mercredi 6 avril 2016

TRUTH : LE PRIX DE LA VÉRITÉ



Drame/Biopic/Sérieux et intéressant

Réalisé par James Vanderbilt
Avec Cate Blanchett, Robert Redford, Elisabeth Moss, Topher Grace, Dennis Quaid, Stacy Keach, Bruce Greenwood, Dermot Mulroney...

Long-métrage Américain
Titre original : Truth 
Durée: 02h05mn
Année de production: 2015
Distributeur: Warner Bros. France 

Date de sortie sur les écrans américains : 30 octobre 2015
Date de sortie sur nos écrans : 6 avril 2016


Résumé : 9 septembre 2004. Le présentateur vedette du JT de CBS, Dan Rather (Robert Redford), et sa productrice Mary Mapes (Cate Blanchett) plongent dans la tourmente… La veille, les deux journalistes ont diffusé un reportage dans l'émission-culte 60 Minutes II particulièrement compromettant pour George W. Bush : le président aurait tenté de fuir ses obligations militaires entre 1968 et 1974. Pire encore : il aurait bénéficié d'appuis familiaux et politiques pour échapper à la guerre du Vietnam. Mary Mapes et ses enquêteurs avaient réuni à la hâte des témoignages et des documents inédits, jugés solides. À l'approche du duel entre Bush et Kerry pour la présidentielle, cette affaire pouvait avoir un impact non négligeable sur l'issue du scrutin. Mais en l'espace de quelques jours, l'opinion publique et les médias ont cessé de s'intéresser au passé militaire de Bush. En revanche, Mary Mapes et Dan Rather sont dans l'œil du cyclone : les documents présentés dans l'émission sont des faux. Tout à coup, l'équipe de 60 Minutes est accusée de faute professionnelle et d'amateurisme. Mary Mapes finit par être licenciée et Dan Rather est contraint de prendre sa retraite anticipée. L'intégrité et l'indépendance de la presse ont-elles encore leur place dans les salles de rédaction ?
TRUTH: LE PRIX DE LA VÉRITÉ s'inspire des mémoires de Mary Mapes "Truth and Duty: The Press, the President, and the Privilege of Power" (2005, St. Martin’s Press).

Bande annonce (VOSTFR)



Ce que j'en ai penséTRUTH est un film de qualité. La réalisation de James Vanderbilt est posée, en phase avec le genre du film. Le sujet est sérieux. Il est exploré habilement. Le réalisateur retrace les événements chronologiquement et de manière approfondie. On sent qu'il y a eu un gros travail de recherche pour rendre hommage au travail de ces journalistes. Il faut être attentif pour suivre le déroulement qui maintient bien l'attention. L'histoire montre que peu importe vos succès antérieurs ou votre notoriété, dans le milieu de l'information, la crédibilité est tout. Idole un jour, journaliste déchu le lendemain. 
Cependant, j'ai un petit reproche : le thème n'est pas proche de nous et il est difficile de se positionner dans cette histoire pour le spectateur. Les médias parlent des médias, je ne me suis pas retrouvée dans cet univers. J'ai regardé cela d'un peu loin sans vraiment m'attacher aux personnages. Cependant, les découvrir reste vraiment intéressant, d'autant que les acteurs sont impeccables et leur donne un visage humain.
Cate Blanchett interprète Mary Mapes. Il y a une intelligence et une fragilité qui se dégage de son jeu. Elle est sublime.




Robert Redford est un immense acteur. Il est capable de donner tout son sens à une scène d'un seul regard. Sa prestance et sa présence dans le rôle de Dan Rather crédibilise totalement le statut de son personnage.
La relation entre Mary et Dan est basée sur le respect et l'admiration, elle est bien mise en valeur.




Les seconds rôles sont également très convaincants, chacun apportant une personnalité propre et identifiable à son protagoniste.

Dennis Quaid interprète le lieutenant-colonel Roger Charles
Topher Grace interprète Mike Smith
Elisabeth Moss interprète Lucy Scott


Stacy Keach interprète le Lt. Colonel Bill Burkett et Noni Hazlehurst interprète Nicki Burkett 
TRUTH est un film qui raconte une histoire forte et instructive de manière construite et intelligente. Si vous aimez le journalisme d'investigation ou comprendre les coulisses d'un scandale d'une grande chaîne de télévision américaine, je vous le conseille absolument.


NOTES DE PRODUCTION 
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

La chronologie des faits

Adoptant le point de vue de Dan Rather, journaliste chevronné au cœur de la tourmente, TRUTH : LE PRIX DE LA VÉRITÉ montre comment un reportage concernant la nation tout entière a été fabriqué, image par image, dans une salle de rédaction, pour être ensuite vilipendé par une succession d'accusations et de critiques. TRUTH : LE PRIX DE LA VÉRITÉ s'inspire des mémoires de Mary Mapes "Truth and Duty: The Press, the President, and the Privilege of Power"

Juin – Septembre 2004

En juin 2004, la productrice de CBS News Mary Mapes (Cate Blanchett), alors au sommet de sa carrière, décide de s'intéresser à l'époque où le président Bush a effectué son service militaire au sein de la Garde Nationale aérienne du Texas. En avril, elle avait produit un reportage pour l'émission 60 Minutes – récompensé par la suite par le Peabody Award – révélant des actes de tortures à la prison militaire d'Abou Ghraïb, en Irak.

Vivant à Dallas avec son mari, Mark Wrolstad (John Benjamin Hickey), et leur fils précoce de 7 ans Robert (Connor Burke), Mary Mapes évolue sans mal entre sa famille, ses missions sur le terrain et le QG de CBS News à New York. Maîtrisant parfaitement son métier, elle déniche les sujets dont elle produit ensuite les reportages et gère ses équipes, la documentation et le montage. Elle travaille en étroite collaboration avec Dan Rather (Robert Redford), présentateur vedette de la chaîne, depuis des années et entretient avec lui des liens d'estime et d'affection.

Josh Howard (David Lyons) est le producteur exécutif de 60 Minutes II, édition spéciale du mercredi soir de la célèbre émission d'informations. Howard et Mary Murphy (Natalie Saleeba), directrice d'antenne, sont intrigués par les rumeurs, rapportées par Mary Mapes, autour du service militaire de Bush au sein de la Garde Nationale, en pleine guerre du Vietnam : ils savent que d'autres médias s'intéressent également à l'affaire. Ils l'autorisent à poursuivre l'enquête. 

L'équipe Mapes

Elle constitue son équipe d'enquêteurs : le lieutenant-colonel Roger Charles (Dennis Quaid) est un consultant militaire intègre qui a collaboré à l'affaire Abou Ghraïb ; Lucy Scott (Elisabeth Moss) est professeur de journalisme à Dallas et passionnée par le travail d'enquête ; Mike Smith (Topher Grace) est un travailleur indépendant, vivant au Texas, qui collabore avec Mary Mapes et lui fournit des tuyaux de temps en temps. L'équipe se lance dans l'enquête surnommée "BushGuard" avec détermination, dans le contexte des élections présidentielles opposant Bush à Kerry.

