
Les différentes parties du train ont des usages dis¬tincts. Si ces différentes parties étaient mises bout à bout, le train aurait une longueur totale de plus de 650 mètres - autant que quatre TGV ! 



Né de l’obsession de Wilford, un fanatique des trains qui rôde dans la salle des machines, ce train-vais¬seau fait le tour de la terre en une année.
Bong Joon Ho fut émerveillé par le majestueux paquebot Queen Elizabeth, quand il était en Australie pour la sortie de THE HOST. Il a donc conçu un luxueux train-paquebot, qui a tous les attributs du bateau de croisière mais sur un même niveau. Puisque le train devait être à la fois une sorte d’Arche de Noé et être capable de générer énergie et ressources tandis qu’il poursuivait son voyage sans fin, les passagers étant séparés en différentes classes dans différentes parties, le réalisateur et le directeur artistique ont dû créer, véritablement « inventer » chaque wagon. 
La queue du train, jadis réservée au transport de marchandises, a été transformée pour accueillir des passagers dans les conditions terribles que représentent surpopulation, pénurie d’eau et de chauffage ; elle a été conçue à partir de l’image des bidonvilles que l’on retrouve dans toutes les villes du monde.


La serre qui est remplie de plantes, la zone de loisirs pour les riches, la salle de classe où l’on apprend aux enfants à vénérer Wilford, étaient toutes très différentes. 
La salle des machines, à l’avant du train où réside Wilford, a l’allure d’une cathédrale où trône la Ma¬chine Éternelle que l’on idolâtre. 
Huit ans après avoir été fasciné par la bande dessinée de Jacques Lob, Le Transperceneige, c’est le 16 avril 2012 aux Studios Barrandov que le réalisateur a finalement pu insuffler la vie aux images nées dans sa tête. 
Dès qu’ils mirent le pied dans les studios où les dé¬cors étaient en construction Bong Joon Ho et Hong Kyung-pyo déclarèrent : «On ne peut plus reculer». 
Et c’est ainsi que commença l’aventure SNOWPIERCER, Le Transperceneige.

La pré-production du film dura 1 an et 3 mois, dont 9 mois en Corée et 4 mois en République Tchèque. Un total de 72 séquences de prises de vue furent finalisées sur 3 mois, impliquant quelque 200 personnes, comédiens et équipes techniques, de langues et de cultures différentes, venues de Corée, des États-Unis, de Grande-Bretagne et de République Tchèque.
Les techniciens coréens de l’équipe, habitués à travailler avec des horaires irréguliers - voire même toute la nuit lors des prises de vues - étaient très surpris de voir les techniciens des autres pays se montrer tellement stricts sur leurs horaires de travail (12 heures maximum par 24 heures) et même de repas, et ce même quand ils travaillaient sur des scènes importantes. Les techniciens des autres pays, étaient, quant à eux, étonnés par les story-boards incroyablement précis qui étaient donnés chaque jour ainsi que par le système de montage immédiat sur site qui permettait de contrôler les scènes tournées. Le système du story-board sur le tournage était une combinaison des dessins exécutés par un professionnel en amont et de ceux des scènes à tourner le lendemain réalisés par Bong Joon Ho pendant la nuit. 
Ed Harris, qui avait réalisé POLLOCK, et Chris Evans, qui avait testé différentes manières de travailler à Hollywood, fascinés, ont même suggéré d’introduire cette méthode à Hollywood.

Le réalisateur & co-scénariste : Bong Joon Ho

Bong Joon Ho en seulement 4 films (BARKING DOG, MEMORIES OF MURDER, THE HOST, et MOTHER) s’est fait un nom dans le cinéma coréen : MEMORIES OF MURDER, qui s’attaquait à une affaire de meurtre non élucidée commise par un tueur en série, avait ébranlé les bases du film policier. 
THE HOST, où l’on voit une créature étrange surgir de la rivière Hangang et s’emparer de Séoul, avait transformé le genre du film de monstres par son ampleur et sa créativité.
Après THE HOST, Bong Joon Ho changea complètement de direction pour créer avec MOTHER un univers intimiste qui sonde l’inconscient et la folie de l’esprit humain. MOTHER était un thriller dont le personnage principal est une vieille mère impuissante qui part à la recherche d’un assassin. 
Des œuvres où le suspense, l’humour, et l’humanité coexistent de manière très singulière.
Son nouveau film, SNOWPIERCER, Le Transperceneige, imbrique formidablement deux faisceaux de forces : celle de cette énorme masse de métal traversant des paysages glacés dans un contexte de futur apocalyptique et la terrifiante énergie produite par le désir d’êtres humains réunis par des circonstances exceptionnelles de s’unir pour créer un monde nouveau…

