lundi 16 septembre 2013

Back to the future







Documentaire/Simple, beau et touchant

Réalisé par Pascal Plisson

Long-métrage Français
Durée : 01h17mn
Année de production : 2012
Distributeur : The Walt Disney Company France

Date de sortie sur nos écrans : 25 septembre 2013


Résumé : Ces enfants vivent aux quatre coins du globe mais partagent la même soif d’apprendre. Ils ont compris que seule l’instruction leur permettra d’améliorer leur vie, et c’est pour cela que chaque jour, dans des paysages incroyables, ils se lancent dans un périple à haut risque qui les conduira vers le savoir.
Jackson, 11 ans, vit au Kenya et parcourt matin et soir quinze kilomètres avec sa petite sœur au milieu de la savane et des animaux sauvages…
Zahira, 12 ans, habite dans les montagnes escarpées de l’Atlas marocain, et c’est une journée de marche exténuante qui l’attend pour rejoindre son internat avec ses deux amies...
Samuel, 13 ans, vit en Inde et chaque jour, les quatre kilomètres qu’il doit accomplir sont une épreuve parce qu’il n’a pas l’usage de ses jambes. Ses deux jeunes frères poussent pendant plus d’une heure son fauteuil roulant bricolé jusqu’à l’école...
C’est sur un cheval que Carlos, 11 ans, traverse les plaines de Patagonie sur plus de dix-huit kilomètres. Emmenant sa petite sœur avec lui, il accomplit cet exploit deux fois par jour, quel que soit le temps…

Bande annonce


Kpsule


Ce que j'en ai pensé : J'ai pu voir SUR LE CHEMIN DE L'ECOLE en avant-première grâce à @3Moopydelfy et @DisneyFR (merci à eux). C'est un documentaire simple qui offre une vision intéressante et réellement touchante de 4 enfants qui doivent emprunter des chemins longs et dangereux pour se rendre à l'école. Evidemment, regarder ces enfants affronter des difficultés lourdes et effrayantes, à leurs âges, par volonté d'accéder à l'éducation, est une leçon d'humilité. C'est également impressionnant. Le réalisateur, Pascal Plisson, part de la cellule familiale et nous emmène jusqu'à leurs écoles respectives. Il suit les enfants au plus près, n'intervenant pas face aux différents événements qui jalonnent le chemin. Il nous montre une partie de ce qu'ils vivent au quotidien. Les paysages sont magnifiques et permettent de se faire une idée des milliers de dangers qui les guettent.
Même si le thème final est commun, chaque enfant illustre une particularité. Certains des enfants viennent de familles très pauvres. Leurs parents les aiment et les soutiennent malgré tout dans leur démarche. C'est surtout leur volonté et leur enthousiasme à l'idée d'aller à l'école, d'apprendre, d'évoluer qui force l'admiration. Leur point commun est d'être persuadé que grâce à l'école ils s'en sortiront et/ou feront ce qu'ils veulent dans la vie.
SUR LE CHEMIN DE L'ECOLE est un très joli documentaire. Il est impossible de ne pas s'attacher à ces enfants et à leurs frères/sœurs/ami(e)s. Ils sont courageux, malins, drôles, déterminés, intelligents, débrouillards, solidaires et ce sont eux qui nous offre une sacré belle leçon de vie.
Je vous conseille d'aller le découvrir au cinéma, puis de lire les notes de production ci-dessous qui sont un excellent complément pour comprendre la démarche du réalisateur.

Jackson, 11 ans, Kenya
Zahira, 12 ans, Maroc
Samuel, 13 ans, Inde 
Carlito, 11 ans, Argentine


Notes de production

(A ne lire qu'après avoir vu le documentaire pour éviter les spoilers!)

- Portrait des enfants -
JACKSON, 11 ans, Kenya
Jackson est un jeune Kenyan âgé de onze ans de la tribu des Sumburu. Tous les jours, Jackson risque sa vie pour rejoindre son école, située à plus de quinze kilomètres de chez lui. Sa soeur Salomé, âgée de six ans, l’accompagne sur le chemin de l’école. À la saison sèche, il n’est pas rare que Jackson et Salomé partent le ventre vide de la maison. Ce territoire immense est dangereux. Des bandes armées pillent les villages, et les éléphants, très agressifs, n’hésitent pas à poursuivre et à tuer ceux qu’ils croisent sur leur chemin. À onze ans, Jackson gère déjà les revenus de la famille, ainsi que les relations souvent difficiles avec le voisinage. Sur le chemin de l’école, Jackson impose un rythme très soutenu. Lorsque Salomé est fatiguée ou quand elle a peur, il lui prend la main, la rassure, lui raconte des histoires ou lui chante des chansons - uniquement en terrain découvert. Jackson et Salomé sont très proches. Cela fait des années que Jackson veille sur elle et la protège. Il veut qu’elle étudie comme lui pour qu’elle puisse se défendre et choisir elle-même son avenir. Il est toujours là lorsqu’elle a un problème, même à l’école. Malgré sa situation familiale très difficile, la motivation de Jackson pour aller à l’école est immense et inébranlable. Non seulement ce jeune garçon de onze ans risque sa vie tous les jours, mais il est aussi brillant. Lors des premières évaluations, il a obtenu d’excellents résultats et s’est vu attribuer une petite bourse pour l’aider à étudier. Chaque année, il doit payer son uniforme et ses stylos. Son uniforme est son bien le plus précieux ; il en prend soin personnellement. Même s’il n’a jamais vu d’avion, Jackson rêve de devenir pilote et de découvrir le monde.

CARLITO, 11 ans, Argentine
Depuis l’âge de six ans, chaque matin de la semaine, Carlito parcourt plus de dix-huit kilomètres à cheval à travers les montagnes et les grandes plaines de la Patagonie pour se rendre à l’école. Fils de berger, Carlito vit en pleine nature, isolé au pied de la Cordillère des Andes. Avec son père Gilberto, sa mère Nelida et sa petite soeur Micaela, il habite une petite maison d’à peine vingt mètres carrés. Les parents dorment à même le sol pour laisser la minuscule chambre aux enfants. Même si leur vie est très simple, elle est heureuse. Carlito aime l’école, il adore s’instruire et apprendre. Cette année, Carlito ne part plus seul à l’école. Sa petite soeur Micaela, âgée de six ans seulement, l’accompagne tous les matins. Pour ce périple, ils traversent des paysages magnifiques et escarpés à travers lesquels le cheval, appelé Chiverito, est bien plus qu’une simple monture. Sur des sols parfois instables et sous une météo qui peut être très dure, la complicité entre l’enfant et l’animal doit être totale. Des paysages magnifiques à l’ambiance mystique de la grande plaine, Carlito et sa soeur accomplissent une véritable odyssée chaque jour pour aller vers le savoir. Carlito souhaite rester dans sa région près des siens et devenir vétérinaire.