L'affaire Bush-Guard

Épluchant les archives officielles des années de service militaire du président au sein de la Garde Nationale, l'équipe Mapes estime que les documents sont incomplets et sans doute falsifiés. Pourtant, ils reconstituent une chronologie des faits : de mai 1968 au printemps 1972, Bush était apprécié au sein de la Garde Nationale, d'abord au centre d'entraînement des pilotes de la base aérienne de Moody (Géorgie), puis au 111ème Escadron de Combat d'interception (Houston). Mais en 1972, le lieutenant Bush est suspendu officiellement pour avoir manqué une séance d'entraînement. En réalité, il a quitté son unité quelques mois plus tôt, pour être réaffecté en Alabama où il est censé participer à la campagne sénatoriale d'un ami de son père. Entre mai 1972 et mai 1973, l'équipe ne trouve aucune trace de la présence de Bush sur la base militaire de l'Alabama : il n'y a ni document administratif, ni témoin oculaire qui puisse confirmer qu'il exerçait alors son service militaire. En septembre 1973, le lieutenant Bush demande à être libéré de ses obligations pour intégrer la Harvard Business School, ce qu'il obtient.

Pour l'équipe de 60 Minutes, il ressort clairement que Bush a non seulement bénéficié de favoritisme grâce à ses relations familiales pour éviter de combattre dans la guerre du Vietnam, mais qu'il a aussi manqué à ses devoirs. Bien entendu, s'attaquer au passé militaire de Bush en pleine campagne électorale tombe à point nommé.

Mary Mapes estime avoir trouvé un témoin solide comme point de départ : l'ancien lieutenant-gouverneur Ben Barnes (Philip Quast), vieux briscard de la politique au caractère bien trempé qui, paraît-il, fait rire ses amis depuis des années avec une anecdote piquante. En effet, il raconte à qui veut l'entendre qu'en 1968, alors qu'il était président du Parlement du Texas, on lui aurait demandé de passer quelques coups de téléphone pour permettre au jeune George W. Bush d'intégrer la Garde Nationale.

La journaliste contacte Barnes pour le convaincre de révéler le népotisme dont Bush aurait bénéficié sur le plateau de l'émission, mais il refuse. "On me jetterait hors d'Austin comme un chien", lui dit-il. Sans se décourager, l'équipe continue à contacter de nombreux officiers et hauts-gradés qui pourraient se souvenir des états de service de Bush, mais elle se heurte systématiquement à la même fin de non-recevoir : "Il n'a jamais été pistonné !"

Les documents Killian

C'est alors que l'équipe Mapes fait une découverte majeure : il existerait des documents inédits prouvant que Bush ne se serait pas acquitté de ses obligations militaires. Mary Mapes demande à Smith de retrouver la trace de Bill Burkett (Stacy Keach), exploitant agricole et ancien lieutenant-colonel dans la Garde Nationale du Texas, qui affirme détenir les fameux documents. Les deux journalistes rencontrent Burkett et son épouse, Nicki (Noni Hazelhurst). L'homme est en mauvaise santé et sa femme est inquiète pour leur sécurité : que se passera-t-il si l'on apprend que Bill est à l'origine des révélations ? Mais Mary les convainc que seule une émission d'informations aussi réputée que 60 Minutes est suffisamment crédible pour relater l'affaire, et elle s'engage à leur garantir l'anonymat. Le couple lui remet les documents : il s'agit de copies, et pas des originaux. En revanche, Burkett refuse de livrer le nom de sa source.

Ces documents, surnommés "documents Killian", paraissent avoir été signés par le lieutenant-colonel Jerry B. Killian, commandant du 111ème Escadron de Combat d'interception à l'époque où Bush y était incorporé, et aujourd'hui décédé. Les documents semblent confirmer la version selon laquelle Bush s'est dégagé de ses obligations militaires au sein de la Garde Nationale. Un autre document, ultérieurement envoyé par Burkett à l'émission, est intitulé "CYA" ("Cover Your Ass", signifiant "Protégez vos arrières", NdT) et semble avoir été rédigé par Killian pour figurer dans ses propres archives : il atteste que des hauts-gradés l'auraient contraint à attribuer une note favorable à Bush même lorsqu'il n'était pas présent sur la base. L'ensemble des documents tendent à apporter la preuve irréfutable que Bush a reçu des appuis pour s'exonérer de ses devoirs.

On demande à quatre experts indépendants d'authentifier les "documents Killian", mais aucun d'entre eux n'est en mesure de le faire en déterminant avec certitude l'âge du papier ou de l'encre étant donné qu'il s'agit de copies. L'expert Marcel Matley (Nicholas Hope) se rend à New York pour étudier les nouveaux documents et les comparer à ceux déjà publiés par la Maison Blanche. Il estime que la signature de Killian sur certains des documents fournis par Burkett correspond à celle des documents figurant dans les archives officielles. Pour lui, l'authenticité des documents n'est pas sujette à caution. Mary Mapes et son équipe pensent avoir pris toutes les précautions qui s'imposent et que les documents fournis par Burkett méritent d'être révélés aux téléspectateurs.

Compte à rebours

Tout au long de l'enquête de Mary Mapes et de son équipe, Dan Rather a été tenu informé et consulté. Mais il veut des preuves plus solides avant d'envisager de révéler l'affaire Bush-Guard à l'antenne.

Les événements semblent désormais se précipiter. Mike Smith a déniché une vidéo du lieutenant-gouverneur Ben Barnes lors d'une collecte de fonds pour le camp Démocrate : celui-ci amuse la galerie en racontant qu'il est prêt à céder sa place à George W. Bush dans la Garde Nationale ! Barnes, qui ignorait qu'il était filmé, reconnaît qu'il ferait mieux de tout déballer à l'antenne. Les producteurs de l'émission se retrouvent face à un dilemme : en raison des contraintes de programmation de la chaîne, ils disposent d'un créneau soit d'ici plusieurs semaines (avec le risque qu'un autre média ne révèle l'affaire Bush-Guard), soit dans seulement cinq jours. Pour eux, il est également capital de ne pas influencer excessivement l'issue du scrutin de novembre avec un "coup de théâtre" en octobre : ils choisissent donc le créneau le plus proche. Mary Mapes estime qu'elle peut mettre le reportage en boîte d'ici là : l'émission est programmée au 8 septembre.