Entretien entre Bong Joon Ho 
et Jean-Marc Rochette, dessinateur du Transperceneige

JMR : Tu es fan de bande dessinée. En quoi cela te plaît-il?
Je ne saurais dire. C’est comme de respirer, j’en ai toujours lu. Récemment, je me suis pris d’affection pour le suisse Thomas Ott et l’américain Charles Burns. Et je dessine beaucoup moi-même, au point d’avoir réalisé les story-boards de trois de mes films, sur cinq. 
Pour THE HOST et surtout SNOWPIERCER, je me suis fait assister. Comme SNOWPIERCER est une production internationale impliquant une large variété de langages, je voulais m’assurer de la clarté des intentions par l’intelligibilité visuelle. Mais le premier story-board, c’est moi qui l’ai réalisé.

JMR : Alors pourquoi Le Transperceneige ? 
J’ai découvert Le Transperceneige complètement par hasard, dans une librairie coréenne que je fréquente. Le titre, très différent des mangas et des comics que je lisais d’habitude, m’a interpellé. Et quand je l’ai ouvert, j’ai découvert qu’il s’agissait de l’histoire d’un train. Or, je suis littéralement obsédé par les trains. Je crois que tout réalisateur a un objet de fascination qu’il désire ardemment mettre en scène, au moins une fois dans sa carrière. Pour moi c’est le train, ce véhicule longiligne qui serpente sur des rails, aux déplacements magnifiques et graphiques. Et puis c’est un espace confiné, un lieu qui représente un challenge en termes de mise en scène. Généralement les réalisateurs adorent ça. 
Enfin, je me suis pleinement retrouvé dans l’idée principale de l’oeuvre, cette Arche de Noé du futur où quelques survivants d’une humanité décimée cohabitent, cernés par un monde glacé et inhospitalier. De rares miraculés qui, malgré la situation, s’entredéchirent et s’exploitent au lieu de coopérer. Le Transperceneige m’apparaissait comme une oeuvre qui m’était destinée. Un geste du destin, un film né du hasard.

JMR : Justement, sur les notions d’espace et d’environnement : les mouvements de caméra dans l’espace fondent une bonne partie de ton langage. Et tes voyages de repérages, pour trouver ces lieux de tournage correspondant totalement à ta vision, participent à ta réputation au point qu’il se dit en Corée que tu aurais visité tous les villages du pays à ce jour. Or là, pour la première fois, tu devais créer cet espace. En quoi cela a-t-il changé ta manière de procéder ?
Le train me plaçait dans une situation difficile et c’est pour cela qu’il m’excitait depuis longtemps. Quand bien même il fallait recréer le décor, cela ne changeait pas grand chose : les possibilités de mouvements restaient ultra-limitées. En gros, ma réflexion fut : pour se rendre du premier wagon au troisième, il faut fatalement traverser le second. Les raccourcis et les détours n’existent pas. La variété, il faut la créer à l’intérieur d’un mouvement qui s’oriente toujours dans la même direction : vers l’avant. Et je devais donc mettre cette tension au cœur du processus de réalisation pour en faire la force du film et de la narration. C’est également pour ça que le plan de tournage suivait le script. Afin que chaque jour, le parcours du héros et celui des acteurs et de l’équipe technique se répondent à l’unisson.

JMR : Les adaptations de bandes dessinées en films sont souvent pleines de pièges, les rythmes des deux médias étant très différents. Où la difficulté de l’adaptation dans le cas du Transperceneige s’est-elle située?
Pour moi, transcrire une expérience ou adapter une oeuvre procède de la même mécanique. Que la matière première provienne du réel ou d’une autre création, il faut toujours que je l’ingère puis la digère pour écrire le scénario. Et c’est d’autant plus vrai, dans le cas de SNOWPIERCER, que le rythme et la progression dramaturgique des trois volumes de la bande dessinée n’étaient pas adaptés pour un film. J’étais essentiellement attaché à la métaphore sociale du train et à l’environnement. À partir de là, je devais rebondir, retrancher et enrichir. L’intrigue du film est relativement différente : certains personnages et péripéties ont disparu pour être remplacés par d’autres. 