ZAHIRA, 12 ans, Maroc


Zahira est une jeune Berbère de douze ans qui habite un village perdu de la vallée d’Imlil, au coeur des plus hauts sommets de l’Atlas marocain. L’hiver, les températures peuvent descendre jusqu’à -20°C, avec plusieurs mois de neige. Dans ces villages reculés, les populations sont loin de placer la scolarisation de leurs enfants en tête des priorités. Encore aujourd’hui, dans les villages alentour, beaucoup de pères ne souhaitent pas que leurs filles quittent le village pour aller à l’école. Comme tous les lundis, Zahira se lève à l’aube et quitte son village pour se rendre au foyer d’Asni, situé à plus de vingt-deux kilomètres, où elle est scolarisée en classe de sixième. Zahira doit franchir des cols et des vallées, souvent dans des conditions extrêmes. Après une marche solitaire, Zahira retrouve ses copines, Zineb et Noura, qui habitent dans une autre vallée. En cheminant, elles récitent leurs leçons, parlent de leur vie au foyer et à l’école. Zahira marche toujours en tête, menant le trio. Elles s’amusent et plaisantent, mais s’inquiètent toujours de savoir si elles trouveront un transport une fois sur la route, car rares sont ceux qui acceptent de prendre des filles. Très assidue, Zahira a toujours été parmi les premières de sa classe. Ses excellents résultats lui ont d’ailleurs valu une bourse. Sa famille est très fière d’elle. Elle est la première génération à se rendre à l’école.
Plus tard, Zahira souhaite devenir médecin pour aider et soigner les pauvres.


Samuel, 13 ans, Inde


Samuel est l’aîné d’une famille de trois enfants. Né prématuré, il est handicapé et ne peut pas marcher. Dans le village où il est né, aucune école n’acceptait Samuel. Esther, sa maman, a décidé de déménager pour que son fils puisse suivre une scolarité normale. Toute la famille habite maintenant à Kuruthamaankadu, un village de pêcheurs situé dans le sud de l’Inde, au bord de la mer du Bengale. Dans la hutte, faite de feuilles de palme, il n’y a ni eau ni électricité. À Periyapattinam, toute l’école est mobilisée pour que le jeune garçon puisse suivre les cours. Samuel est le seul de la famille à savoir lire. Cela lui demande de la concentration, mais aussi un effort physique. Esther aime que son fils lui raconte des histoires. En Inde, l’école n’est obligatoire que depuis 2010, mais aujourd’hui encore, la plupart des familles n’ont pas les moyens d’y envoyer tous leurs enfants. Samuel ne peut rien faire seul. Sa relation avec ses deux jeunes frères est touchante. Pour aller à l’école, chaque jour, pendant plus d’une heure, les deux frères le tirent et le poussent dans un fauteuil bricolé avec des objets récupérés, sur plus de quatre kilomètres de chemins sablonneux, à travers des rivières et des palmeraies. Samuel souhaite devenir médecin pour aider les enfants qui, comme lui, souffrent de handicaps.



- Rencontre -
avec Pascal Plisson, réalisateur et Barthélémy Fougea, producteur

Pascal Plisson : « SUR LE CHEMIN DE L’ÉCOLE est né d’une rencontre improbable, qui m’a bouleversée. J’étais en repérage pour un film animalier, près du lac Magadi, au nord du Kenya. Avec le chauffeur qui m’accompagnait, nous avions arrêté la voiture pour observer. Il faisait 35 degrés, c’était un jour blanc, la lumière était aveuglante. Au loin, j’ai vu se profiler des formes bizarres dont les contours ondulaient dans les volutes de chaleur. Impossible de savoir s’il s’agissait de zèbres, d’autres animaux ou d’humains. Ces formes sont directement venues vers nous et j’ai vite identifié trois jeunes guerriers Massaï. Je connais bien ce peuple et j’ai tout de suite remarqué l’étrange sacoche en toile de jute qu’ils portaient sur le dos. C’était très inhabituel. Ils m’ont expliqué que c’était un cartable et qu’ils étaient partis de chez eux avant l’aube, courant depuis deux heures, pour rejoindre une école située derrière la colline, au-delà du lac. Très fier, le plus jeune m’a montré son ardoise et son stylo. Pour ne pas être en retard, ils sont vite repartis… et je suis resté sous le choc.
« Je voyage depuis toujours. J’ai croisé beaucoup de gamins dans leur genre, partout sur le globe, sur le bord des routes, dans la savane, dans les forêts, mais jusque-là, je n’avais jamais pris conscience des exploits que ces enfants accomplissent pour accéder au savoir. Cela m’a bouleversé. Peut-être parce que j’ai moi-même quitté l’école très tôt pour courir le monde. Peut-être parce que depuis, je me suis rendu compte que continuer mes études m’aurait été utile. Moi qui pouvais aller à l’école si facilement, j’ai choisi de m’en éloigner. Lorsque, aujourd’hui, je vois mes filles qui râlent un peu le matin pour y aller alors que ceux que j’ai croisés au milieu de nulle part risquent souvent leur vie pour s’y rendre, ça m’interpelle. Le savoir est fondamental. L’école est une chance. Découvrir ces enfants prêts à tout pour accéder au savoir m’a profondément ému. Ces jeunes Massaï ont renoncé à être des guerriers pour aller vers l’éducation. J’ai voulu faire ce film sur ces enfants. »

Barthélémy Fougea : « Lorsque Pascal est venu me voir avec ce projet, le sujet m’a tout de suite parlé. J’ai toujours eu l’ambition de faire des documentaires pour la jeunesse, ce qui n’existe quasiment pas. J’avais déjà produit une série sur de tout jeunes musiciens - « Passions d’enfants » - et cela m’avait enthousiasmé.
« Pour moi, le documentaire a une mission de transmission, d’apprentissage, mais on ne parle pas à un adulte comme on parle à un enfant. Quand on s’adresse à un enfant, il faut qu’il s’identifie à ce qu’il voit et qu’il retrouve les codes qui lui sont propres. C’était le cas ici, et le propos pouvait aussi toucher des adultes. Je recherche aussi une universalité des thèmes, car produire du documentaire se fait aujourd’hui de manière internationale. SUR LE CHEMIN DE L’ÉCOLE aborde un thème qui concerne tout le monde, au-delà des clivages géographiques, culturels, religieux ou politiques. Le projet renferme une puissance immédiate qui rencontre un écho intime en chacun.
« Nous avons rencontré Jean-François Camilleri, le président-directeur général de Walt Disney Company France, qui s’est tout de suite engagé à nos côtés. Il a été notre premier soutien, et son appui nous a permis de lancer le processus de production.
« De la préparation à la postproduction du film, j’ai travaillé très étroitement avec Pascal. J’aime produire en étant concerné. Je ne suis pas uniquement un producteur qui s’occupe de montages financiers. Je m’intéresse à l’éditorial. C’est un aspect qui me fascine, et ce sujet-là me touchait particulièrement. »