Comme le raconte la journaliste dans ses mémoires, un autre événement majeur se produit deux jours avant la diffusion : Mary Mapes parvient enfin à s'entretenir au téléphone avec le général deux étoiles Robert Hodges, supérieur de Jerry Killian en 1972-73. Tandis que Roger Charles écoute la conversation, Mary lit le contenu des mémos de Killian à Hodges : celui-ci confirme qu'ils reflètent les sentiments de Killian à l'égard de George W. Bush à l'époque. L'équipe de 60 Minutes considère que leur dossier est inattaquable.

8 septembre 2004 : La diffusion

Rather et Mary Mapes établissent le déroulé de l'émission qui comprend les entretiens de Rather avec Marcel Matley, Ben Barnes et Robert Strong (Martin Sacks), ancien administrateur de la Garde Nationale du Texas qui dénonce le népotisme et la corruption en vigueur au sein de la Garde à l'époque de la guerre du Vietnam. L'équipe continue à monter l'émission jusque dans les derniers moments précédant la diffusion, coupant notamment les témoignages visant à authentifier les documents : il s'agit d'éléments importants mais peu spectaculaires.

L'émission, elle, compte son lot de révélations spectaculaires ! Assurant le fil rouge, Dan Rather présente d'abord les aveux de Barnes qui reconnaît avoir lui-même pistonné Bush. Puis, on entend Strong, affichant son mépris pour la corruption qui sévissait à l'époque. Enfin, Rather produit les mémos de Killian, manifestement accablants, prouvant que George W. Bush ne s'est pas acquitté de ses obligations militaires.

L'effet boomerang

Le temps de la victoire et des félicitations est de courte durée. En quelques heures à peine, la blogosphère du camp conservateur se déchaîne, déclarant que les documents sont des faux et accusant le reportage de 60 Minutes d'être une manœuvre des progressistes. Les blogueurs taillent en pièces l'authenticité des mémos : ils expliquent que le format, la typographie, l'espacement entre les caractères et les interlignes n'auraient pas pu être obtenus sur une machine à écrire des années 70, et qu'ils ont donc été falsifiés grâce à un ordinateur.

En très peu de temps, la machine s'emballe et les grands médias s'emparent de la polémique, posant la question de savoir si le reportage de 60 Minutes était délibérément à charge ou simplement bâclé. Et dans ce vacarme médiatique, on en oublie de s'interroger sur le passé militaire de George W. Bush …

Tandis que la direction de CBS – composée de Josh Howard, de la vice-présidente senior Betsy West (Rachael Blake), du responsable des relations publiques Gil Schwartz (Steve Bastoni), et du président de CBS News Andrew Heyward (Bruce Greenwood) – s'inquiète de l'ampleur prise par les événements, Mary Mapes recontacte les différents témoins de l'enquête pour vérifier et recouper chaque détail. Dan Rather, qui a essuyé d'autres revers et compte bien s'en sortir indemne, garde son sang-froid.

Mary Mapes et Dan Rather élaborent un système de défense qui réfute point par point les attaques. Diffusé sur CBS Evening News, ce nouveau reportage réunit les images de Marcel Matley, qui avaient été coupées dans le précédent, et une nouvelle interview où l'expert explique que les accusations de falsification reposent sur des copies de copies et des fax de fax des documents Killian – copies susceptibles de subir d'infimes modifications de police de caractère et de format.

Les sources mystérieuses

La direction de CBS explique à Mary Mapes qu'il lui faut s'entretenir à huis clos avec la source de son document anonyme. Au cours d'une téléconférence avec Andrew Heyward, Mary Mapes et Dan Rather, Bill Burkett raconte comment il a obtenu les documents Killian, mais sa version est en contradiction totale avec ce qu'il avait confié à Mary : il lui a menti, affirme-t-il, pour se débarrasser d'elle. Selon sa nouvelle version, des informateurs anonymes l'ont contacté pour copier et diffuser les documents avant de brûler les originaux.

Cet étrange récit fait l'effet d'une bombe, mais Rather convainc Burkett de témoigner à l'antenne pour calmer le jeu et clarifier la situation. Burkett accepte et se soumet à un interrogatoire délicat devant la caméra.

Alors que CBS est dans une position défensive, Rather informe Mary Mapes par amitié qu'on lui a demandé de s'excuser à l'antenne pour l'utilisation de documents désormais discrédités. L'affaire Bush-Guard est morte. CBS nomme un comité d'experts indépendants pour passer au crible les événements qui ont conduit au fiasco. Un peu plus tard, Mary Mapes regarde tristement l'émission où son ami et mentor Dan Rather reconnaît ses erreurs à l'antenne, marquant un point final – et tragique – à leur pugnacité et à toutes ces années d'enquêtes et de collaboration.

Une enquête indépendante

Mary Mapes engage un avocat, Dick Hibey (Andrew McFarlane), pour la défendre devant le comité d'experts nommé par CBS et co-présidé par Richard Thornburgh (Helmut Bakaitis), ancien ministre de la Justice dans l'administration du président George H. W. Bush. Le comité est également co-présidé par Lou Boccardi (Lewis Fitz-Gerald), ex-patron d'Associated Press.

Me Hibey conseille à sa cliente de coopérer au maximum et de raconter sa version des faits dans les moindres détails afin d'éviter de braquer le comité. Elle répond à leurs questions, en conservant son sang-froid, et attend un mois avant que le comité ne se réunisse après le scrutin de novembre.

Loin de CBS, Mary Mapes attend sa deuxième audience devant le comité chez elle à Dallas. C'est alors qu'elle apprend une autre triste nouvelle concernant son cher ami Dan Rather : en effet, celui-ci a accepté de démissionner de son poste de présentateur de CBS Evening News après la deuxième investiture de George W. Bush. "Ne baisse pas les bras", lui dit-il.

Lorsque Mary se présente devant le comité, son avocat estime qu'elle s'en est bien sortie et qu'elle pourra peut-être garder son poste. Mais la nature combative et fougueuse de la journaliste reprend le dessus et elle ne peut s'empêcher de lancer : "Vous ne m'interrogez pas sur mes opinions politiques ?" En posant cette question, elle accuse implicitement les experts d'avoir eu un parti-pris politique en menant leur enquête. Elle a sans doute creusé sa tombe, mais elle a exprimé ses sentiments avec sincérité.

En janvier 2005, le jour de la publication des conclusions du comité, Mary Mapes est licenciée de CBS.

Lors de sa dernière et bouleversante intervention à l'antenne, Dan Rather rappelle que l'opinion publique fait confiance aux journalistes pour rechercher la vérité, et conclut ses adieux avec sa phrase-culte, "Courage".

Les figures-clés

Les personnages de TRUTH : LE PRIX DE LA VÉRITÉ qui suivent figurent dans les mémoires de Mary Mapes.

L'équipe de 60 Minutes II

Dan Rather a travaillé pour CBS News pendant quarante ans et a présenté CBS Evening News de 1981 à 2005.