JMR : Oui, tu es resté très fidèle à l’esprit de Jacques Lob, les éléments principaux sont toujours là. Pourtant tes enrichissements sont importants. Souvent dans les scénarios, une idée permet de débloquer le récit. Ici ce serait laquelle ?
C’est une question très intéressante, je reconnais bien là tes obsessions créatives. Laisse-moi me souvenir. J’ai écrit le scénario en 2010, après avoir acheté les droits en 2006 entre-temps, l’histoire a mûri lentement dans ma tête pendant les tournages de THE HOST et MOTHER. C’était long et inconscient, comme une tâche de fond. Mon premier choix fut de me concentrer sur le premier volume, en terme d’intrigue. Je voulais un héros, solitaire, qui remonte du fond du train jusqu’au premier wagon. Un road-movie de 2 heures à l’intérieur d’un train. Je voulais également que la révolte ne se limite plus à quelques compagnons d’infortune rencontrés au gré des pérégrinations, mais qu’elle enflamme un peuple entier. Il devait devenir une sorte de Che Guevara ou de Spartacus, suivi parla foule, et dont le parcours serait bien plus explosif et destructeur.
Mon second choix, ce fut de lier la progression intellectuelle à la progression physique du héros, et de polariser ce parcours entre deux figures tutélaires. L’une en queue de train, au début de l’odyssée, l’autre en tête de train, à la conclusion. La première de ces figures, c’est John Hurt, une sorte de Mahatma Gandhi, un gourou du peuple. L’autre, en première classe, c’est Ed Harris, le créateur du train - plus ou moins le seul personnage qui a d’ailleurs survécu de la bande dessinée, avec le héros. Deux figures paternelles, donc, qui structurent la progression psychologique du personnage en même temps que la structure narrative. À partir de cette mise en place, ce socle dramatique, il ne me restait plus qu’à transformer chaque wagon en étape symbolique, dans laquelle chaque expérience se doublerait d’une rencontre décisive. 
Enfin, ma dernière idée, pour adapter cette histoire au cinéma, fut d’ajouter un personnage perturbateur, incarné par Song Kangho. Il est indéchiffrable, ses motivations sont troubles, comme Han Solo dans STAR WARS. C’est vraiment un profil de personnage cinématographique qui n’existe pas dans la bande dessinée. Ce n’est pas comme le personnage de Tilda Swinton, personnage inventé pour incarner le bras armé d’un Ed Harris retranché dans la locomotive de tête. Elle le représente sur le terrain pour mater les soulèvements populaires, mais aurait pu totalement exister sur le papier.

JMR : J’ai l’impression, en revanche, que les décors viennent plutôt des volumes 2 et 3. Le train du premier volume était peut-être trop marqué par la volonté de Jacques Lob de s’inspirer des trains Corail de la SNCF des années 80.
Il me fallait en effet un train beaucoup plus volumineux pour y planter des scènes d’action spectaculaires. En cela il est plus proche des tomes 2 et 3, où le train s’approche d’une configuration de vaisseau spatial. Mais j’ai vraiment pioché partout pour le créer. Les wagons de queue où le peuple est abandonné à son triste sort, le wagon-jardin et le wagon-lounge viennent plutôt du premier volume. J’ai surtout emprunté le wagon de la prison des volumes 2 et 3, d’où Song Kangho sort pour la première fois. J’aime beaucoup cette idée de casiers superposés qui évoquent les morgues d’hôpital. Mais je pense que c’est la seule chose que j’ai empruntée aux volumes 2 et 3. Pour le reste du train, j’ai surtout travaillé avec les directeurs artistiques, notamment celui avec qui je travaillais déjà sur THE HOST. Nous avons créé ensemble les piscines, le wagon de la Machine… qui n’existaient pas dans la bande dessinée.

JMR : Le Transperceneige ressemble pour beaucoup à une fable, avec nombre d’éléments désuets ou oniriques. Cela ne t’a pas gêné dans l’adaptation, toi qui es obsédé par l’idée du réel ?
Cette histoire peut paraître onirique, à cause de certains éléments fantastiques, comme cette Terre gelée ou le train. Mais, pour moi, cette fantaisie importe peu tant qu’elle parvient à produire l’illusion du réel, à refléter notre monde. C’est l’essence du récit de genre. Ce décalage poétique ne m’inquiète pas. D’autant plus que le prétexte de Jacques Lob ne m’apparaît pas fonctionner comme une fable. Un train, où les niveaux de richesse sont distingués par des wagons, peut paraître métaphorique. Mais, au fond, n’est-ce pas le cas des voyageurs dans les avions de ligne ? Où le confort et la qualité de la nourriture sont distribués en fonction de la capacité financière de chacun ? Donc ce train, c’est évidemment une métaphore, mais il présente également une configuration qui se retrouve avec quelques nuances dans notre civilisation.