CEUX QUI FONT LE CHEMIN …

Pascal Plisson : « Nous avons cherché des enfants qui non seulement se battent pour aller à l’école, mais qui en plus ont la lucidité de leur situation et se rendent compte que leur démarche est essentielle pour leur avenir. Il existe beaucoup d’enfants qui ne sont pas scolarisés pour le savoir qu’ils peuvent acquérir - parfois, l’école représente surtout leur seule chance d’avoir un repas par jour. »

Barthélémy Fougea : « Pour découvrir les enfants, nous avons fait un véritable travail d’enquête. On est vraiment dans du documentaire. Nous nous sommes appuyés sur l’Unesco, légitime sur ce propos, sur Aide et Action, une grande association qui travaille sur l’accès  à l’éducation de qualité pour tous à travers le monde, et sur les contacts que Pascal et moi, qui faisons du documentaire depuis trente ans, pouvons avoir partout dans le monde. On a sollicité toutes nos connaissances. C’est là que nous avons découvert le premier effet fantastique de cette aventure : dès que l’on expliquait le projet, tout le monde accrochait et souhaitait nous aider. « Pour trouver un enfant qui met longtemps à aller à l’école, il faut d’abord trouver l’école. L’Unesco et Aide et Action ont fait des recherches sur leurs propres programmes. On a trouvé des écoles atypiques structurellement ou géographiquement, à qui nous avons demandé quels étaient les élèves qui effectuaient le pire chemin pour s’y rendre… On a recueilli une soixantaine d’histoires venues du monde entier. Toutes étaient magnifiques et représentaient à chaque fois des combats plus beaux les uns que les autres. Faire un choix a été très difficile. Il fallait que les sujets apportent quelque chose au projet, à son esprit.
« Nous avons par exemple trouvé un très joli sujet en Chine. Je finissais un film sélectionné à un festival chinois et j’en ai profité pour partir en repérage. J’ai trouvé l’enfant. Parallèlement, Aide et Action nous a parlé d’une petite fille au Maroc dans un environnement assez similaire. En Chine, les choses ont changé dès que l’on a dit que le sujet nous intéressait, car pour les Chinois, il n’existe officiellement aucun problème d’accès à l’éducation et le fait même de faire ce film impliquait qu’il pouvait y en avoir. C’était inacceptable pour eux. En quinze jours, ils ont sécurisé le parcours des enfants, ce dont on ne peut que se réjouir ! Le chemin parcouru ne s’inscrivait alors plus dans le sujet du film.
« L’ensemble du film a été très complexe à équilibrer. Il fallait éviter l’effet catalogue ; chaque histoire devait avoir son propre sens dans le thème général. À chaque fois, même si on avait repéré, on ne savait pas ce que Pascal pourrait rapporter. Au départ, on était partis sur cinq histoires. On a commencé par tourner au Kenya parce que Pascal connaît très bien le pays. Il y a beaucoup tourné, il y avait de nombreux relais et appuis sur place. C’est vraiment son deuxième pays de coeur. »

RISQUER SA VIE POUR APPRENDRE

Pascal Plisson : « J’ai travaillé dix ans au Kenya, à faire des films sur les animaux, sur les Massaïs, les populations… Je connais bien le Nord, où je savais que les écoles étaient très loin des lieux d’habitation. Je suis allé en visiter une dizaine, séparées de plusieurs journées de route. Une de mes propres filles m’a accompagné. À chaque fois, je demandais à réunir tous les enfants. Ensuite, je les interrogeais pour savoir qui accomplissait plus de dix kilomètres pour venir. Je me suis ainsi retrouvé avec une quinzaine d’enfants, qui habitaient à 10, 15 et même 20 kilomètres.
Jackson est tout de suite sorti du lot. À l’époque, il avait onze ans et sa maturité, sa détermination m’ont tout de suite frappé. Il m’a déclaré qu’il avait toujours imaginé qu’un jour, quelqu’un comme moi viendrait le chercher pour l’aider à s’en sortir. Il était persuadé qu’avec l’effort qu’il faisait pour aller à l’école, quelqu’un viendrait l’aider. Sa lucidité et son espoir m’ont bluffé. Jackson n’avait jamais vu un film ni même une télévision. Il ne savait pas comment on fait une image. « Je suis allé chez lui pour mieux le connaître et rencontrer ses parents. Jackson vit dans une petite hutte en paille avec six autres personnes, à même la terre. Ils ne mangent souvent que le soir. Il s’est rendu compte très jeune que l’école était le seul moyen de s’en sortir. Il veut absolument s’éduquer, apprendre pour avoir un métier, aider sa famille, et ne pas avoir la vie de ses parents. Cet enfant m’a ému. Il m’a touché par sa réflexion. Lorsque je l’ai vu laver ses vêtements dans les trous d’eau qu’il creuse dans le sable comme on le voit au début du film, j’étais impressionné. Jackson m’a alors dit une chose qui reflète bien son esprit : « Ce n’est pas parce que je suis le plus pauvre que je dois arriver sale à l’école ». « J’ai suivi le trajet de fou qu’il accomplit pour aller à l’école, 15 km matin et soir, à travers les montagnes, parmi les éléphants. Chaque année, quatre ou cinq enfants se font tuer par des éléphants sur le chemin de l’école. Tous les matins, le professeur compte les élèves pour repérer les absents. Certains ne reviennent jamais.
Jackson a failli se faire tuer plusieurs fois. « L’amour qu’il témoigne à sa petite soeur et sa responsabilité envers elle m’ont aussi beaucoup touché. Elle ne peut pas aller à l’école sans lui. Elle pourrait se faire kidnapper et violer sur le chemin. Régulièrement, les deux enfants croisent des bandes armées qui enlèvent les plus jeunes pour les emmener au Soudan. Pour la petite, le seul moyen d’aller à l’école, c’est de rester collée à lui. Et comme il veut arriver à l’heure le matin, elle n’a pas le choix et doit aller vite. « Pour être au plus près de Jackson et le filmer sur son trajet, nous avons monté un camp au milieu de nulle part parce que la première ville était à plus d’une heure de voiture. On a campé en brousse avec sept rangers pour nous protéger des animaux et des brigands. Ce sont des endroits réellement dangereux. »