Productrice pour CBS News, Mary Mapes était l'une des plus proches collaboratrices de Dan Rather pendant quinze ans. Elle a remporté un Peabody Award en 2005 pour avoir produit le reportage de CBS News qui a révélé le scandale sur les tortures de la prison militaire d'Abou Ghraïb en Irak.

Andrew Heyward a été président de CBS News de 1996 à 2005.

Josh Howard a été producteur exécutif de l'édition spéciale du mercredi, 60 Minutes II, de la célèbre émission 60 Minutes. Howard avait déjà travaillé chez CBS pendant vingt ans.

Betsy West était vice-présidente senior de CBS News de 1998 à 2005. Elle supervisait 60 Minutes et 48 Hours.

Mary Murphy était directrice de l'antenne de 60 Minutes II.

Les enquêteurs de Mary Mapes

Ancien Marine ayant combattu pendant la guerre du Vietnam, le lieutenant-colonel Roger Charles a été consultant militaire et enquêteur pour 60 Minutes et CBS News. Il a joué un rôle déterminant dans la révélation du scandale sur Abou Ghraïb.

Journaliste indépendant et enquêteur, Mike Smith a travaillé aux côtés de Mary Mapes et a suivi l'affaire Bush-Guard pendant des années.

Professeur de journalisme et enquêtrice indépendante, Lucy Scott a été productrice associée sur l'affaire Bush-Guard.

Les contacts de l'affaire Bush-Guard

Ben Barnes était président du Parlement du Texas à l'époque où George W. Bush a intégré la Garde Nationale du Texas en 1968. Barnes a été lieutenant-gouverneur du Texas de 1969 à 1973.

Bill Burkett était exploitant agricole au Texas et lieutenant-colonel de la Garde Nationale du Texas à la retraite. Il est la source des documents Killian.

Le lieutenant-colonel Jerry B. Killian, décédé au moment des événements de TRUTH : LE PRIX DE LA VÉRITÉ, était le commandant du 111ème Escadron de Combat d'interception à Houston.

Ancien commandant de la Garde Nationale du Texas, le général deux étoiles Mike Hodges était juste au-dessus de Killian dans la hiérarchie militaire.

Robert Strong était administrateur dans la Garde Nationale du Texas à Austin à l'époque où G.W. Bush effectuait son service militaire.

Le comité d'experts indépendants

Ancien ministre de la Justice dans l'administration de George H.W. Bush de 1988 à 1991, Richard Thornburgh co-présidait le comité.

Lou Boccardi co-présidait le comité aux côtés de Thornburgh. Il a été président et directeur général d'Associated Pres (AP) de 1985 à son départ à la retraite en 2003.

Richard Hibey a été l'avocat de Mary Mapes pendant ses auditions devant le comité.

NOTES DE PRODUCTION

TRUTH : LE PRIX DE LA VÉRITÉ est à la fois une enquête journalistique, une plongée dans les coulisses du pouvoir, un thriller palpitant et une étude de personnages. Mais c'est sans doute Dan Rather, ancien présentateur de CBS News, qui définit le mieux le film : "TRUTH : LE PRIX DE LA VÉRITÉ parle de l'évolution des reportages d'information, du contexte et des raisons de cette évolution et, surtout, de son importance décisive".

C'est sa fascination pour le journalisme qui a d'abord séduit le scénariste et réalisateur James Vanderbilt : "Le cinéma et le journalisme offrent deux manières différentes de raconter une histoire", souligne-t-il. "J'ai vu LES HOMMES DU PRÉSIDENT quand j'étais petit et j'ai coproduit ZODIAC, qui évoquait le journal San Francisco Chronicle – autant dire que j'ai toujours été intrigué par ce qui se passe dans les salles de rédaction. Lorsqu'une émission comme 60 Minutes révèle une affaire retentissante, comment cela se passe-t-il ? Comment est-ce qu'on fabrique le reportage ?"

En 2005, Vanderbilt, qui réalise ici son premier film, est tombé sur un extrait de "Truth and Duty: the Press, the President and the Privilege of Power" de Mary Mapes publié dans Vanity Fair. Dans cet ouvrage, la journaliste raconte avec force détails l'enquête qu'elle a menée pour le magazine 60 Minutes II sur le service militaire effectué par George W. Bush au sein de la Garde Nationale du Texas : ces révélations sur le président de l'époque ont déclenché des attaques en règle contre les enquêteurs qui ont anéanti la crédibilité du reportage et provoqué le licenciement de Mary Mapes et la démission forcée de Dan Rather.

"Comme tout le monde, je connaissais le scandale, mais en lisant l'article, je me suis rendu compte que je ne savais pas grand-chose des coulisses de l'affaire", note Vanderbilt. "Je me suis mis à imaginer comment transposer cette histoire au cinéma : on pourrait raconter ce qui s'est vraiment passé à l'insu du grand public en adoptant le point de vue de journalistes chevronnés qui ont connu leur véritable heure de gloire avant de subir une descente en enfer".

Vanderbilt et le producteur Brad Fischer, son associé au sein de Mythology Entertainment, ont acquis les droits d'adaptation du livre et ont entamé des discussions avec Mary Mapes dans l'optique d'une transposition cinématographique. Après avoir produit ZODIAC de David Fincher, qui s'inspirait également d'événements réels, les deux hommes étaient conscients des embûches du projet : il est toujours difficile de s'atteler à un film s'appuyant sur des faits historiques qui replonge ses protagonistes dans une période traumatisante de leur vie. "Au début, Mary était réticente", confie Vanderbilt. "Mais je lui ai demandé si elle accepterait de venir au Texas pour quelques jours. On a parlé de tas de choses différentes, sauf de ce qui s'était passé. On a discuté de nos films préférés, de son histoire, de mon passé – de tout sauf de l'affaire – si bien qu'en fin de compte, elle était suffisamment à l'aise pour passer à l'étape suivante".

"Je faisais confiance à Jamie pour ne pas trahir les faits", explique Mary Mapes. "J'ai apprécié son scénario, on a fignolé certains détails ensemble, mais j'étais vraiment certaine que ce projet ne verrait sans doute jamais le jour". Si l'ancienne productrice de CBS ne travaille plus pour la télévision, elle est désormais écrivain et consultante.

L'obsession du réalisme

Pour Vanderbilt et Fischer, la précision et l'exactitude de la reconstitution étaient fondamentales. "Je savais que le livre de Mary était un excellent point de départ puisqu'il nous livrait sa version des faits", indique le réalisateur, "mais il y avait forcément plusieurs points de vue contradictoires à prendre en compte dans une affaire aussi polémique. Je voulais vraiment me documenter à fond. J'ai discuté avec la plupart des protagonistes de l'affaire, dont plusieurs n'étaient pas favorables à Mary. Je me suis entretenu avec Dan et Mary, Mike Smith, Roger Charles, Josh Howard et d'autres encore. J'ai vraiment essayé de vérifier et recouper toutes les informations que l'on retrouve dans le film".