JMR : Il y a une scène qui m’a bouleversé, quand Wilford est sur le point de convaincre Curtis du bien fondé de son entreprise. Sans dévoiler son contenu à ceux qui nous liront, quel sens as-tu voulu donner à cette scène totalement absente de la bande dessinée?
C’était une scène parmi les plus difficiles à filmer. La vie, je crois, nous confronte parfois à des événements qui nous obligent à abandonner notre idéalisme, à accepter la réalité. Je voulais, dans SNOWPIERCER, rappeler que certains rêves ne doivent être abandonnés sous aucun prétexte, que certaines situations demeurent inacceptables, quels que soient les arguments que nous oppose la réalité. Cette scène exprime donc ce moment fatidique où Curtis, assommé par la logique du réel, prêt à toutes les concessions, se retrouve confronté à une situation qu’il n’est pas en capacité d’accepter, qui excède son seuil de tolérance. Pour moi, c’est un discours très naturel. Et je pense que pour les gens de ta génération, c’est une forme d’idéalisme à laquelle vous êtes particulièrement sensibles.

JMR : La conclusion de la bande dessinée de Lob est absolument pessimiste et sans espoir, mais pas la tienne. Encore une fois, sans dévoiler trop l’intrigue, pourquoi ce désir de finir sur une touche plus optimiste? Surtout pour toi qui réalisais des films plutôt sans espoir.
Franchement, je ne sais pas vraiment. J’en suis moi-même un peu étonné. La conclusion de mon précédent film, MOTHER, était tellement triste qu’elle m’émeut profondément encore aujourd’hui. Alors je crois que j’ai, en partie, voulu me soulager avec SNOWPIERCER. Je ne me voyais pas conclure de manière trop pessimiste après deux heures de voyage dans un train sombre et étouffant. C’est difficile à exprimer, mais pour une fois, j’aspirais vraiment un peu plus au soleil qu’à l’accoutumée.

JMR : Tu m’as demandé de réaliser les dessins d’un personnage du film, ce peintre des bas-fonds qui immortalise la mémoire de ses compagnons d’infortune. Je l’ai vécu comme un cadeau du ciel, une incarnation de l’artiste total, qui ne travaille ni pour le collectionneur, ni pour les musées, ni la postérité. Il résiste simplement, de manière poétique, à l’enfer. 
Ce commentaire, c’est une remarque que toi seul peux faire. Tu peins avec abnégation, sans te soucier des critiques, du succès, pour une forme supérieure de réalisation et d’existence. Dessiner te plonge dans une forme de transe, tout le monde peut le voir. En cela, ton travail rappelle celui des comédiens. Pour te préparer à peindre, tu t’imprégnais de l’atmosphère, errais dans les décors, parlais avec tous les techniciens. Exactement de la même manière que Chris Evans qui demandait également à rester seul dans le décor, habillé en costume, pour entrer dans le personnage. C’est un peu pareil.

JMR : L’histoire de Snowpiercer est sans ambiguïté politique. Je me souviens d’un soir à Prague après le tournage où nous avons parlé ensemble de notre expérience face aux démonstrations de violence. La costumière, Catherine George, venait de Belfast, c’était la voisine de Bobby Sands, et elle nous a parlé du Bloody Sunday et des 14 hommes qui étaient morts ce jour, dont 7 adolescents. Et tu as ensuite parlé du massacre de Gwanju, en 1980, où la répression a tué plusieurs centaines de personnes. Je me souviens du silence à table à ce moment-là. Je voulais pour ma part évoquer la manifestation de Creys-Malville contre une centrale nucléaire en 1977, où il y a eu plusieurs blessés et un mort, et à laquelle j’ai participé. Mais je n’ai pas eu le courage. 
Pour toi, Gwanju est une des raisons pour lesquelles tu voulais faire Snowpiercer.
J’ai beaucoup traité de l’histoire de la Corée, car c’est la seule culture que je connaissais. Mais avec SNOWPIERCER, je cherche à donner au film une portée universelle. Évoquer les classes sociales, les oppressions, les résistances. Ne plus commenter un massacre en particulier, mais la violence généralisée dans l’histoire de l’humanité. C’est vraiment l’une des raisons qui m’ont poussé à choisir la bande dessinée du Transperceneige : sa dimension intrinsèquement universelle, puisque les survivants de cette Arche de Noé viennent des quatre coins du monde, avec des cultures et des couleurs de peau différentes, ainsi qu’une large variété de langues. 
Beaucoup de personnes en Corée me reprochent de faire un film en anglais, mais je fais un film sur le monde, et c’est cette histoire qui le commande par nature. J’espère donc que les spectateurs vont être touchés chacun à leur manière par le discours révolutionnaire, en fonction de l’histoire de leur pays. Le film incarne une ode universelle à la résistance dans laquelle chacun peut se projeter avec sa propre culture. C’est vraiment une production internationale, avec une équipe internationale. Chaque soir, nous avions l’occasion d’échanger autour de sujets avec une variété de points de vue très différents ; un des acteurs américains a participé à Occupy Wall Street, un autre acteur s’est engagé dans la révolution de Prague… Chacun pouvait y projeter sa propre culture révolutionnaire, quand il en avait une. Et en fait, ce n’est pas si différent, nos histoires sont finalement assez semblables dès qu’on les ramène aux oppressions et aux mouvements de libération.