CHERCHER UN ESPRIT, TRO UVER UN SENS

Barthélémy Fougea : « Au moment où Pascal terminait de tourner au Kenya, la Chine était en train de se compliquer et nous venions de découvrir la petite Zahira au Maroc. Il y avait aussi l’Australie qui se préparait, et c’est un cas qui donne une idée de notre approche et des choix que nous avons dû faire. L’Australie nous intéressait particulièrement parce que les enfants qui habitent dans l’outback sont à 700 km de leur école. Ils ne vont pas à l’école, c’est l’école qui vient à eux. Au début, l’enseignement se faisait par radio. Aujourd’hui c’est par Internet, avec livraison des devoirs par avion. Lorsque l’enfant atteint ses 12 ans, il part en ville, à l’école, pour la première fois, autant pour se socialiser que pour apprendre, car jusque-là, perdus dans des espaces immenses, ces enfants ne vivent qu’avec leur famille, quasiment sans aucune relation. Ils ne connaissent rien de la société, au point de ne pas savoir traverser une rue. Ils ne possèdent aucun des codes de la vie en communauté. Cette situation nous intéressait. Pour chaque enfant présenté dans le film, nous voulions qu’il y ait un thème sous-jacent à l’histoire, même si nous ne souhaitions pas le mettre en exergue : l’accès à l’éducation des filles, une infirmité, la socialisation…
« Pascal est donc parti tourner en Australie, mais nous avons ressenti une déception à plusieurs niveaux. Nous avons découvert que les enfants sont finalement très encadrés, très soutenus et que du coup, l’envie d’aller à l’école ne vient pas complètement d’eux. Ils y sont poussés mais n’ont pas forcément une grande motivation. C’est une obligation, qui prend des apparences spectaculaires de par la géographie du pays mais qui finalement, ressemble assez à ce que nous vivons chez nous. Ils n’ont pas cette extrême motivation qui est celle de Samuel, Zahira, Jackson ou Carlito pour accéder à l’éducation. Nous perdions le cœur de notre sujet et nous avons décidé de ne pas associer cette histoire à celle des autres. »

TOUS LES PARCOURS POUR UNE SEULE ENVIE

Pascal Plisson : « Zahira a été repérée par l’association Aide et Action dans un village berbère de l’Atlas marocain, Tinerhourhine, qui est inscrit dans un projet mené par l’association dans la vallée d’Imlil. Elle veut devenir docteur. Je suis allé la rencontrer en pleine montagne, et j’ai découvert une petite fille brillantissime, très lucide, avec une famille, un père berbère qui a bien compris que l’école était très importante pour sa fille. Zahira bénéficie d’une vraie solidarité familiale. Et l’on se rend compte que l’enfant ne peut rien faire si la famille n’est pas présente. L’accès au savoir est une aventure familiale. Si son père avait voulu la garder pour les tâches ménagères, s’il avait planifié une union, ce serait terminé. La solidarité familiale est très forte au Maroc. Et c’est ainsi que Zahira se lance sur cet incroyable chemin avec ses deux amies. Elles passent deux cols, et en hiver c’est très dur. Ensuite, il faut qu’elles trouvent une voiture, et rares sont les personnes qui acceptent de les prendre en stop. Elles partent le lundi pour l’internat, et reviennent le vendredi soir. Zahira a une belle personnalité. Elle est très ouverte vers le monde, vers les autres. Elle veut convaincre les pères qui retiennent leurs enfants dans la montagne de les envoyer à l’école. »

Barthélémy Fougea : « Chacun des enfants fut une découverte, sauf Samuel, en Inde. Son histoire nous est parvenue grâce à un coproducteur indien basé à Pondichéry avec lequel j’ai travaillé il y a quinze ans. Il nous a envoyé un article sur Samuel paru dans un journal local. »

Pascal Plisson : « On a hésité en lisant l’article parce qu’on ne voulait pas avoir l’air de jouer sur le misérabilisme d’un handicapé. On a redouté les clichés que certains risquaient de nous mettre sur le dos. Mais l’histoire de Samuel était plus forte que les a priori, notamment parce qu’il y avait aussi ses deux frères et une fantastique entraide entre eux. C’est grâce à ses deux jeunes frères qu’il peut aller à l’école. Je suis donc parti en repérage dix jours. J’ai trouvé Samuel dans son fauteuil, très fatigué, mais dès que les trois frères ont été ensemble, j’ai vu son visage s’illuminer. Quand j’ai vu ce fauteuil, sa maman, l’endroit où il vivait et le chemin qu’il accomplissait tous les jours pour aller à l’école, la relation qu’il avait avec ses copains, tout l’environnement qui les aidait pour sortir de tout ça, j’ai trouvé qu’il y avait une histoire humaine exceptionnelle. Ils m’ont fait pleurer. Ces trois gamins ont une puissance incroyable : ils ont de l’humour alors qu’ils en bavent tous les jours. Leur solidarité crève l’écran. C’est un hymne à la vie. »

Barthélémy Fougea : « J’ai seulement participé au dernier tournage en Argentine parce que c’était la dernière histoire et que je connais très bien le pays. Cela me semblait important pour clore le film. J’avais identifié 9 enfants en Patagonie du Nord, et on est partis en repérage avec Pascal. On a rencontré Carlito, et son histoire était superbe. On est allés voir son école, on leur a expliqué le projet qu’ils ont tout de suite aimé. Comme à chaque fois, nous gardions un principe fondamental à l’esprit : l’enfant n’est pas un acteur. On filme sa vraie vie, on ne peut donc pas le payer. Il faut par contre l’aider à étudier encore mieux. S’il va à l’école, il faut qu’on aide son établissement. L’école était tout à fait partante. On en a aussi parlé aux parents de Carlito, qui trouvaient cela formidable et approuvaient le projet. Quand on en a parlé à l’enfant, il a dit non… parce qu’il ne voulait pas rater l’école ! Dans la logique qui lui donnait son intérêt à nos yeux, il avait parfaitement raison. On ne voulait surtout pas insister. Sinon nous serions allés complètement à contresens de ce que nous voulions…
« Pascal a eu l’idée de transformer ce tournage en projet éducatif qui pourrait, à travers Carlito, apprendre à tous ses camarades ce qu’est un film et comment on le fabrique. Sous cet angle, le petit a accepté et s’est vraiment engagé. On leur a présenté le matériel, on les a associés à toutes les étapes techniques, et Carlito a pu apprendre, pour lui et pour sa classe.»

Pascal Plisson : « En Amérique latine, certains enfants vont encore à l’école à cheval. On a trouvé Carlito au milieu de la Cordillère des Andes. Sa famille et lui vivent dans une maison modeste mais ne sont pas pauvres. Ils sont un peu perdus dans la nature, et vivent modestement mais bien. L’Argentine est un pays qui a toujours éduqué ses enfants. Les écoles sont partout. Ce qui est intéressant, c’est la relation entre Carlito et sa petite sœur. Elle fait le trajet avec lui, à cheval, en croupe. Carlito est intéressant parce qu’il veut vivre chez lui, sur la terre de ses parents. Il veut être vétérinaire et n’a pas envie d’aller voir le monde. Il est aussi entouré par une famille très positive. »