Quand on l'interroge sur l'exactitude du scénario et du film, il affirme : "Il n'est pas seulement fidèle aux faits, il est extraordinairement précis !"

Mary Mapes raconte : "Dan m'a dit qu'il trouvait que c'était ce qu'il avait lu de mieux sur le métier de journaliste. Ce qu'il voulait dire par là, c'est qu'il fallait que ce film se fasse. Il fallait réunir tous ces éléments disparates, puis construire une intrigue et tourner le film. À CBS, nous avions des journalistes vraiment compétents, intelligents et solides qui, chacun à son poste, contribuaient à réaliser des reportages d'information et qui étaient convaincus de l'importance de leur mission".

Retrouver l'effervescence d'une salle de rédaction sous pression, "c'est comme tourner un film dans un sous-marin", reprend Vanderbilt. "On a un bande de personnages hétéroclites réunis dans une boîte de sardines qui utilisent chacun leur propre jargon obscur, mais le film ne cherche pas à décrypter ce langage ésotérique pour le spectateur – on se laisse porter par l'énergie du groupe".

Un casting de rêve

Une fois le scénario finalisé, le réalisateur et son associé ont tenté de solliciter la comédienne dont ils rêvaient pour le rôle de Mary Mapes. "Cate Blanchett était notre tout premier choix", indique Fischer. "Mais on l'a contactée au pire moment qui soit : elle venait de décrocher l'Oscar de la meilleure actrice pour BLUE JASMINE et elle recevait des propositions de toutes parts, alors que Jamie s'embarquait sur son premier long métrage. Mais on se disait que si Cate était sensible au scénario – ce qui a été le cas au-delà de nos espérances –, elle apprécierait la vision de Jamie".

"En général, je lis les scénarios très lentement", souligne l'actrice. "Mais j'ai lu TRUTH : LE PRIX DE LA VÉRITÉ d'une seule traite. Dès qu'on démarre, c'est comme un train lancé à toute allure, et je pense que c'est ce que les véritables protagonistes de l'affaire ont vécu. J'ai été captivée".

Une fois Cate Blanchett engagée, le réalisateur et son producteur savaient exactement qui contacter pour camper Dan Rather, icône de la télévision. "La plus grande difficulté de ce casting était Dan Rather", reprend le réalisateur. "Quand on a grandi aux États-Unis et qu'on s'est habitué à sa voix, il fait partie de votre histoire personnelle. Lorsque Dan pénètre dans une pièce, il devient le centre de gravité. Du coup, il nous fallait quelqu'un qui possède le même charisme. Il nous fallait une légende pour camper une légende".

Robert Redford souligne : "Je me suis dit que je devais exprimer la nature profonde du personnage sans aller dans la caricature. C'est un type très ordonné et méthodique. Il y a une force obscure chez lui qui le pousse à fouiller son sujet sans relâche, et il se moque pas mal de savoir s'il bouscule les habitudes et s'il dérange certaines personnes. Mais en apparence, c'est un homme très posé, conservateur et poli". Redford et Dan Rather se connaissent depuis qu'ils ont travaillé ensemble sur un reportage sur l'environnement pour 60 Minutes dans les années 70. "Pour bien cerner le personnage, je me suis dit qu'il fallait s'attacher à la relation entre lui et Mary Mapes, campée par Cate Blanchett. Leurs liens de fidélité sont au cœur du film".

Les deux journalistes ont été sidérés d'apprendre qu'ils allaient être interprétés à l'écran par des comédiens tels que Cate Blanchett et Robert Redford ! Mary Mapes et Dan Rather étaient en téléconférence avec Vanderbilt et Fischer lorsqu'ils ont appris la nouvelle. "Je me suis senti tout petit", se souvient Rather. "J'étais hallucinée", poursuit Mary Mapes. "On en est restés sans voix car c'est le genre de choses qui n'arrive jamais".

"Plus tard, en arrivant sur le plateau, j'ai été bluffé de constater à quel point Cate ressemble à s'y méprendre à Mary", reprend Rather. "Il ne s'agissait pas seulement de sa coiffure et de son style vestimentaire, mais de ses mimiques, de sa démarche et de ses intonations de voix". De même, ajoute Mary Mapes, "c'était perturbant de voir combien Redford a su cerner tous ces petits détails chez Dan, qu'il s'agisse de sa posture, de sa manière de bouger la tête ou de son allure si caractéristique de dos, avec ses éternelles bretelles. Il a restitué son charisme et sa fragilité".

Cate Blanchett s'est documentée sur Internet et a visionné des interviews de Mary Mapes filmées à l'occasion de la promotion de son livre, avant de la rencontrer. "J'ai été épouvantée par les attaques personnelles dont elle a été l'objet", affirme la comédienne. "Tout le monde découvrait les blogs, et c'était révoltant de voir quelqu'un se faire éreinter de la sorte par ces soi-disant reportages sur le web. Dans les vidéos, elle semble endurcie et prête à répondre aux attaques. Ensuite, cela a été formidable de rencontrer cette femme vive, positive, profondément intelligente et d'une drôlerie extraordinaire. J'espère avoir trouvé le moyen de restituer la vivacité de Mary". Par ailleurs, grâce à Cate Blanchett, le film a bénéficié d'une équipe de production australienne qui a su respecter les contraintes serrées de temps et de budget. En effet, la société de la comédienne, Dirty Films, a obtenu le soutien de la Commission Cinéma et Télévision de Nouvelles-Galles du Sud.

Sans manichéisme

Les personnages de TRUTH : LE PRIX DE LA VÉRITÉ sont d'une grande richesse et sont interprétés par des comédiens magnifiques, de Topher Grace, Elisabeth Moss, et Dennis Quaid dans le rôle des enquêteurs collaborant avec Mary Mapes, à Stacy Keach dans le rôle d'un informateur décisif.

"Je n'ai jamais cherché à faire d'aucun de mes personnages un salaud", explique Vanderbilt. "On aurait pu s'attarder sur la part d'ombre des gestionnaires et des financiers pour montrer qu'ils se moquent totalement du journalisme, mais je ne pense pas que le monde fonctionne comme ça. Chacun cherche à faire de son mieux dans cette période de crise. Il nous fallait de grands acteurs pour livrer des prestations tout en nuances".

Redford évoque la difficulté de jouer un personnage réel : "J'ai dit à Dan, 'je m'apprête à camper ton personnage. C'est un peu délicat. Tu veux me parler de toi ? Peux-tu me donner ton point de vue sur l'affaire ?' Et il m'a répondu, 'Tout était une question de loyauté. Il s'agissait d'une loyauté tripartite – à l'égard de ma partenaire et productrice Mary Mapes, de mon employeur, CBS, et de moi-même. J'étais tout aussi loyal envers CBS et envers ma partenaire".