JMR : Jusqu’à présent, tu as résisté à l’appel de la caméra numérique. Est-ce toujours le cas dans Snowpiercer ?
Oui, mais à mon grand regret. Ce sera le dernier film tourné sur pellicule en Corée.
Tous les studios de développement ont désormais mis la clé sous la porte. Alors il faut que je fasse mon deuil, et ça me peine sincèrement. J’aime la sensation, le grain, j’ai appris ce métier en portant de lourdes piles de bobines à l’école et ma mémoire tactile y est très sensible. Certes, avec les dernières caméras numériques Alexa, on ne voit plus beaucoup de différences. Mais j’y reste profondément attaché : par mon histoire et par mes sens.

JMR : Tes personnages semblent toujours seuls et abandonnés ? Est-ce un sentiment personnel ou l’expression d’un point de vue plutôt idéologique, celui d’une société coréenne qui serait peut-être trop individualiste ?
C’est plutôt l’expression d’un sentiment personnel : je me sens souvent seul. Je crois que les êtres humains sont toujours livrés à eux-mêmes. Mais je dois reconnaître que ces profils de personnages sont aussi très pratiques pour créer à la fois des situations dramatiques et une énergie très particulière qui fait avancer les histoires. 
La solitude permet d’envisager des situations dramatiques fortes. Voilà par exemple la raison pour laquelle, dans SNOWPIERCER, j’ai éliminé le personnage féminin de la bande dessinée. 
Curtis doit avancer très vite et n’a aucun besoin d’un poids mort, encore moins le temps de batifoler.

JMR : Depuis Barking Dog, on repère des thèmes récurrents dans ton cinéma, notamment la lutte des classes. Es-tu un cinéaste, disons, militant ?
Ça dépend de la définition qu’on donne des termes « politique » ou « militant ». Chez moi, ce n’est pas intentionnel mais j’avoue aujourd’hui me poser pas mal de questions à ce sujet. Car le bilan, après 5 films, est sans appel : j’ai cette tendance naturelle à m’orienter vers des sujets de société. Mais je n’ai pas de réponse franche à donner sur la politisation de mon oeuvre, en ce sens que je n’ai pas forcément de message à délivrer qui me pousse à créer. C’est l’inverse, ce sont mes scénarios qui commandent naturellement des personnages désespérés : une mère qui doit sauver son fils, des policiers incompétents qui doivent arrêter un serial killer. Je crois que je me tourne naturellement vers ces personnages qui ne sont jamais en paix, jamais en harmonie avec le monde. Les exclus de la société, en situation de faiblesse, sont les personnes qui m’émeuvent le plus. 

JMR : On peut te considérer néanmoins comme un artiste avec ses obsessions récurrentes d’oeuvre en oeuvre. Par exemple, explique-moi ton obsession pour l’identité, ou plus précisément les erreurs d’identité.
Dans MEMORIES OF MURDER, les étapes pour approcher du meurtrier se font par erreur d’identification. Dans THE HOST, les héros veulent sauver une enfant mais ne sauvent pas la bonne. Pour MOTHER, c’est une confusion intentionnelle, plus monstrueuse, car cette mère essaie de sortir son fils handicapé mental et meurtrier de prison en le remplaçant par un autre handicapé, plus fragile encore. Mais là encore, cette récurrence n’a rien d’intentionnel, c’est une obsession dont j’ai bien conscience mais dont j’ignore l’origine. 
D’ailleurs, je ne sais pas encore si elle s’exprime au sein de SNOWPIERCER. 