CAPTER LES VIES

Pascal Plisson : « Ces enfants ne sont pas des acteurs et je ne voulais pas qu’ils essayent de jouer la comédie. Je souhaitais qu’ils vivent leur vie comme d’habitude. Pour parvenir à ce qu’ils soient naturels malgré notre présence, il fallait qu’ils aient confiance. Pour établir ce lien, j’ai passé énormément de temps avec eux. Je suis allé les voir, je leur ai parlé. Seul, sans caméra. J’ai passé beaucoup de temps à discuter avec eux, de leurs envies, de leurs rêves… Et puis ce sont des enfants qui s’intéressent à vous, donc il faut raconter aussi votre propre histoire. Ce n’est pas à sens unique. J’ai un rapport très direct avec les enfants. J’ai tout de suite créé des liens très forts avec eux, très émotionnels, comme à travers tous les films que j’ai faits. J’ai aussi fait le chemin de l’école plusieurs fois avec chacun, pour saisir concrètement comment ça se passait, ce qui leur arrivait… J’étais souvent seul, sauf en Argentine où Barthélémy était présent. Je me suis toujours adapté à leur situation. Je voulais qu’ils aient du plaisir à faire ce film. Je souhaitais qu’ils comprennent ma démarche, et que ce soit une expérience qu’ils aient envie de partager avec moi. On a dialogué, plaisanté, fait les idiots ! J’ai vécu avec eux. Les enfants m’ont donné ce qu’ils avaient envie de me donner. Je ne leur ai rien demandé. Ils m’ont donné en fonction de la relation que j’avais avec eux. Le film tient à cela. »

Barthélémy Fougea : « Pour chaque histoire retenue, Pascal allait d’abord en repérage dix jours, puis il repartait ensuite avec un chef opérateur, Simon Watel et un ingénieur du son, Emmanuel Guionet. Ils tournaient avec une caméra 2 K. Localement, ils étaient appuyés pour la régie, la logistique, soit environ six ou sept personnes, sauf en Inde où ils étaient douze. Pour chaque enfant, on était parti du principe de tourner douze jours maximum, pour ne pas les lasser et trop interférer dans leurs vies. Le tournage de l’ensemble s’est étalé de février à octobre 2012. À chaque retour de Pascal, nous commencions à analyser les rushes - environ huit à neuf heures pour chaque histoire. C’était à la fois un bonheur de découvrir ce que Pascal rapportait parce qu’il y avait là une matière humaine extraordinaire, mais aussi une angoisse parce qu’il ne faisait que capter une réalité et qu’elle devait se suffire à elle-même. Tout dépendait des enfants, de leur charisme et de leur volonté de transmettre. Il partait à chaque fois avec une idée de narration, mais cela restait une idée. Il a souvent fallu s’adapter pour coller à la réalité. Très vite, les images du Kenya m’ont confirmé que les choix techniques étaient les bons. Même s’ils étaient lourds, notamment avec des optiques cinéma, cela donnait des images superbes. »

Pascal Plisson : « Pour plus de mobilité, nous n’étions que trois pour tourner. On n’a même pas amené de lumière. Les enfants n’avaient jamais vu une caméra, ni une équipe de tournage. La seule chose que je leur demandais était de ne jamais regarder l’objectif. Sinon, je voulais qu’ils bougent comme ils ont l’habitude de le faire. On a cavalé comme des fous pour être là où il fallait. Je connaissais le chemin qu’ils empruntaient parce que je l’avais déjà beaucoup fait avec eux. Je savais par où ils passaient. Je les laissais faire leur trajet et j’allais me positionner pour les filmer au passage, un tronçon par jour.
Lorsque Jackson s’est fait attaquer par les éléphants, j’étais là. J’ai bien senti que lui et sa sœur étaient inquiets, et au moment où je me trouvais avec eux, des éléphants ont cassé des branches tout près, ils ont eu peur et se sont enfuis. On les a suivis. Cette situation est presque banale pour eux. Après l’alerte, on a simplement refait le moment où ils se réfugient dans le canyon. Je ne voulais pas mettre ces enfants en danger en les amenant près des éléphants. »
« Cela peut paraître surprenant, mais le fait d’avoir réalisé beaucoup de documentaires animaliers m’a vraiment aidé. C’est un genre qui demande un sens aigu de l’anticipation. Il faut savoir se trouver au bon endroit. Quand je vois qu’un guépard marche d’une certaine manière, à la forme de son ventre, à son regard, je devine qu’il y a des gazelles et qu’il est en chasse. C’est à moi de me positionner par rapport à lui dans un rayon qui n’interfère pas dans sa chasse, pour essayer d’attraper le maximum d’axes possibles. C’était la même chose avec les enfants. « Depuis vingt ans, je filme soit les animaux dans la nature, soit les hommes dans la nature… J’adore être à la fois proche des personnages dans la nature, et aussi être très large de manière à les situer dans un décor particulier. À chaque fois, c’est la même chose : être proche d’eux dans l’émotion, et toujours les resituer dans un décor pour montrer au public l’environnement dans lequel ils se trouvent. »
« Je n’ai pas fait que du documentaire animalier puisque, au début, je faisais des films sur les hommes dans la nature. J’ai suivi des camionneurs en Sibérie, j’ai traversé la Sibérie pour aller voir des peuples dans la toundra pendant pas mal de temps. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est l’émotion. « Il fallait aller vite, les suivre. On a beaucoup tourné à l’épaule. Jackson va très vite quand il marche avec sa soeur… On avait souvent du mal à tenir leur rythme ! Il a 11 ans, pèse 45 kg, il cavale toute la journée… Heureusement que je connaissais parfaitement le chemin qu’ils empruntent, sinon on les aurait perdus ! »
« Le film s’est aussi nourri de tout ce que personne ne peut prévoir. Par exemple, quand Samuel arrive à l’école et que son jeune frère lui rajuste sa chemise, le coiffe et l’embrasse, je ne l’avais pas anticipé. Nous étions simplement là au bon endroit, au bon moment, pour recueillir ces gestes magnifiques. Dans un registre moins positif, la roue du fauteuil qui casse, nous ne l’avions pas vu venir non plus. Ça arrive, c’est comme ça. Et il s’est avéré que le magasin à qui ils demandent de l’aide était juste au coin de la rue. »

LES VOI X DE LA RÉALITÉ

Pascal Plisson : « Au Kenya, ils parlent le swahili et le massaï… Je comprends bien le swahili. En Patagonie, c’est l’espagnol, avec lequel je me débrouille un peu. Au Maroc, je ne comprends rien, tout comme en Inde. J’avais un interprète à chaque fois, mais il ne traduisait pas toujours l’intégralité des paroles des enfants. Ce n’est que lors du montage, lorsque j’ai demandé une transcription de leurs propos, que j’ai découvert ce qu’ils disaient.
« Au départ, on avait prévu une voix off qui couvrait tout le film. Et quand on s’est aperçus que ce que disaient les enfants était hallucinant, que le film tenait avec leurs propos et leurs voix, j’ai demandé à retirer la voix pour les laisser vivre. Quand Jackson demande à sa soeur d’accélérer, c’est de son propre chef. Quand on filme les enfants qui parlent du train ou rêvent de voir les États-Unis, je suis loin, je n’entends même pas ce qu’ils disent. »