L'Église de CBS

Dan Rather évoque "l'éthique de la loyauté de CBS : la maison nous a soutenus quand on faisait nos reportages à l'époque d'Edward R. Murrow [journaliste ayant contribué à la chute de McCarthy, NdT], ou de la lutte pour les droits civiques, de la guerre du Vietnam ou du scandale d'Abou Ghraïb. Nous avons une vieille tradition de remettre en question le pouvoir. J'ai adoré les combats de CBS News pendant plus d'un demi-siècle, et encore aujourd'hui".

"C'était l'Église de CBS", observe Mary Mapes. "J'avais intégré la congrégation. J'avais vraiment foi dans l'organisation. J'avais foi dans le journalisme comme dans l'intégrité et l'importance de ce type de travail. Je pensais avoir eu la chance de décrocher le meilleur boulot du monde. C'était un immense honneur de travailler avec Dan. Avant qu'on ne devienne amis, et que je puisse me permettre de le chambrer sans pitié, je l'admirais depuis que j'étais devenue adulte et travailler avec lui était tout simplement – comme on dit au Texas – une opportunité bénie des dieux".

Fidèles à l'esprit de "l'Église de CBS", Vanderbilt et son compositeur Brian Tyler ont choisi une musique quasi religieuse pour la séquence de montage où l'on voit des Américains regarder le reportage de 60 Minutes II sur le service militaire de George W. Bush au sein de la Garde Nationale du Texas.

"Pour les journalistes", signale Vanderbilt, "c'est le grand moment qu'ils attendaient : après toutes ces enquêtes et ce travail de recherche intensive, ils n'ont plus qu'à appuyer sur un bouton et toute la nation est au courant de ce qui s'est passé. C'est l'heure de vérité. Je voulais que cette séquence de montage tranche avec le reste, car elle marque un avant et un après, entre l'élaboration des révélations et la destruction de leur crédibilité".

La contestation du pouvoir

Tout au long du parcours des protagonistes, de leur ascension à leur chute, le lien indestructible de respect et d'affection entre Mary Mapes et Rather est au fondement de la trajectoire émotionnelle du film. "Il s'agit presque d'une relation père-fille", ajoute le réalisateur.

"Il y a une grande part de vérité là-dedans", note Mary Mapes. "Je crois vraiment qu'avec Dan, nous avons le même regard sur l'injustice. J'ai grandi avec quelqu'un d'autoritaire qui était injuste et brutal, si bien que j'étais dans l'idée qu'on peut abuser de son autorité pour faire souffrir les plus faibles. De manière générale, je m'intéresse beaucoup plus aux histoires de ceux qui ne sont pas nés avec une petite cuiller en or dans la bouche et qui n'avaient pas tous les avantages au départ. Je souhaitais dénoncer les hypocrisies et les injustices de nos vies et de la société. Dan a les mêmes convictions que moi : quand on est journaliste, c'est notre boulot. On a pour mission d'obliger les puissants à obéir aux mêmes règles que nous tous. On a pris des coups et on nous a mis à l'écart parce qu'on a fait notre travail".

"Notre système politique est censé reposer sur un gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple", indique Dan Rather, "et il ne peut fonctionner que si la population sait ce qui se passe vraiment. La mission du journaliste consiste à découvrir et révéler au public ce que le pouvoir en place veut dissimuler et garder secret. Ce n'est possible que lorsque les journalistes peuvent travailler dans un système qui favorise l'indépendance de la presse et son intégrité".

Vanderbilt reprend : "On est passé d'une époque où il était possible d'affirmer sa désapprobation à une époque où on hurle au scandale si quelqu'un a un point de vue différent. Ce que la presse a connu il y a une dizaine d'années est fascinant : c'est le moment où on a découvert avec quelle rapidité et quelle réactivité Internet fonctionne. Et à quel point des forces peuvent s'unir pour diviser la nation. Je n'ai pas du tout fait ce film pour prouver que Mary Mapes et Dan Rather avaient raison ou tort. De même que LES HOMMES DU PRÉSIDENT n'est pas un film sur Richard Nixon, TRUTH: LE PRIX DE LA VÉRITÉ n'est pas un film sur George W. Bush".

Comme le souligne Dan Rather, "Je ne cherche ni l'approbation, ni la rédemption. Mon bilan parle pour moi : j'ai fait des choses bien et des choses moins bien, j'ai connu des hauts et des bas, et beaucoup de stades intermédiaires. Je suis passionné par mon métier, je l'ai toujours été et je le suis encore aujourd'hui. Mais si notre histoire peut permettre à ne serait-ce qu'un seul journaliste de s'ériger contre les ingérences et les intimidations, si elle peut permettre à ne serait-ce qu'un spectateur de comprendre l'importance d'une presse libre, si elle peut permettre à ne serait-ce qu'un électeur de voter pour ceux qui se portent garants de la démocratie et protègent la presse contre ceux qui veulent la soumettre – alors, on ne se sera pas battu en vain".

CITATIONS ET RÉFÉRENCES
Une république constitutionnelle reposant sur les principes de liberté et de démocratie ne peut pas fonctionner si la presse est bâillonnée car il est impératif que les citoyens aient accès à l'information. La liberté et la démocratie sont bafouées si la presse la plus indépendante – et offensive en cas de besoin – est bafouée. Et elle n'a pas seulement été bafouée pendant l'affaire Bush-Guard à ma connaissance. À l'heure actuelle, elle est bafouée tous les soirs, dans les salles de rédaction des grandes chaînes nationales et des télévisions locales de tout le pays.
- Dan Rather, août 2015
Pendant la guerre du Vietnam, il a fallu très longtemps avant que les journalistes ne prennent conscience qu'on leur mentait – que les causes de la guerre avaient été exagérées, qu'elles étaient infondées et injustifiées. Au cours des dix ans qui ont suivi les attaques du 11 septembre, la presse a sans doute souffert plus encore. Les journalistes avaient peur de poser des questions sensibles. Un trop grand nombre d'entre eux étaient terrifiés à l'idée d'être stigmatisés comme "gauchistes" par la machine de guerre de la droite. Un trop grand nombre d'entre eux craignaient qu'en critiquant la "guerre contre le terrorisme", on leur reproche de faire alliance avec les terroristes. Un trop grand nombre d'entre eux ont préféré ne pas affronter la situation en face plutôt que de prendre le risque de s'aliéner la Maison Blanche qui, de son côté, n'hésitait pas à se venger.
- Mary Mapes, août 2015
"Il est assez amusant de constater que les blogs avaient raison en formulant leurs critiques", a déclaré Missal à Washington et à l'école de droit de Lee. "On a retrouvé des machines à écrire avec lesquelles on pouvait obtenir des exposants et des polices à espacements proportionnels, mais comme les documents sont des copies, il est difficile de se prononcer s'agissant des polices de caractères", ajoute Missal. "Mais certaines machines à écrire étaient équipées des polices qu'on retrouve dans les documents".
- Michael J. Missal, membre du comité d'experts indépendants de CBS et coauteur du rapport du comité du 5 janvier 2005, cité dans une édition matinale de NPR, "Dan Rather Hopes to Tell His Bush Story in Court", 23 décembre 2008