JMR : Et le rapport entre science et nature ?
L’écologie n’est pas un thème que j’explore, mais un point de départ très pratique pour dérouler une histoire, comme dans THE HOST. Je veux juste m’arrêter dessus, mais pas le développer comme le fait Hayao Miyazaki, par exemple, pour qui l’écologie fonde véritablement le cœur du message et de l’oeuvre.

JMR : Pourquoi un si long tournage ?
J’ai écrit le scénario durant un an. La pré-production était plus longue que de coutume. Il a fallu, ensuite, traduire le scénario, ce qui a pris du temps. Je voulais tourner selon un système de production anglo-saxon, à Prague, ce qui fut long et coûteux en démarches et négociations, car c’étaient des expériences nouvelles par rapport au système du cinéma coréen. Personne n’avait jamais fait ça dans notre pays. Du coup, il nous fallait être prudent, avancer pas à pas, de manière lente et minutieuse. 
Mais ces 1 an et 3 mois de pré-production ont été un très bon investissement pour baliser le tournage, car une fois lancé, nous avons respecté le budget et le calendrier prévu.
Heureusement que Park Chan-wook était là à la production, et d’accord avec les conditions de tournage, dès le début. Non seulement son soutien a été très précieux auprès des investisseurs, mais nous sommes de surcroît très proches, artistiquement et amicalement, ce qui autorise des discussions et des débats très productifs. D’ailleurs ses idées, quoique le plus souvent excitantes, sont contraires à celles que devrait avoir en toute logique un producteur, étant donné qu’elles engendrent des coûts de tournage élevés. Le créateur prend souvent le dessus sur le producteur et ses visions finissent par dominer le besoin d’une gestion intelligente.

JMR : Les films coréens, dont certains des tiens, critiquent ouvertement l’Amérique. Prendre Chris Evans, et lui offrir un rôle d’anti-Captain America, est-ce un hasard ou un calcul de ta part ?
Ce n’était pas du tout mon intention. Chris Evans est très connu dans le registre du blockbuster, mais il a une grande palette de jeu et a interprété une grande variété de rôles. C’est surtout ça qui m’a attiré. Le personnage de Curtis bouscule vraiment son image publique et le coté anti-Captain America, c’est lui qui le cherche. C’était très dur, pour moi comme pour lui, de camoufler sa musculature. D’ailleurs, à le côtoyer, on mesure à quel point son tempérament compliqué et délicat est très loin de l’image masculine qu’il est capable de diffuser avec son physique de capitaine d’équipe de foot ! 

JMR : Depuis dix ans, le screen quota coréen a été coupé en deux. Comment se porte le cinéma coréen selon toi aujourd’hui ? En ressens-tu les effets financièrement, et est-ce que cela a joué sur le financement de Snowpiercer ?
Ce sujet, qui faisait polémique car il pouvait menacer la santé du cinéma coréen, semble tombé dans l’oubli. Protégé, notre cinéma a su se développer, gagner en qualité, et développer un large public, fidèle, qui suit sa production nationale. Je pense donc que le temps n’est plus à la régulation et au quota. En revanche, il faudrait désormais fonder une politique d’investissement pour soutenir la création.
 
Entretien publié dans le magazine Kaboom, 
que nous remercions chaleureusement pour leur autorisation de reproduction.

Les acteurs et leurs personnages


Chris Evans
« SNOWPIERCER, Le Transperceneige a été une formidable expérience avec de grands acteurs et un réalisateur particulièrement brillant. Ses story-boards indiquent que son montage était déjà dans sa tête. C’est comme si vous construisiez une maison, et si au lieu de dire « j’ai besoin d’un sac de clous », vous disiez : « J’ai besoin de 53 clous ». Tout vient littéralement de cette anticipation et la confiance que vous ressentez alors vous fait penser « ce type vient d’une autre planète ». Je me suis totalement engagé dans cette vision, confiant dans l’idée qu’il savait exactement où il voulait aller. »


Song Kangho
Impossible de parler du cinéma coréen sans mentionner Song Kangho car il a fait partie de ceux qui ont changé les choses. Il a été le premier à confirmer sa participation au film, juste après avoir tourné dans THE HOST.
« Je crois qu’il vaut mieux voir ceci comme une histoire totalement originale qui se déroule dans une ère nouvelle plutôt que de s’intéresser à la nationalité des acteurs. C’est un film qui contient les observations pertinentes du réalisateur Bong Joon Ho, de formidables émotions, et un message politique qui ira droit au cœur des spectateurs. Il ouvre une nouvelle voie pour le cinéma coréen. »