Barthélémy Fougea : « Définir l’esprit et la couleur de la musique du film n’a pas été simple. Nous souhaitions de l’émotion et de la proximité. Pour moi, la musique symphonique est celle qui véhicule le mieux la grande émotion au cinéma. Mais une formation orchestrale complète aurait manqué de tendresse et nous aurait fait perdre l’intimité recherchée. La musique ethnique pouvait nous rapprocher des personnages et de leur culture mais nous aurait emmené vers un film de voyage et la couleur locale nous aurait fait perdre l’universalité des sentiments que nous voulions transmettre. Laurent Ferlet, à qui j’ai fait appel pour composer la musique a réussi, en utilisant des cordes d’orchestres et des instruments ethniques, à définir une couleur musicale qui nous permet de relier une histoire à l’autre. La proximité émotionnelle recherchée est présente grâce à ce délicat mélange qui a été ajusté étape par étape avec nous pendant et après le montage. Certains thèmes ont même été écrits dans l’avion qui nous emmenait aux studios d’enregistrement des cordes ! »

AUJOURD’HUI

Pascal Plisson : « Il est impossible de s’immerger dans ce genre de projet et d’en ressortir comme si rien ne s’était passé, en laissant les gens là où on les a rencontrés. Je vois toujours les enfants. J’entretiens une relation avec eux qui est très forte. Ça me fait quatre enfants en plus ! De toute façon, on ne peut pas faire un film comme ça sans en sortir indemne. Ce sont des enfants qui s’investissent pour vous, parce qu’ils vous font confiance. Je ne peux pas raconter n’importe quoi sur ces enfants. C’est moi qui suis venu les voir.
« J’ai changé Jackson d’école pour qu’il apprenne mieux. Je lui ai trouvé un parrain qui s’occupe de sa scolarité et de celle de sa sœur parce qu’il n’était pas question de les séparer pour toutes les raisons évoquées. Je suis retourné les voir en février dernier. Elle qui était si timide, qui ne regardait jamais dans les yeux, a littéralement explosé : elle parle anglais, elle est pleine de joie de vivre… Jackson n’était jamais monté dans une voiture, il n’était jamais allé en ville. Je l’ai emmené pour lui acheter un uniforme et il a découvert ce qu’était un grand magasin. J’ai trouvé aussi un parrain à Samuel, qui leur construit une maison. Je le suis médicalement, on lui a trouvé un vrai fauteuil… Les besoins de Carlito et de Zahira sont différents, et nous avons travaillé avec les écoles ou les associations qui les appuient, comme Aide et Action. Je n’ai pas pour habitude de venir, de prendre et de partir. »

TRANSMETTRE UNE ÉMOTION

Barthélémy Fougea : « Pour nous, ce projet dépasse de loin le fait de faire un film. C’est une aventure humaine. Ces enfants nous ont offert une leçon de vie. »

Pascal Plisson : « Dans quasiment toutes les familles que j’ai rencontrées, ces enfants représentent la première génération qui va à l’école : les parents de Jackson n’y sont pas allés, ceux de Samuel non plus, et ceux de Zahira non plus… Et je ne suis pas sûr que ceux de Carlito y soient allés. Il y a à peine quinze ans, on disait encore qu’il était ridicule d’envoyer les enfants à l’école parce qu’on les arrachait à leur culture. Les choses ont changé. Même dans les endroits les plus reculés du monde, les gens se rendent compte que l’accès au savoir est une chance. Au lieu de retenir les enfants confinés chez eux, ils les envoient à l’école. Les jeunes sont conscients de leur chance. Ils prennent tout, ils veulent tout savoir, ils veulent voyager, découvrir le monde, vivre des expériences. Ils veulent aider leurs familles parce qu’ils sont les seuls à pouvoir le faire aujourd’hui. D’ici une quinzaine d’années, partout, on va voir débarquer des profils passionnants, des gens surgis de nulle part, et qui ont tellement eu soif d’apprendre qu’ils se sont élevés aussi bien sur le plan humain qu’intellectuel. C’est une chance pour notre monde. »

Barthélémy Fougea : « Je suis d’abord content parce que, malgré les doutes et les obstacles, nous avons réussi à finir ce film documentaire. Il correspond à la promesse que nous nous étions faite, vis-à-vis du public et vis-à-vis des enfants. »

Pascal Plisson : « Un film, c’est une vision. Je me suis battu pour aller au bout de la mienne.
Barthélémy et Jean-François ont été de précieux appuis. « Ce film me transporte. Je n’oublierai jamais cette histoire. J’espère montrer au public qu’il existe d’autres réalités et que l’accès au savoir est fondamental pour tous les enfants du monde. En France, nous avons la chance d’avoir des écoles au coin de la rue, mais c’est loin d’être le cas partout. C’est le message que j’aimerais transmettre, illuminé de l’espoir et de l’énergie que ces enfants nous offrent. « Il faut aider chaque enfant à valoriser son potentiel, que ce soit au fond de la brousse, dans les montagnes ou dans nos cités. Plus l’environnement est compliqué, plus ils sont motivés. Ne nous privons pas de ces réserves de talents. Si on leur donne une chance de s’en sortir, nous y gagnerons tous. »

- Le saviez-vous ? -

Données générales sur l’éducation dans le monde

57 millions d’enfants d’âge primaire n’ont pas accès à l’école (source : UNESCO et UNESCO Institute of Statistics),
dont 53% sont des filles.
71 millions d’adolescents sont privés d’éducation (source : UNESCO et UNESCO Institute of Statistics).
93 millions d’enfants dans le monde de moins de 14 ans vivent avec un handicap modéré ou sévère (UNICEF, 2013).
Seuls 51% des garçons et 42% des filles en situation de handicap terminent le niveau d’études primaires.
1,3 milliards de personnes dans le monde vivent dans l’extrême pauvreté (c’est-à-dire avec moins d’1,25 dollars par jour) (source : Banque mondiale).
870 millions de personnes souffrent de la faim (source : Banque mondiale).
6,9 millions d’enfants de moins de 5 ans meurent chaque année (source : Banque mondiale)
dont 45% à cause de la sous-nutrition (source : The Lancet).

- L’éducation au Maroc -

Données générales
32,273 millions d’habitants (source : UNESCO 2011)
9% de la population vit sous le seuil de pauvreté (source : Banque mondiale).
Nombre de décès d’enfants de moins de 5 ans pour 1 000 naissances : 31 (source : UNESCO).

Données sur l’éducation
44% des adultes (c’est-à-dire les personnes de plus de 15 ans) sont analphabètes, dont 66% de femmes (source : UNESCO).
Le taux d’analphabétisme des jeunes atteint 20% (13% pour jeunes garçons et 28% pour les jeunes filles) ce qui témoigne à la fois de la faible qualité de l’éducation et des inégalités dont souffrent les filles, particulièrement en zones rurales (source : UIS).
Le Maroc consacre près de 6% de son PIB à l’éducation ; le budget de l’éducation représente 26% du budget national. Les financements se concentrent essentiellement sur l’éducation primaire et secondaire (source : UIS).