Mon soutien à des démocrates comme le sénateur Kerry a fait couler beaucoup d'encre. Le sénateur Kerry est un type bien. Je le connais depuis de nombreuses années. Mais il se trouve que je vote pour Viacom. Viacom est toute ma vie, et je crois sincèrement que les groupes de médias ont plus à gagner avec un gouvernement républicain que démocrate.
- Sumner Redstone, président de Viacom, dans un entretien accordé au magazine Time, "10 questions à Sumner Redstone", 26 septembre 2004
Le rapport de Linda Allison recoupe une enquête du Washington Post de février qui n'a pas retrouvé de témoin solide confirmant que Bush a effectué son service militaire dans la Garde Nationale de l'Alabama, comme il l'affirme, malgré le manque de preuves concrètes. Quand on lui a demandé si elle a jamais vu Bush en uniforme, Linda Allison a répondu : "Mon Dieu, bien sûr que non ! Je ne savais pas du tout qu'il avait eu quelque lien que ce soit avec la Garde Nationale".
- Salon, "George W. Bush's Missing Year" de Mary Jacoby, 2 septembre 2004, citant Linda Allison, veuve de Jimmy Allison, confident de la famille Bush qui a engagé G.W. Bush lors de la campagne de Winton Blount pour les sénatoriales de l'Alabama

Quelques références-clés
  • "Vérité ou conséquences" de Joe Hagan, Texas Monthly, mai 2012, enquête exhaustive sur le service militaire de George W. Bush dans la Garde Nationale du Texas et la polémique sur l'émission 60 Minutes.
http://www.texasmonthly.com/politics/truth-or-consequences/
  • "Les failles du rapport sur Dan Rather" de James C. Goodale, The New York Review of Books, 7 avril 2005, dénonciation cinglante du Comité d'experts indépendants de CBS.
  • Point de vue d'Edward Wasserman et James Goodale
Edward Wasserman est le doyen de l'école de journalisme de la University of California, Berkeley

Extrait de "Dan Rather mérite sans doute un procès équitable" d'Edward Wasserman, rubrique "Opinions" du Miami Herald, 24 novembre 2008. À l'époque où cet article a été rédigé, Wasserman enseignait la déontologie journalistique à Washington et à Lee University.

Bien qu'il ait sévèrement condamné la véhémence des détracteurs de la chaîne, le comité n'a pas pour autant pu établir que l'émission litigieuse était sans fondement : il reste donc à prouver que Bush n'a pas bénéficié de favoritisme et qu'il n'a pas manqué à son devoir. Le comité n'a pas non plus pu démontrer que les documents sujets à caution étaient des faux. Bien au contraire, le comité a conclu qu'il était impossible de certifier que les documents étaient authentiques, et ce pour une raison simple : il s'agissait de photocopies. Les experts sont toujours réticents à l'idée de garantir l'authenticité de documents dont ils ne peuvent pas inspecter le papier ou l'encre.

En outre, selon le comité, les producteurs de l'émission n'ont pu livrer d'explications précises quant à la manière dont ces documents leur sont parvenus – leur traçabilité reste un mystère – et n'étaient donc pas fondés à les utiliser. Dans un passage mémorable du rapport, le comité s'en prend durement aux producteurs qui, selon lui, n'avaient pas connaissance "du contexte général, ni de l'identité, de la crédibilité, des motivations, et de l'impartialité des sources et de toute autre information utile les concernant".

Dans les conclusions du rapport, les opinions politiques des membres du comité ne transparaissent pas – pas plus que celles de la chaîne. En revanche, ces conclusions tiennent davantage compte de la différence de vision du monde des avocats (qui composaient le comité) et des journalistes. Un journaliste n'abandonne jamais un sujet même si ses sources présentent des failles, mais seulement s'il fait fausse route, ce que la Maison Blanche n'a jamais reconnu.
  • Point de vue d'Edward Wasserman en 2015
Je me suis vraiment opposé à la manière expéditive et à la hâte inacceptable avec lesquelles les gens de mon milieu – ceux qui statuent sur l'éthique des médias – ont relégué Dan Rather dans la catégorie des Jayson Blair [ancien journaliste du New York Times qui a démissionné après avoir été reconnu coupable de plagiat, NdT] de ce monde. Le "Rathergate", comme on l'a surnommé, a été exploité comme un nouvel exemple de comportement malhonnête de la presse. Je me suis dit que c'était une analyse de la situation à la fois dénuée de fondement, bâclée et foncièrement fausse. Je pense vraiment que l'équipe de 60 Minutes a commis des erreurs, mais rien qui puisse se comparer à des cas de plagiat ou de pure invention.

CBS a fini par désavouer un reportage qui était légitime et fondé. D'un point de vue déontologique, c'est sans doute la conséquence la plus monstrueuse. On a désavoué un reportage qui était fondé à tout point de vue.
  • James Goodale est avocat, spécialiste de la liberté d'expression et de la liberté de la presse. Ancien directeur du service juridique et vice-président du New York Times, il a défendu le journal dans les quatre affaires jugées devant la Cour Suprême des États-Unis.
Extrait du "Rapport biaisé sur Dan Rather" de James C. Goodale, The New York Review of Books, 7 avril 2005

Ce qu'on a perdu de vue dans le vacarme assourdissant autour de l'authenticité contestée des documents [Killian], c'est que les faits évoqués dans l'émission 60 Minutes de Dan Rather sont fondamentalement vrais. Bush n'a pas passé les tests physiques exigés de l'ensemble des pilotes ; ses supérieurs lui ont accordé le bénéfice du doute ; il a reçu un traitement de faveur et le lieutenant-colonel Jerry Killian, officier responsable de Bush, s'est fâché lorsque celui-ci lui a annoncé qu'il partait en Alabama puisque cela signifiait que tous les espoirs qu'avait fondés la Garde Nationale Aérienne dans le futur président étaient vains. Avant la diffusion de 60 Minutes, Mary Mapes, productrice de l'émission chez CBS, a vérifié et recoupé les informations contenues dans les fameux documents auprès du général deux étoiles en retraite Bobby Hodges, supérieur de Killian dans la Garde Nationale. Par la suite, Hodges a déclaré au comité qu'il ne pensait pas que les documents étaient authentiques mais n'a pas démenti que les informations qu'ils recèlent puissent être avérées.