Ed Harris
Wilford, pour les personnes de la queue du train est perçu comme le mal absolu et celui qu’il faut vaincre, mais pour ceux de l’avant du train, c’est un demi-dieu, objet d’admiration. Ed Harris a fait de Wilford un personnage encore plus intéressant enjoué et plein d’ironie.
« J’ai vu THE HOST, MOTHER et MEMORIES OF MURDER en famille et nous sommes devenus des grands fans de Bong Joon Ho. Si vous avez une idée, il est disposé à l’entendre. Mais c’est très simple parce qu’il sait ce qu’il veut et mon boulot est d’essayer de répondre à ses attentes. Wilford est celui qui a inventé et dirige le train où sont hébergés les survivants. C’est une espèce d’homme d’affaires, un entrepreneur, c’est un ingénieur, un physicien, il est aussi un peu psychiatre et… un peu chaman. L’asservissement que Wilford impose à une grande partie de la population du train est évidemment similaire à beaucoup de situations du monde d’aujourd’hui. »


John Hurt
Le rôle de Gilliam devait être joué non seulement par un acteur âgé mais par un grand acteur qui pouvait transmettre la spiritualité du personnage. 
« Bong Joon Ho est clairement comme un peintre. Lorsqu’il démarre un projet, il le fait comme s’il était devant une toile blanche. La mise en scène de Bong Joon Ho est impressionnante. Il n’y aura pas beaucoup de morceaux de pellicule sur le sol de la salle de montage, quelques scories, pas beaucoup. Et ça, ça demande une profonde connaissance du cinéma et une vraie vision. J’avoue que j’ai beaucoup aimé travailler sur SNOWPIERCER, Le Transperceneige. J’aimerais vraiment avoir l’opportunité de travailler de nouveau avec Bong Joon Ho. »


Tilda Swinton
Après avoir déclaré en 2009 au festival international du film de Busan qu’elle était fan du réalisateur Bong Joon Ho, Tilda Swinton le rencontre pour la première fois lorsqu’il est président du jury de la Caméra d’or au Festival de Cannes. Ils évoquent la possibilité de travailler ensemble. La promesse d’alors assurera la participation de l’actrice à SNOWPIERCER, Le Transperceneige. Adorant les défis, Tilda Swinton va suggérer un changement physique complet, dont un nez de petit cochon et une perruque faisant de Mason un personnage jamais vu auparavant, et la rendant méconnaissable.
« Je pense que j’ai été impliquée dans le projet la première fois que j’ai vu le travail de Bong Joon Ho, j’ai toujours été une adepte de ses films. J’ai le privilège de faire partie de ces comédiens qui sont au-delà des langues. Certains de ces acteurs sont triés sur le volet, ce sont mes préférés aujourd’hui. Travailler avec Song Kangho, qui est vraiment l’un des meilleurs acteurs de tous les temps, est extraordinaire. Je pense que le film est une allégorie. Il parle de la survie, simplement, et de la vie. Il s’agit de survivre, de survivre à la mort même. Jour après jour, wagon après wagon, bataille après bataille. Des gens partent, d’autres sont laissés là, nous avançons. »


Jamie Bell
Il passe son temps à s’élever contre des injustices absurdes de la société organisée du train, encourager les gens à agir. 
Jamie Bell était l’acteur parfait pour Edgar - particulièrement quand il parle de son enfance.


Octavia Spencer
Tanya est quelqu’un qui montre précisément pourquoi une personne ordinaire peut se révolter. Une mère se retrouve dans une situation exceptionnelle quand son enfant chéri lui est retiré par ceux de l’avant du train. Le rôle est joué par Octavia Spencer, la Minny déterminée, mais au grand cœur, de LA COULEUR DES SENTIMENTS. Pour la première fois, elle joue des scènes d’action, participe à un film de science-fiction et travaille avec Song Kangho, dont elle est devenue fan après avoir vu THE HOST. 
« Il y a tant de messages dans ce film. Le plus important est celui qui est délivré si vous regardez les gens de la queue du train. Nous sommes tous sales et hirsutes après tant d’années dans des conditions précaires. Nous sommes alors tous de la même couleur : les Asiatiques, les Blancs, les Noirs. Il y a cette belle unité et fraternité dans la recherche d’un but commun : celui d’être traité en égal, face aux personnes de l’avant du train. Je pense que ceci nous ramène au réel. Si on considère SNOWPIERCER, Le Transperceneige comme une fable, je vois les rails du train comme le chemin de la vie. Nous effectuons ce voyage dans un train, métaphore de l’organisation de la société, et nous devons faire en sorte qu’il soit le plus ouvert possible pour recevoir toutes ces cultures, religions, différences de croyances possibles et alors, seulement alors, nous serons le monde. »