Analyse des enjeux
134 000 enfants au Maroc n’accèdent pas à l’enseignement primaire. Ce sont essentiellement des enfants vivant en zones rurales et issus de familles pauvres.
Les régions rurales font face à de plus grandes difficultés : les écoles sont peu et mal équipées, la distance représente un frein pour de nombreux enseignants (résultat : les enseignants en zones rurales sont souvent de jeunes enseignants sans expérience professionnelle).
56% des enfants d’âge primaire non scolarisés sont des filles. Les inégalités entre filles et garçons s’accroissent au niveau de l’enseignement secondaire : 90% des garçons sont scolarisés en 1ère année du secondaire (correspondant au niveau 6e en France) contre seulement 73% des filles.
La langue constitue une difficulté d’accès à l’éducation et freine les apprentissages des enfants issus de familles berbérophones (la langue officielle d’enseignement étant l’arabe).

- L’éducation en Argentine -

Données générales
40,765 millions d’habitants (source : UNESCO 2011)
Nombre de décès d’enfants de moins de 5 ans pour 1 000 naissances : 14 (source : UNESCO).

Données sur l’éducation
2% des adultes (personnes de plus de 15 ans) sont analphabètes. Le taux d’analphabétisme des jeunes de 15 à 24 ans est inférieur à 1% (source : UNESCO).
Taux de scolarisation net dans l’enseignement primaire : 97%.
95% des enfants entrant en 1ère année du primaire accèdent à la dernière année du primaire.
90% des enfants accèdent à un cycle complet d’études secondaires (collège + lycée).
Le faible écart que l’on constate entre filles et garçons profitent aux premières (elles sont plus nombreuses à accéder à l’éducation secondaire que les garçons).
Le pays consacre près de 6% de son PIB à l’éducation ; le budget de l’éducation représente 14% du budget national.

Analyse des enjeux
En Argentine, la société accorde une grande importance à l’éducation.
Les principaux défis du système éducatif sont liés aux différences de développement entre les provinces du pays (l’éducation est décentralisée) et à la pauvreté des familles dans certaines régions (essentiellement dans les provinces rurales).
Les programmes d’enseignement diffèrent en fonction des provinces et le niveau local de ressources a des impacts forts sur les apprentissages des enfants. Dans les provinces pauvres, le nombre d’enfants ne maîtrisant pas les bases en lecture et en écriture est plus important que dans les provinces mieux dotées en moyens financiers.
Par ailleurs, si l’école est gratuite, il n’existe pas de système de transport scolaire et les familles doivent acheter l’ensemble des livres, du matériel scolaire et des uniformes.

- L’éducation en Inde -

Données générales
1 241 492 millions d’habitants (source : UNESCO 2011)
29,8% de la population vit en-dessous du seuil d’extrême pauvreté, soit avec moins d’1,25 dollars par jour (source : Banque mondiale).
Nombre de décès d’enfants de moins de 5 ans pour 1000 naissances : 65 (source : UNESCO).

Données sur l’éducation
37% des adultes sont analphabètes. 49% des femmes sont analphabètes contre 25% des hommes (source : UNESCO).
Taux d’inscription pour les enfants de 6 à 14 ans : 96% (source : The Annual Status of Education Report 2012).
Près de 2,3 millions d’enfants d’âge primaire ne sont pas scolarisés dont 62% de filles.
8 enfants sur 10 inscrits en première année du primaire accèdent à la dernière année du secondaire.
Les écarts se creusent à l’entrée dans le deuxième cycle du secondaire (niveau lycée).

Analyse des enjeux
Les taux de scolarisation pour les enfants de 6 à 14 ans (âge de la scolarité obligatoire en Inde) se sont améliorés de façon constante depuis 1990. Mais ces dernières années, le nombre d’enfants non scolarisés a tendance à augmenter très légèrement (de 3,3% en 2011 à 3,5% en 2012).
Les taux d’inscription dans l’enseignement privé augmentent très rapidement, de 18,7% en 2006 à 28,3% en 2012. A ce rythme, près de 50% des enfants d’âge scolaire pourraient être scolarisés dans des écoles privées d’ici 2018.
La qualité de l’environnement scolaire s’est améliorée : 73% des écoles étudiées sont raccordées à un système d’eau potable, 56,5% ont des latrines en état de fonctionnement, et 87,1% des écoles assurent aux enfants le repas du midi. Mais en parallèle, la qualité de l’éducation diminue en termes de résultats d’apprentissage : en 2012, moins de la moitié des enfants scolarisés en 5e année du primaire pouvaient lire un texte calibré pour des enfants de 2e année du primaire (avec un fort écart de résultat entre les élèves du privé et les élèves des écoles gouvernementales), et seuls 53,5% d’entre eux pouvaient résoudre une soustraction simple à deux chiffres (source : The Annual Status of Education Report 2012).

- L’éducation au Kenya -

Données générales
41,61 millions d’habitants (source : UNESCO 2011)
67% de la population vit en situation de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 2 dollars par jour (source : UIS).
Nombre de décès d’enfants de moins de 5 ans pour 1000 naissances : 89 (source : UNESCO).
42% de la population a moins de 14 ans (source : UIS).
76% de la population vit en zone rurale (source : UIS).
Espérance de vie à la naissance : 57 ans (source : UIS).

Données sur l’éducation
28% des adultes sont analphabètes, soit 22% des hommes et 33% des femmes. 17,6% des jeunes de 15 à 24 ans ne savent ni lire ni écrire.
Les taux nets d’inscription dans le primaire sont passés de 62% en 1999 à 83% en 2009 : le pays a fait d’énormes progrès. La suppression des frais de scolarité et la mise en place de bourses scolaires pour les filles ont notamment permis d’accélérer les progrès.
1 million d’enfants d’âge primaire sont privés d’éducation dont 48% de filles : le Kenya est l’un des 10 pays au monde où l’on enregistre le plus grand nombre d’enfants privés d’éducation (source : UNESCO).
20% des enfants scolarisés en 1ère année du primaire abandonnent l’école avant la dernière année du primaire.

Analyse des enjeux
Les inégalités sont encore très fortes au Kenya en fonction du sexe, de la situation économique et du lieu de résidence des enfants.
Dans la région pastorale du Nord-Est par exemple, 44% des filles de 7 à 16 ans ne sont jamais allées à l’école.
Les enfants issus des groupes de populations pastorales sont particulièrement discriminés : dans les trois provinces abritant des populations pastorales et enregistrant les taux d’inscription net au primaire les plus faibles, moins de 30% des garçons et 20% des filles accèdent à l’éducation.
Les enfants vivant dans les bidonvilles sont aussi particulièrement concernés (à Nairobi, un tiers de la population soit un million de personnes vit dans des bidonvilles) : ces bidonvilles étant considérés par les autorités comme illégaux, les besoins des populations qui y vivent ne sont pas pris en compte et le gouvernement n’y répond tout simplement pas. Conséquence : face au manque d’écoles gouvernementales, des écoles privées low cost se développent que les parents doivent payer, alors que l’école est gratuite pour les enfants n’habitant pas dans les bidonvilles (le Kenya est l’un des premiers pays d’Afrique subsaharienne à avoir supprimé les frais de scolarité).
Dernier groupe marginalisé au Kenya : les réfugiés (le Kenya est le pays accueillant la population de réfugiés la plus importante en Afrique, pour l’essentiel des personnes ayant fui les conflits en Somalie et au Soudan).