Après la diffusion, Marian Carr Knox, secrétaire de Killian à l'époque des faits, a confirmé la véracité des informations, déclarant : "Je n'ai aucun doute quant à leur exactitude". Lorsque le comité a interrogé Marian Carr Knox, elle semblait moins certaine de ce qu'elle avait raconté à Rather, mais elle n'a pas démenti le contenu de l'émission. Depuis sa diffusion, personne n'a pris la parole pour affirmer que ces informations étaient inexactes.
  • Point de vue de James C. Goodale en 2015
La seule question que je n'ai pas abordée [dans l'article de la New York Review of Books] était celle de savoir si les Républicains étaient en embuscade pour faire tomber Dan en exerçant une pression sur CBS. Avec le recul, je pense que ceux qui voulaient sa peau n'avaient que ce seul objectif en tête et qu'ils se moquaient pas mal de savoir si les informations étaient justes ou pas. C'est très difficile à prouver, mais on sait bien que Rather était la bête noire des Républicains et que ces derniers lui vouaient une haine mortelle. Je suis prêt à parier que cela se sentait et ne pouvait qu'influencer la direction de CBS. CBS doit passer par Washington pour obtenir son autorisation d'émettre et d'autres formalités du même genre. C'est un phénomène palpable et je pense qu'au moins de manière implicite et induite, toute cette affaire ressemble à un complot pour faire tomber Dan. À mon sens, les a priori se ressentent dans la manière dont le rapport a été accueilli. Dès qu'il a été publié, tout le monde a déclaré au JT du soir que Dan était fini. Comme personne n'a eu la possibilité de lire le rapport, il est clair qu'il y avait d'énormes a priori contre Dan, et en raison de ces a priori, personne n'était prêt à porter un jugement équitable sur lui.

LES PROTAGONISTES

Mary Mapes

Mary Mapes a été productrice et journaliste de magazines d'information pour la télévision pendant 25 ans, dont les 15 dernières années pour CBS News : elle a principalement travaillé pour CBS Evening News, présenté par Dan Rather, et 60 Minutes II.

Elle fait ses débuts professionnels à Seattle : fraîchement diplômée de l'université, elle est engagée comme assistante auprès des équipes de tournages de KIRO-TV. Puis, elle s'oriente vers le montage, le rédactionnel et la production, remportant plusieurs prix pour son travail.

Elle est embauchée chez CBS News en 1989, où elle s'impose comme une productrice déterminée, installée à Dallas. Couvrant toutes sortes de rubriques, des catastrophes naturelles aux conflits internationaux, de la peine de mort à la politique, Mary Mapes se fait connaître pour ses révélations fracassantes d'informations de première importance et sa capacité à décrocher des interviews que d'autres ne parvenaient pas à obtenir.

Elle est la première à interviewer Karla Faye Tucker dans le couloir de la mort, au Texas. Il s'agit d'une détenue dont la condamnation à la peine capitale a profondément divisé l'Amérique. Mary Mapes s'intéresse depuis longtemps à la criminalité et à la répression : on lui doit de nombreuses enquêtes et analyses en profondeur du système judiciaire américain.

En 1999, elle est brièvement incarcérée pour avoir refusée de remettre ses notes et ses sources à un procureur du Texas.

En 2004, sa dernière année chez CBS, elle révèle non seulement le passé militaire de George W. Bush dans la Garde Nationale, mais l'existence d'Essie-Mae Washington-Williams, fille métisse non reconnue de Strom Thurmond, et des tortures pratiquées à la prison d'Abou-Ghraïb qui lui vaut le Peabody Award en 2005. Elle a par ailleurs remporté des Emmy, des Gracies et des Freedom of Speech Awards.

Elle vit à Dallas, avec son mari et son fils.

Dan Rather

Fort de 60 ans d'une carrière foisonnante, Dan Rather est l'un des journalistes les plus célèbres au monde des cinquante dernières années. Il est l'un des premiers à imposer l'idée que les informations ont toute leur place à la télévision. Animé par un esprit constamment inventif, il ne cesse par la suite de repousser les limites du reportage télévisé. Chemin faisant, son sens de la déontologie, son intuition en matière d'enquête et sa faculté à rester serein dans les moments de triomphe comme de tragédie lui gagnent la confiance de millions de téléspectateurs qui apprécient ses décryptages d'un monde de plus en plus complexe.

Son parcours ressemble à un manuel d'histoire. Il a interviewé tous les présidents depuis Eisenhower et a personnellement couvert la plupart des grands événements des 60 dernières années. De son premier poste dans une chaîne d'info locale, où il couvrait l'ouragan Carla, aux guerres récentes en Irak et en Afghanistan, Rather était sur place pour informer les États-Unis et le reste du monde. Présent à Dallas le 22 novembre 1963, il annonce la mort du président John F. Kennedy, puis, en tant que correspondant à la Maison Blanche, révèle les rebondissements majeurs dans ce vaste complot criminel qu'a été le Watergate. Il était devant la cellule de Martin Luther King à Birmingham, et il est resté à l'antenne pendant d'innombrables heures le 11 septembre et dans les jours qui ont suivi. Il était à proximité du mur de Berlin lorsque celui-ci est tombé, il a passé un an dans les zones de combat, en pleine jungle, pendant la guerre du Vietnam, et il a été contraint de quitter l'antenne place Tiananmen lors de la répression du gouvernement chinois. Pourtant, Rather est d'un éclectisme tel qu'il ne se contente pas de couvrir les événements majeurs qui bouleversent le monde – il se révèle également un conteur doué et nuancé dont les récits sont empreints de compassion, voire d'humour.

Il entame sa carrière dans la presse écrite, puis s'oriente vers la radio et les journaux télévisés de stations locales, avant d'être engagé par CBS News en 1962. Il gravit rapidement les échelons et, en 1981, il est promu présentateur et rédacteur en chef de CBS Evening News – poste qu'il occupe pendant 24 ans. Ses reportages sont diffusés par les différentes unités de la chaîne : grâce à eux, 60 Minutes devient une institution, 48 Hours s'impose comme un magazine d'informations novateur, et nourrissent d'innombrables éditions spéciales et documentaires. Après avoir quitté CBS, il revient aux enquêtes journalistiques de fond qu'il a toujours aimées en créant sur la chaîne du câble HDNet le magazine et documentaire d'information, Dan Rather Reports, lauréat de l'Emmy. Il est aujourd'hui PDG de News and Guts, société de production indépendante qu'il a lui-même fondée, qui se spécialise dans les magazines d'information de grande qualité distribués sur les chaînes de télévision traditionnelles et les nouveaux médias.

Si Rather a remporté l'ensemble des prix les plus prestigieux décernés aux journalistes, et été correspondant dans la plupart des pays du globe, il se considère avant tout comme Texan. Fier d'être originaire de Wharton et Houston, il est diplômé de ce qui est devenu Sam Houston State University. Ses expressions texanes sont emblématiques de son style à la fois séduisant et accessible.

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