Ewen Bremner
Avec Tanya, Andrew appartient au peuple de la queue du train. En dépit de la faiblesse qui habite le personnage, il était nécessaire d’engager un acteur qui puisse transmettre au public les émotions du personnage. Après avoir vu une scène de NAKED, Bong Joon Ho était devenu un fan d’Ewen Bremner. 
« Quand j’ai vu MOTHER de Bong Joon Ho, j’ai été sidéré. Il a une approche très audacieuse des personnages, et il est l’un des rares réalisateurs à n’utiliser que des acteurs qu’ils aiment. En général un réalisateur attaché à un studio aux États-Unis ou au Royaume-Uni, se voit donner par le producteur une liste des acteurs acceptables pour chaque rôle. Mais je pense que sur ce film, Bong Joon Ho a pu choisir tous les acteurs. Je pense qu’il est cinéphile depuis longtemps et d’évidence, il sait regarder.
Je crois que le cinéma coréen a aussi un intérêt plus prononcé pour le grotesque : dans ce film, les héros ont tous des maladies de peau, ils sont sales, en haillons et tous les méchants sont propres sur eux et élégants, leurs dents sont comme fausses, on les a rendus beaux. Je trouve que c’est vraiment intéressant, ça n’aurait jamais été possible de faire un film comme ça au sein du système des studios américains. Les producteurs n’y seraient pas prêts, ils verraient ça comme une espèce de blasphème. »


Ko Asung
Yona devait être un peu étrange, comme si elle venait d’un autre monde car elle née et a été élevée dans le train. Ko Asung était sortie de la gueule de la créature de THE HOST et c’est pourquoi son personnage a été baptisé Yona (Jonas). Elle est la seconde comédienne à rejoindre la distribution, après Song Kangho. 
« C’était comme revenir là où tout a commencé. Le réalisateur Bong Joon Ho me dirigeait et Song Kangho me donnait des conseils, j’avais donc l’impression d’être à nouveau sur le tournage de mon premier film THE HOST. Je ne pouvais rien tirer de ma propre expérience personnelle pour jouer Yona, il a donc fallu que je fasse appel à mon imagination. Alors que tous ont l’expérience de la terre ferme, pour Yona, le monde a toujours été plein de secousses. Ce qui signifiait que son instinct et ses élans étaient différents. »

Le Transperceneige chez Casterman

« Parcourant la blanche immensité d’un hiver éternel 
et glacé d’un bout à l’autre de la planète, 
roule un train qui jamais ne s’arrête. 
C’est Le Transperceneige aux mille et un wagons. »

C’est sur ces paroles de complainte populaire, de chanteur de rue, que commence la vaste saga du Transperceneige.
Dans un monde post-apocalyptique où il ne reste plus rien, un train court éternellement, un train interminable et hiérarchisé, avec devant les riches et les puissants, et derrière, par ordre décroissant d’importance, les plus pauvres, et les wagons nécessaires à la survie avec les machines et la nourriture afin que rien ne s’arrête et que tout continue éternellement.
L’histoire est simple, comme tous les grands récits de science-fiction depuis Heinlein, disons, à la fois symbolique et réa¬liste. Elle fait déjà partie de notre passé alors qu’elle dit le futur. Nous vivons dedans, c’est pour cela sans doute que le livre va être découvert dans une autre perspective, par d’autres lecteurs pour qui ce ne sera plus une prophétie (l’observateur se changeant en la chose observée) mais juste le constat du monde où nous vivons.
Souvent très amusant, Jacques Lob, voyant les temps changer, avait lui aussi changé : il disait vouloir faire « un récit dur, amer et étouffant. »
C’est alors qu’il rencontra Jean-Marc Rochette, qui lui aussi était obsédé - mais on l’est forcément quand on est lucide - par, entre autres, le fait que les animaux allaient bientôt tous disparaître.
Nous vivons comme à Pompéi, lors de l’antique catastrophe, au ralenti, et en bien pire : le volcan pulse mais nous choisissons d’avoir des oeillères de chevaux pour ne pas voir la lave qui descend vers nous, tout doucement.
Voici donc Le Transperceneige, l’une des plus grandes séries de science-fiction en bande dessinée jamais écrites.

Parution de l'intégrale du Transperceneige mi-octobre 2013











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