- Des enfants courageux -

CARLITO, 11 ans, Argentine
Le cheval de Carlito est exceptionnel, lorsque les deux enfants sont sur son dos, il fait toujours très attention pour ne pas les faire tomber. Il y a une véritable amitié et une grande reconnaissance de Carlito envers son cheval Chiverito. Carlos passe beaucoup de temps à le câliner, à le brosser, à lui parler. Tous les soirs Mika et Carlos s’occupent eux-mêmes de leurs chevaux. Ils vérifient les pattes les blessures, les tendons, les coupures. Lorsque Carlos et Mika partent de chez leurs parents, ils se retrouvent totalement seuls dans la nature. Ils traversent de grandes étendues sauvages et le moindre accident peut être dramatique. Ils sont très jeunes pour se retrouver face à eux-mêmes dans cette nature où la moindre chute de cheval pourrait avoir de graves conséquences. En Argentine, dans les zones rurales, un véritable effort de scolarisation a été mis en œuvre par l’État argentin, et les professeurs sont bien souvent des personnes complètement habitées par leur mission.
À onze ans, Carlito a déjà un cheptel de chèvres Depuis plusieurs années, au moment des naissances, le papa de Carlos offre à son fils tous les chevreaux qui ont deux couleurs de poil. Carlos a déjà plus d’une cinquantaine de bêtes. Mika a déjà un poulain dont elle s’occupe toute seule. Il est très important de créer très tôt une relation de confiance et d’amitié. Dans quelques mois, elle partira seule à l’école avec son jeune cheval, l’entente doit être parfaite. Les premiers trajets se feront accompagnés du papa pour habituer le cheval au terrain. Ce sera l’occasion pour le papa de voir le comportement du compagnon de Mika. Impossible de la laisser partir avec un jeune cheval fougueux et dangereux. Sur la route, le plus dangereux ce sont les chiens errants qui attaquent et qui font peur aux chevaux. Les chiens sauvages sont très nombreux dans cette partie de la Cordillère des Andes. Ils attaquent aussi les chèvres et sèment la terreur.
Carlos est très coquet, il n’est pas question d’arriver mal coiffé à l’école. Même s’ils habitent loin de tout, au fond d’une vallée, les petits écoliers argentins sont très lookés.

JACKSON, 11 ans, Kenya
La famille de Jackson a été déplacée lors de la grande sécheresse de 2010 et a trouvé refuge ici. Pour trouver l’eau dans les rivières asséchées, Jackson repère les endroits où les éléphants ont creusé. À cet endroit, il est certain de trouver de l’eau. L‘école est obligatoire au Kenya et même si la distance est longue, Jackson et sa petite sœur doivent aller à l’école. Dans cette école, chaque année, entre 5 et 6 enfants meurent à cause des éléphants. Chaque matin, Jackson monte sur un rocher pour repérer les éléphants et choisir son chemin pour aller vers son école.
La pratique du charbon de bois est interdite à cause de la déforestation. Les parents de Jackson doivent se cacher pour faire du charbon. Le charbon est vendu le long des routes ce qui permet à peine de nourrir la famille. Il n’y a pas toujours à manger dans l’école car le gouvernement n‘envoie pas toujours l’argent. Lorsqu’il y a à manger à l’école, chaque élève doit apporter un bout de bois pour le feu et de l’eau pour faire bouillir les haricots.
Jackson fabrique ses chaussures lui-même. Elles sont faites en pneu de camion et cloutée. Tous les jours il vérifie que les clous ne le blessent pas lorsqu’il marche. Il installe aussi une languette en plastique jaune pour éviter les frottements. Jackson marche silencieusement pour éviter de se faire repérer par les animaux sauvages comme les éléphants, les buffles, les hyènes et par les bandits. Il écoute la nature en permanence.

SAMUEL, 13 ans, Inde
Tous les jours, Samuel fait la lecture à ses frères car il est le seul à savoir vraiment lire. L’école lui prête des livres et des poèmes qu’il lit aux enfants qui habitent près de la plage. Plusieurs fois, lors des trajets pour aller à l’école, les trois enfants se sont fait attaquer par des bandes de chiens sauvages. Pendant la mousson, les enfants se retrouvent parfois dans des situations périlleuses ou il leur faut traverser, sans aucune aide extérieur, des lagunes et des routes de sable mouillé. Le fauteuil de Samuel a été fabriqué avec une chaise de camping et des roues de vélo. Plusieurs personnes ont essayé de lui faire changer de fauteuil mais il refuse et préfère celui-là, même s’il est complètement déglingué. Tous le village musulman est derrière cette famille chrétienne. L’entre aide est incroyable et les gens saluent toujours les trois frères lorsqu’ils les croisent sur le chemin de l’école. Les marchands leur offrent du jus noix de coco et des mangues et le petit atelier de mécanique est gratuit pour Samuel.
La mer, les bateaux, c ‘est la passion de Samuel. Ils habitent à une centaine de mètre de la mer et ils n’y vont que très rarement. Le papa de Samuel était pêcheur mais un accident en mer a arrêté sa carrière. Samuel adore aller voir l’arrivée des petites embarcations qui rentrent de la pêche au coucher du soleil. Les pêcheurs offrent du poisson et des coquillages à la famille.
Le petit Gabriel, c‘est le clown de bande, toujours prêt à manifester sa joie ou son mécontentement. Du haut de ses 5 ans, il pousse le fauteuil de son grand frère dans le sable, dans l’eau et la gadoue… Emmanuel lui, c ‘est le tendre, le calme sur qui repose la responsabilité de ses frères.
Emmanuel est un peu effacé. Il vit assez difficilement le handicap de son grand frère qu’il aime par-dessus tout. Le papa étant absent, Emmanuel se sent responsable de ses frères et sait que sa vie de jeune garçon sera différente de celle des autres garçons du village. Les trois frères sont toujours ensemble, ils sont inséparables. Ils ne voient pas beaucoup d’autres jeunes de leur âge car une fois qu’ils ont fait le chemin inverse, après l’école, il faut à nouveau s’occuper de Samuel. Il faut faire les devoirs, aller chercher de l’eau au puits pour se laver et la séance de massage recommence tous les soirs. Emmanuel et Gabriel aident leur mère à faire la cuisine, à trouver du bois pour le feu, à laver le linge et nettoyer la maison.

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